2 Les critères d’application de la catégorie de réfugié religieux

C’est à partir de son application par les institutions internationales et européennes, les autorités nationales et la jurisprudence européenne et nationale que les critères d’axes à la catégorie de réfugié religieux se dessinent. Cette analyse peut être menée prenant en considération les trois figures dont dépend l’accès à la protection internationale et donc : le persécuteur ; le persécuté ; les autorités chargées de décider au sujet de la demande d’asile de protection dont les décisions seront approfondies par le biais d’une comparaison entre la jurisprudence internationale, européenne et nationale. Concernant cette approche, il faut préciser que cette façon de présenter l’accès au statut de réfugié est nécessairement simplificatrice, car les différentes dynamiques qui influencent l’obtention du droit d’asile sont profondément liées entre elles et plus précisément, comme on le verra, le persécuteur reste une figure centrale pour la reconnaissance du droit d’asile. Néanmoins, dans la perspective de recherche proposée, les critères d’application de la catégorie de réfugié religieux correspondent au rôle du persécuteur ; à la crédibilité du persécuté ; à la circulation de la catégorie entre systèmes juridiques différents.

1. Le rôle du persécuteur dans l’accès au statut de réfugié religieux

Dans la perspective du droit international, l’application de la catégorie de réfugié religieux à la réalité des persécutions religieuses doit d’abord être liée au rôle joué par le persécuteur religieux. En effet, l’examen de la Convention de Genève, des principes directeurs sur cette typologie de persécution du Haut-Commissariat, des sources de l’Union européenne révèle d’une certaine façon l’impossibilité d’aborder le réfugié religieux sans se référer à celui qui le persécute. Or, si comme on l’a observé, les critères de définition de la religion sont fondés sur la peur bien fondée d’être victime de persécution religieuse, l’application de cette notion à la réalité concerne le rôle du persécuteur, car c’est le persécuteur qui provoque la peur du demandeur d’asile et donc ceci constitue la condition majeure pour bénéficier du statut de réfugié religieux[1].

Globalement, la centralité du persécuteur dans l’accès à la catégorie de réfugié religieux peut alors être représentée comme une échelle : à la base de cette échelle, on trouve le jugement du persécuteur fondé sur une religion ou une conviction ; à l’échelon suivant le jugement persécutoire qui produit une peur bien fondée de la part des individus ou des communautés, stigmatisés par le persécuteur ; le troisième échelon repose sur la possibilité d’établir une causalité entre la peur bien fondée, la religion et le jugement du persécuteur et donc, en présence ou en absence d’une telle correspondance, l’accès ou non au statut de réfugié religieux[2]. Cet enjeu de l’accès au droit d’asile par le biais des actions du persécuteur permet d’abord de distinguer les différentes figures du persécuteur prévues par le droit international et européen, puis, en fonction de l’identité ou de la diversité entre la religion du persécuté et la religion du persécuteur, d’évaluer l’impact de l’action du persécuteur sur l’identité religieuse du persécuté.

1.1. Les différentes figures du persécuteur religieux

Quant à la distinction entre les différentes figures du persécuteur et aux différents moyens de persécution, le droit international et européen identifie trois figures de persécuteurs : l’État ; des partis ou organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci ; des acteurs non étatiques. Si cette tripartition des acteurs de la persécution a été élaborée par le HCR dans l’interprétation de la Convention de Genève, l’Union européenne a prévu cette distinction à l’article 6 de la Directive 2011/95/EU. Au-delà de l’inventaire général des acteurs pouvant être qualifiés de persécuteurs et de l’examen de leur classification en fonction de la raison de la persécution, la démarche tendant à mieux cerner la notion de persécuteurs religieux prend son sens à partir du moment où la religion produit un risque de violation grave des droits humains. C’est en effet en ce qu’ils utilisent la religion pour la mise en œuvre de cette violation grave que les persécuteurs pourraient être qualifiés de persécuteurs religieux. La notion de persécuteur religieux se présente alors comme une notion fonctionnelle qui permet non seulement de rendre compte de la diversité des liens entre persécution et religion, mais aussi de mieux envisager les moyens de la persécution (lois, actes de violence physique ou psychologique, sanctions économiques) en fonction de la diversité d’identité du persécuteur. De ce point de vue, l’échantillon de la persécution religieuse est composé globalement, selon le rapport 2021 sur la liberté religion dans le monde, rédigé par la Fondation « Aiuto alla chiesa che soffre », de 26 pays où vivent 3,9 milliards de personnes, soit un peu plus de la moitié (51 %) de la population mondiale[3]. Ce classement comprend 12 États africains et 2 pays où des enquêtes sur un possible génocide sont en cours : la Chine et le Myanmar (Birmanie). De là, il convient d’apprécier les transformations du persécuteur religieux, d’un contexte à un autre, par le biais de quelques exemples sur les persécutions religieuses dans le monde.

Concernant les persécuteurs religieux étatiques, la Chine et le Pakistan représentent deux exemples utiles à notre recherche, car dans les deux pays les raisons du persécuteur sont différentes, respectivement liées à une conviction, l’idéologie marxiste en Chine, et à une religion, l’islam sunnite au Pakistan. Suivant la distinction entre « religion persécutrice et religion persécutée » et glissant dans la perspective du persécuteur, la Chine représente alors un exemple concret de risque de persécution à partir d’une idéologie persécutrice, alors qu’au Pakistan le risque est produit par une religion persécutrice.

En Chine, les politiques publiques sur la religion sont inspirées par un contrôle du gouvernement sur toutes les organisations et communautés religieuses. La surveillance massive des religions de la part du Parti communiste chinois utilise souvent la technologie de l’intelligence artificielle et un système de crédit social, qui récompense ou punit les comportements individuels. La répression brutale des groupes religieux et ethniques ressort, en particulier, des programmes d’internement de masse et de « rééducation » coercitive, qui impliquent actuellement plus d’un million d’Ouïghours, majoritairement musulmans, dans la province du Xinjiang[4]. Dans cette situation, le moyen utilisé par le gouvernement pour persécuter la minorité musulmane réside dans des lois que, dès 2015, la Chine a approuvées pour contrer le terrorisme et l’extrémisme[5]. En particulier, la loi « Vocational Education and Training in Xinjiang » en 2019 a réaffirmé que l’existence des formes d’islam radical dans la région du Xinjiang renforce l’objectif de la déradicalisation dans l’ensemble du processus d’éducation et de formation[6]. Dans la même direction, la réglementation Internet de 2014 a renforcé et élargi les dispositifs de contrôle sur la religion en ligne. L’article 6 vise à « interdire aux fournisseurs de services d’information Internet et aux utilisateurs de créer, copier, ou stocker des informations pour : […] 4) diffuser une idéologie religieuse extrémiste, saper les politiques religieuses nationales ou promouvoir des cultes et des superstitions féodales »[7]. La correspondance entre minorité musulmane et terrorisme, en outre, est illustrée par l’article 38 du règlement XUAR sur les affaires religieuses en 2015, qui a interdit aux individus d’utiliser leurs « apparence, vêtements et ornements personnels, symboles et autres marques pour attiser le fanatisme religieux, diffuser des idéologies religieuses extrémistes, ou contraindre ou forcer d’autres personnes à porter des vêtements extrémistes, des symboles religieux extrémistes ou d’autres marques »[8]. Les effets de ces dispositions légales et autres sont une persécution systématique contre les Ouïghours, réalisée à travers différents actes de persécution. En effet, si les estimations les plus récentes parlent d’environ un million d’Ouïghours enfermés dans des « camps de rééducation » en Chine, les technologies de l’intelligence artificielle jouent un rôle majeur pour la réalisation d’un enregistrement « racial » et religieux. Concernant ce phénomène, en 2019, la Commission américaine sur la liberté religieuse dans le monde[9] a dénoncé l’installation de millions de caméras dans toutes les régions du pays pour surveiller les espaces publics, l’existence des programmes spéciaux de surveillance, la création d’une base de données nationale avec l’ADN des citoyens chinois, les soins spécifiques dédiés aux habitants du Xinjiang (majoritairement ouïghours) pour les classer sur la base des traces de sang, de l’image de l’iris ou des empreintes digitales.

Reprenant l’exemple du Pakistan déjà évoqué dans le paragraphe sur la notion de persécution, nous pouvons observer un exemple de religion persécutrice dans l’islam en tant que religion d’État. Cette affirmation appelle des précisions concernant le cadre légal de référence. En particulier, si la Constitution pakistanaise à l’article 2 établit que l’islam est la religion de l’État et garantit, en vertu des articles 20, 21 et 22, la liberté religieuse, les lois pénales sur le blasphème limitent considérablement les libertés des non-musulmans, punissant par exemple de la réclusion ou de la peine de mort ceux qui profanent le Coran ou insultent le Prophète Mohammed. À ces sanctions, aggravées par une politique d’oppression des minorités favorisée par le ministère des Affaires religieuses, les phénomènes de conversion forcée des chrétiens à l’islam sont diffusés dans le pays. La situation décrite est si grave que le HCR a élaboré des principes directeurs spécifiques consacrés à la protection des minorités religieuses au Pakistan[10]. L’analyse de cette dynamique de persécution montre un modèle légal de construction de la religion persécutrice. En effet, le statut de l’islam en tant que religion d’État est à la base des violations graves des droits des non-musulmans, car une certaine façon d’interpréter les préceptes religieux de l’islam se transforme en lois de l’État et donc en positions officielles d’intolérance religieuse.

En ce qui concerne les partis ou les organisations qui contrôlent l’État ou une partie importante du territoire de celui-ci, en Afrique les persécutions religieuses sont, pour la majeure partie, liées à l’action des groupes djihadistes ou à des phénomènes de violences intercommunautaires. Concernant les groupes djihadistes, Boko Haram est un groupe d’idéologie salafiste-jihadiste qui défend le remplacement de l’État nigérian par un État islamique, strictement conforme à la charia. L’établissement d’un califat est promu par Boko Haram à travers la violence contre les Occidentaux et d’autres musulmans, y compris les soufis. En septembre 2014, le groupe a été ajouté à la liste des organisations affiliées à Al-Qaïda du Conseil de sécurité de l’ONU[11]. Cette organisation remplit la deuxième définition de persécuteur religieux, car Boko Haram contrôle des territoires et des villes au Nigeria, en particulier dans la partie nord-est du pays, et, contemporainement, complique notre exercice de définition sur les notions de religion persécutée et de religion persécutrice. Dans l’hypothèse d’un persécuteur non étatique qui contrôle des parties spécifiques d’un pays, en effet, la nature persécutrice ou persécutée d’une ou plusieurs religions peut changer en fonction du territoire, même de la ville ou du village, d’origine du demandeur d’asile. Établir une telle correspondance entre religion et territoire peut alors devenir particulièrement difficile dans des pays qui, comme le Nigeria, se composent de plusieurs États.

Enfin, les confréries au Nigeria sont un exemple des acteurs non étatiques responsables des persécutions religieuses et aussi l’occasion pour tester la définition large de « religion », observée dans le statut de réfugié, à travers les pratiques cultistes de ces groupes. En particulier, si les confréries à l’origine étaient des cultes secrets inspirés par des convictions liées à la libération des Africains de l’oppression occidentale et aujourd’hui, ce sont des groupes plutôt dédiés aux activités criminelles, l’appartenance au groupe est caractérisée par le partage de rites vaudou, de pratiques secrètes, de croyances et de rites d’initiation. Les rites d’initiation, en particulier, sont décrits comme macabres, sanglants et barbares et, conformément à leur nature secrète, se déroulent dans des forêts ou des cimetières, généralement autour d’un feu de joie, et impliquent la présence de danses, de chants, de drogues, de sang humain et de viols. Depuis leur fondation, ces groupes sont responsables de dizaines de morts dans des universités nigérianes à la suite d’affrontements avec d’autres sectes étudiantes[12]. À la base des violences perpétrées par ces groupes, on trouve le cultisme, en tant que pacte de fidélité entre confrères et raison de violence contre ceux qui ne partagent pas les mêmes croyances. De là, c’est au regard de l’origine du cultisme qu’il convient de considérer le processus de construction de la religion persécutrice. Différemment des autres exemples observés de la notions de religion persécutrice, le cultisme trouve sa genèse dans la réaction à la colonisation accusée d’avoir annulé l’identité africaine et c’est donc dans le passage historique du colonialisme au post-colonialisme qu’il faut retracer la racine violente de la religion.

1.2. L’impact de l’action du persécuteur sur l’identité religieuse du persécuté

Concernant les effets, ils peuvent être mesurés à l’aune du rapport d’identité ou de diversité entre la religion persécutrice et la religion persécutée. Il convient dans cette optique d’envisager deux différentes conséquences de l’identité ou de la diversité entre la religion persécutée et la religion persécutrice et en particulier : la conversion ; l’analphabétisme religieux.

D’une part, la conversion peut avoir l’effet opposé d’établir une identité ou une diversité entre religion persécutée et religion persécutrice, selon qu’elle est voulue par le persécuté ou imposée par le persécuteur.

Dans la première hypothèse, la conversion est voulue par le demandeur d’asile, qui décide de quitter sa religion.

Dans la deuxième hypothèse, la conversion est forcée et donc imposée par le persécuteur qui avec violence oblige le persécuté à adhérer à la religion persécutrice.

Se concentrant sur la première hypothèse de la conversion libre, car la deuxième a été déjà analysée comme forme de persécution, il convient de considérer le rapport entre la religion originaire et la conversion selon deux trajectoires diverses concernant la nature persécutrice de la religion originaire : la religion d’origine est persécutrice et pour cette raison le demandeur décide de l’abandonner ; la religion d’origine devient persécutrice à cause de la conversion[13]. À partir de là, l’enjeu est alors d’apprécier dans quelle mesure l’expérience de la conversion encadre l’accès au statut de réfugié dans le droit international et européen. En d’autres termes, si de la notion de religion persécutée et de religion persécutrice se posent à la base du statut de persécuté religieux, exprimant la raison de la crainte bien fondée de subir une persécution, il s’agit de rendre compte et d’analyser les fluctuations de la religion persécutée dans le contexte de sa relation avec la conversion.

Concernant la nature persécutrice de la religion comme raison de la conversion à une autre religion, une expérience de persécution religieuse vécue par le demandeur d’asile dans le contexte de sa même communauté d’appartenance peut motiver la décision, dans le pays d’origine ou dans le pays d’accueil, d’abandonner la religion originaire pour une autre religion ou conviction. Dans cette situation, la superposition entre religion persécutée et religion persécutrice a un impact profond sur la relation entre l’individu et sa foi : le persécuté peut, en effet, se sentir trahi par sa propre religion et pour cette raison décider de l’abandonner. Dans cette situation, même si le HCR a pris en considération le thème de la conversion surtout comme un problème de crédibilité dans les cas de demande d’asile sur place, c’est-à-dire quand la conversion est postérieure au départ, l’institution onusienne a cependant souligné que, dans l’évaluation de la conversion, les autorités nationales doivent valoriser « la nature et la connexion entre les convictions religieuses défendues dans le pays d’origine et celles défendues aujourd’hui, toute critique vis-à-vis de la religion suivie dans le pays d’origine »[14].

En même temps, passant au deuxième profil correspondant à la religion qui devient persécutrice en raison de la conversion, la conversion religieuse peut produire un risque de persécution religieuse, quand la religion d’origine devient persécutrice, condamnant l’apostasie sur le plan théologique. Par exemple, selon des exégèses distinctes du Coran élaborées par les différentes écoles de droit islamique, l’apostasie est punie par la condamnation terrestre, la peine capitale ou la punition surnaturelle de Dieu[15]. À partir de cette trajectoire, quelques précisions peuvent être tirées de la décision de la Grande Chambre de la cour de Strasbourg F.G. c. Suède [16] concernant un ressortissant iranien qui s’était converti au christianisme en Suède, présentant pendant la procédure d’asile une déclaration d’un pasteur baptiste, confirmant l’adhésion du demandeur à son Église. Au-delà des profils liés à la crédibilité du sujet, profils qui seront approfondis dans le prochain paragraphe, il est à noter que le requérant avait motivé sa décision de conversion établissant deux connexions avec l’islam. Selon la première argumentation, la conversion découlait d’une critique de la religion du prophète. Comme l’a dit le demandeur pendant la procédure d’asile : « Tous les problèmes de mon pays d’origine sont dus à la pénétration de l’islam en Iran »[17]. Selon la deuxième argumentation, le requérant a mis en évidence l’aptitude persécutrice de sa religion d’origine, soulignant, en cas d’expulsion vers l’Iran, un risque de persécution résultant de sa volonté de ne pas cacher sa religion, en tant qu’ « il entendait pratiquer sa nouvelle foi de manière ouverte »[18]. Concernant cette deuxième affirmation, il est intéressant d’observer qu’en Iran, l’aptitude persécutrice de l’islam au regard des convertis ne se traduit pas par un délit prévu dans le Code pénal, mais, en dehors des tribunaux religieux, « les affaires concernant des convertis étaient traitées sur le fondement d’accusations de trouble à l’ordre public, et non d’apostasie »[19].

D’autre part, l’analphabétisme religieux[20] peut exprimer un effet du conflit entre la religion du persécuteur et la religion du persécuté, quand la persécution a empêché le demandeur de se former à une éducation religieuse. En particulier, le Haut-Commissariat a valorisé l’impact de la persécution sur l’identité religieuse et les expériences religieuses vécues par les réfugiés, soulignant que le « niveau de répression contre un groupe religieux dans une société peut sévèrement restreindre la capacité d’une personne d’étudier ou de pratiquer sa religion. Même quand la personne est en mesure de recevoir une éducation religieuse dans un environnement répressif, elle peut ne pas être enseignée par des chefs qualifiés »[21]. La mise en regard de la persécution religieuse et de l’analphabétisme religieux souligne les effets performatifs du persécuteur sur la personnalité religieuse du persécuté et, en même temps, valorise une définition de la religion persécutée plutôt liée à la manière de vivre du demandeur, qu’à des standards prédéterminés de connaissance de textes sacrés, de rites ou de célébrations de la religion professée par le demandeur d’asile.

2. La crédibilité religieuse du demandeur d’asile : sincérité religieuse ou opportunisme religieux ?

La crédibilité religieuse du demandeur d’asile représente, selon le Haut-Commissariat, « une question centrale dans les demandes d’asile fondées sur la religion »[22]. En effet, les autorités nationales chargées d’évaluer les demandes de protection doivent établir si la personne est réellement exposée à un risque de persécution religieuse dans son pays d’origine ou si la religion fait partie d’une stratégie pour détourner la loi et obtenir un titre de séjour[23]. Or, si la nécessité de garantir une application du statut de réfugié religieux conforme au droit international est légitime, la preuve de la sincérité de la peur bien fondée de subir une persécution religieuse peut devenir très problématique, voire impossible. En effet, au-delà de la difficulté pour les autorités d’avoir une connaissance suffisante de la diversité des identités religieuses des demandeurs – qui peuvent, en effet, correspondre à des doctrines, en tout ou en partie, inconnues en Europe, syncrétiques, traversées par des marqueurs identitaires hétérogènes, qui, selon les cas, sont aussi ethniques, tribaux, politiques ou liés au genre ou à l’orientation sexuelle du demandeur –, le test de crédibilité semble introduire des éléments novateurs dans le domaine général des conditions de protection de la liberté religieuse. Plus précisément, différemment du domaine général de protection de la liberté religieuse, où il n’existe pas de définition légale de la religion et par conséquent non plus de paramètres pour tester la sincérité d’une foi ou d’une conviction, car la protection de la liberté d’avoir une religion est absolue et la liberté de manifester une religion dépend du respect des limites établies par le droit international et européen, mais a priori pas de la sincérité, dans la protection internationale, en revanche, les deux sphères de liberté peuvent être l’objet d’un test de crédibilité concernant le risque de persécution. De là, deux voies d’analyse sont ici à considérer afin de mieux cerner ce que recouvre la notion de crédibilité religieuse dans le droit international et européen des réfugiés.

D’une part, l’enjeu de conditions de garantie de la protection internationale pour des raisons religieuses amène à examiner la relation entre crédibilité et peur bien fondée de subir une persécution religieuse.

D’autre part, une seconde voie d’analyse consiste à explorer les critères élaborés par le droit international et européen pour structurer des techniques d’évaluation de la crédibilité religieuse et donc un test de sincérité capable de détecter la bonne foi du demandeur.

2.1. Les seuils de la crédibilité

En ce qui concerne les conditions d’accès à la protection internationale pour motifs religieux, la reconnaissance du statut de réfugié dépend de la preuve d’une crainte bien fondée de subir une persécution religieuse. Cette précision est importante pour analyser la crédibilité, car d’une certaine façon, l’enjeu ne réside pas nécessairement dans la recherche de la sincérité du demandeur s’agissant de sa religion ou conviction, mais surtout en raison d’un risque de persécution, qui procède du lien de causalité entre religion et persécution. La sincérité ne regarde donc pas la religion ou la conviction personnelle, mais la peur de subir une persécution religieuse. À partir de là, pour mieux cerner les effets de la crainte bien fondée sur la crédibilité, nous pouvons identifier divers seuils de crédibilité en fonction du risque de persécution liée à la religion selon quatre directions : la nature réelle ou perçue de la religion à la base du risque de persécution ; la phase temporelle où la peur bien fondée se manifeste ; l’expérience persécutoire à l’origine de la demande d’asile ; la définition de la religion associée au statut de réfugié.

Quant à la nature réelle ou perçue de la religion à la base du risque de persécution, si la crainte bien fondée peut prendre son origine autant de la religion réelle professée par le demandeur que de la religion attribuée par le persécuteur, les deux situations bénéficient de la même protection dans le droit international et européen, la preuve de la perception du persécuteur semble produire une distinction au niveau du seuil de crédibilité exigé entre « croyant réel » et « croyant perçu ».

Le croyant réel doit démontrer sa sincérité concernant le lien entre sa foi ou conviction, et le risque de persécution, tandis que le croyant perçu ne doit pas argumenter sur un lien avec des doctrines qui ne lui appartiennent pas, mais prouver la circonstance différente que le persécuteur lui impute des croyances ou des convictions différentes de celles réellement professées. La distinction proposée semble être confirmée par les principes directeurs sur les persécutés religieux, où le HCR a souligné que dans le cas des croyants perçus : « Il n’est pas nécessairement pertinent d’établir la sincérité de la croyance, de l’identité et/ou d’une certaine manière de vivre […] Il peut ne pas s’avérer nécessaire, par exemple, qu’une personne (ou un groupe) déclare qu’elle appartient à telle religion, qu’elle respecte telle foi religieuse ou qu’elle observe telles pratiques religieuses dès lors que le persécuteur impute ou attribue cette religion, cette foi ou ces pratiques à cette personne ou à ce groupe »[24].

En ce qui concerne le moment où la peur bien fondée se manifeste, la crédibilité du demandeur revêt une importance particulière lorsque la religion peut être la cause de persécution dans l’État d’origine parce qu’elle est le résultat d’une conversion, qui a eu lieu après le départ, par exemple dans le pays d’arrivée. Dans ce cas, le droit international[25] et européen[26] utilise la formule linguistique spécifique de « réfugié sur place » pour définir le demandeur d’asile et la question de la bonne foi de la personne devient particulièrement sensible. Le moment où le passage à une nouvelle religion a eu lieu pourrait en effet être symptomatique d’un simple calcul opportuniste que la personne a fait pour demander le statut de réfugié. Il peut arriver qu’un migrant économique, privé de possibilités d’accéder à la protection internationale, déclare sa conversion dans le seul but de pouvoir motiver une crainte fictive de subir des persécutions, si le pays d’origine sanctionne l’apostasie. Dans un tel cas fictif, afin de pallier cette possibilité de distorsion du statut de réfugié religieux, le Haut-Commissariat a souligné que, si « des préoccupations particulières en termes de crédibilité ont tendance à émerger »[27], l’évaluation de la crédibilité doit emprunter deux directions : un examen approfondi des raisons de la conversion et de l’expérience personnelle du converti dans la nouvelle religion ; la connaissance de la conversion de la part du persécuteur.

Toutefois, l’approche élaborée par le Haut-Commissariat risque d’être ambiguë. Sans doute en raison de la centralité de la conversion dans la situation de réfugiés religieux sur place, l’ambiguïté latente entre sincérité et opportunisme a été au centre des problématiques analysées dans les principes directeurs[28]. Pour autant, cette façon d’aborder la question de la conversion ne pouvait totalement occulter l’importance et la prévalence du risque de persécution liée à la perception du persécuteur. En effet, si le persécuteur a eu connaissance de la conversion et que cela a produit un risque de persécution dans le pays d’origine, la sincérité ou pas à l’origine de la décision de changer de religion n’est plus pertinente. De ce point de vue, la Grande Chambre de la cour de Strasbourg, dans le cas précité F.G. c. Suède, s’est prononcée sur le recours d’un citoyen iranien, demandeur d’asile en Suède, qui, bien qu’ayant initialement fondé sa demande de protection internationale sur des motifs politiques, a ensuite revendiqué la conversion de l’islam au christianisme intervenue après son arrivée dans le pays d’accueil. Selon le juge européen, même si le requérant n’a invoqué sa conversion que tardivement, les autorités suédoises n’ont pas procédé à un examen approfondi des risques qu’une telle conversion aurait pu produire en cas de retour vers l’Iran. En outre, bien que la Cour soit consciente que le requérant a agi dans le but de faire connaître sa conversion également en Iran et, par conséquent, la diffusion sur Internet d’une vidéo de sa cérémonie de baptême n’était pas accidentelle, en raison des conséquences possibles de conversion, les autorités suédoises ne peuvent pas se dispenser d’évaluer concrètement le danger pour la vie et l’intégrité psycho-physique de la personne en cas d’expulsion. Une telle omission constitue une violation des articles 2 et 3 de la CEDH[29] non seulement si les faits nouveaux sont déduits par le requérant devant l’autorité, mais également lorsque les autorités étatiques prennent connaissance de facteurs de risque supplémentaires omis par les requérants et ne les évaluent pas. Dans ce sens, la Grande Chambre a conclu « qu’il y aurait violation des articles 2 et 3 de la Convention si le requérant était renvoyé en Iran en l’absence d’une appréciation ex nunc par les autorités suédoises des conséquences de sa conversion religieuse »[30].

Concernant l’expérience persécutoire à l’origine de la demande d’asile, le lien entre peur et crédibilité ne découle pas nécessairement d’une expérience persécutoire vécue par le demandeur, car la définition légale de réfugié religieux est fondée sur le risque de persécution. Dans ce sens-là, si « la crainte fondée “n’a pas besoin d’être basée sur l’expérience personnelle du demandeur” » et « le sort subi par des amis ou des parents ou par d’autres membres du même groupe religieux, c’est-à-dire par d’autres personnes dans des circonstances comparables, “peut attester que la crainte du demandeur d’être lui-même tôt ou tard victime de persécutions est fondée” »[31], la question concernant les possibles oscillations du seuil de crédibilité en fonction de la présence ou de l’absence d’une preuve de la persécution vécue reste ouverte.

Enfin, concernant la définition de religion en tant que critère de construction de la catégorie de réfugié religieux, le rapport entre la définition de religion contenue à l’article 10, paragraphe 1, lettre b, de la directive 2011/95/UE et la crédibilité religieuse s’est posé devant la Cour de justice[32]. En particulier, comme l’a demandé un juge bulgare dans un renvoi préjudiciel d’interprétation, si la définition en parole décrit diverses façons d’avoir et de manifester une religion, cette articulation impose la nécessité d’évaluer la sincérité en fonction de tous les éléments de la définition légale de la religion où la sincérité est envisageable aussi quand la religion persécutée n’est pas interpellée sur la base de tous les critères. Autrement dit, dans chaque cas, par exemple, à la lumière de la définition en question, est-ce que le demandeur doit démontrer d’être ou de ne pas être sincèrement croyant ou athée, de participer ou non aux rites ? Et encore, si le requérant, qui était un ressortissant iranien converti au christianisme en Iran, avait déclaré ne pas pratiquer sa religion dans l’espace public, était-il possible de parler d’une crainte bien fondée de persécution considérant que le persécuteur ne pouvait pas connaître sa religion et donc produire un risque de persécution ? Toutes ces questions renvoient à la nécessité de savoir si le statut de réfugié religieux impose, à travers le critère de la peur de subir une persécution religieuse, un encadrement juridique de la liberté religieuse limité à ce qui englobe la définition de la religion prévue dans la directive 2011/95/UE. Sur ces deux points, la décision Bahtiyar Fathi c. Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite a fourni des éléments de clarification à la fois sur la notion de religion et sur l’application de cette notion au jugement de crédibilité.

Sur la notion de religion, la Cour a souligné que, si la définition de la religion codifiée dans la directive correspond à une formule ouverte qui « ne fournit qu’une liste non exhaustive des éléments susceptibles de caractériser cette notion dans le contexte d’une demande de protection internationale fondée sur la crainte d’être persécuté du fait de la religion », la façon d’entendre la religion correspond à une « acception large de cette notion, susceptible de couvrir tant le forum internum, à savoir le fait d’avoir des convictions, que le forum externum, à savoir la manifestation en public de la foi religieuse, la religion pouvant s’exprimer sous l’une ou l’autre forme »[33].

À propos de l’application de la notion de religion, la Cour a dit que le « demandeur de protection internationale qui invoque, au soutien de sa demande, un risque de persécution pour des motifs fondés sur la religion ne doit pas, afin d’étayer ses allégations concernant ses croyances religieuses, présenter des déclarations ou produire des documents relatifs à tous les éléments de la notion de “religion”, visée à cette disposition », en revanche « il incombe toutefois au demandeur d’étayer d’une manière crédible lesdites allégations, en présentant des éléments qui permettent à l’autorité compétente de s’assurer de la véracité de celles-ci »[34].

2.2. Les techniques d’évaluation de la crédibilité

Il convient désormais de compléter l’approche thématique en s’interrogeant sur les techniques d’évaluation de la crédibilité religieuse dans les procédures d’examen des demandes d’asile fondées sur la religion[35], sachant que, en général, les procédures d’évaluation de demandes d’asile s’inscrivent non seulement dans les principes directeurs du HCR et de l’EASO, mais également dans la directive 2013/32/UE relative aux procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale[36]. Dans ce cadre juridique de référence, les procédures d’évaluation de la crédibilité peuvent être définies en fonction des rôles joués par les différents acteurs impliqués : les fonctionnaires chargés d’évaluer les demandes d’asile, les interprètes qui traduisent l’entretien avec les demandeurs et les demandeurs d’asile eux-mêmes.

En premier lieu (fonctionnaires et interprètes), le HCR – dans le cadre des principes directeurs susmentionnés sur les demandeurs d’asile pour motifs religieux – a identifié une série de bonnes pratiques, qui doivent guider les autorités nationales lors des procédures d’examen des demandeurs, et ce, afin de porter un jugement objectif sur la sincérité des déclarations[37]. La manière de vivre la même foi religieuse peut en effet changer selon l’Église d’appartenance, le pays d’origine ou le lien, comme dans le cas des sociétés tribales, avec des traditions liées à des territoires spécifiques. Les fonctionnaires chargés par l’État de conduire les entretiens avec les demandeurs d’asile doivent donc s’informer sur la réalité géographique d’origine des candidats, sur la variabilité des pratiques dans la même religion et aussi se servir des expertises élaborées par des professionnels en sciences sociales des religions ou aux témoignages de fidèles de la même communauté confessionnelle du demandeur. Dans ce contexte, la culture religieuse des acteurs institutionnels ne doit pas interférer avec le jugement de crédibilité ni réduire la religion du demandeur à des stéréotypes. Cela arrive lorsque le phénomène religieux est défini en fonction des seuls actes de profession de foi connus par l’autorité qui procède aux auditions, mais aussi quand les interprètes ne sont pas suffisamment formés pour assurer une traduction capable de reproduire tout le lexique, religieux ou non, utilisé par l’étranger dans la narration de sa propre histoire. Dans cette perspective, face à la procédure d’asile, nous pouvons alors tirer une observation concernant une autre dimension de la religion dans l’espace de la protection internationale, c’est-à-dire la religion des acteurs institutionnels. L’identité religieuse des fonctionnaires ou des interprètes, comme il semble ressortir des principes directeurs du HCR, peut produire ou non un effet performatif sur la crédibilité du demandeur[38]. En effet, l’adhésion à un modèle théologique spécifique peut alternativement : influencer le processus d’évaluation de la crédibilité du demandeur, dans la mesure où le religieux est configuré par ceux qui jugent au sein d’un modèle spécifique d’appartenance confessionnelle, exprimé dans des jugements critiques des autres façons de vivre une foi ou une conviction, ou, au contraire, ne pas se refléter dans ce processus. En ce sens, par exemple, s’agissant d’une religion minoritaire persécutée, la relation entre un système juridique qui protège le droit d’asile pour des raisons religieuses et un interprète qui, sur la base de sa foi, est hostile à cette minorité, peut mettre en évidence, dans la procédure de protection internationale, le conflit entre un modèle juridique de garantie et une vision théologiquement caractérisée et, donc, favoriser la réémergence de la religion persécutrice.

De plus, pour évaluer objectivement la bonne foi de la personne, les questions doivent avoir des caractéristiques précises de forme et de contenu.

Quant à la formulation, les questions doivent être ouvertes et permettre au demandeur « d’expliquer la signification personnelle de la religion pour lui, les pratiques qu’il a adoptées […] ou tout autre facteur pertinent pour expliquer ses raisons de craindre d’être persécuté »[39].

En ce qui concerne le contenu, il n’est pas nécessaire de poser des questions spécifiques de nature théologique, puisqu’un candidat peut être sincèrement croyant, mais ne pas avoir reçu – également en raison de la situation de persécution dans laquelle il a vécu – une éducation spirituelle spécifique et donc ne pas connaître les textes ou les significations des pratiques de dévotion de sa religion. Ainsi la personne peut être considérée comme sincèrement chrétienne, même si elle ne connaît pas par cœur les dix commandements. En fin de compte, il n’y a pas de correspondance nécessaire entre la persécution et la culture religieuse, puisque « des personnes peuvent être persécutées du fait de leur religion même si elles n’ont qu’une connaissance limitée et superficielle de ses principes ou de ses pratiques »[40].

Globalement, le rapprochement des deux critères (formulation et contenu) semble montrer que le respect de la liberté religieuse des réfugiés, dans le modèle d’évaluation de la crédibilité élaboré par le HCR, laisse une large place à la valorisation de la dimension personnelle des croyances ou des convictions. La variabilité de l’identité religieuse peut cependant s’accentuer, selon le Haut-Commissariat, au sein de pratiques syncrétiques nées de l’osmose entre les croyances animistes originelles et les différentes doctrines du christianisme missionnaire[41] ou lorsque le sujet revendique son autonomie en opposition avec les théologies ou les orthopraxies canonisées par les autorités religieuses. Dans le même sens, la Cour de justice de l’Union européenne a souligné que la crédibilité des requérants ne doit pas se réduire à un jugement d’identité entre l’exercice individuel et l’exercice collectif de la liberté religieuse[42].

En second lieu (demandeurs d’asile), tous les demandeurs d’asile, à la lumière de l’article 4 de la directive 2011/95/UE, doivent mettre les autorités nationales dans les conditions d’évaluer leur crédibilité. La réalisation de cet objectif est fondée sur une coopération entre demandeur et acteurs de la décision à partir de la présentation de la part du demandeur de « tous les éléments nécessaires pour étayer sa demande de protection internationale »[43]. Se concentrant sur les réfugiés religieux, l’exigence de fournir le plus rapidement possible tous les éléments utiles pour évaluer la solidité de la crainte de subir une persécution religieuse appelle une autre dimension d’action de la religion dans le domaine des modèles d’accueil de réfugiés. En effet, dans la phase d’accueil, il est intéressant d’observer l’intervention d’acteurs qui, explicitement, expriment leur appartenance à une confession religieuse. Dans cette perspective, dans de nombreux États membres de l’Union européenne, des associations et des institutions religieuses opèrent à différents niveaux, aussi à travers des programmes de coopération interconfessionnelle. Le rôle joué par les acteurs de l’accueil est particulièrement important, dans la mesure où ils doivent garantir au demandeur, conformément à la directive 2013/33/UE[44], non seulement des conditions matérielles de vie, mais également des informations sur les droits qu’il détient en tant que réfugié et sur les associations ou personnalités professionnelles qui peuvent lui apporter une assistance juridique. En ces termes, les acteur de l’accueil jouent un rôle clé dans la construction des stratégies d’asile. L’information complète des demandeurs sur leurs droits se reflète au moins dans les deux premières phases de la procédure d’asile : formulation des motifs de la persécution dans la demande de protection et recherche des éléments pertinents pour la procédure d’asile. Les acteurs religieux, qui adhèrent aux programmes d’accueil dans les États européens, jouent donc un rôle institutionnel dans la défense des droits des réfugiés dans le respect du droit national qui a transposé le droit européen.

Ces acteurs doivent connaître les droits des réfugiés et garantir des modèles d’accueil respectueux des libertés de la personne. Cependant, même dans ce cas, l’identité religieuse de les acteurs qui accueille peut alternativement jouer en faveur ou contre les droits des demandeurs. Dans cette dynamique de signification, nous pouvons émettre l’hypothèse que la possibilité d’une ambiguïté du modèle théologique d’accueil, lequel, selon les cas, peut être pleinement compatible avec le modèle juridique, ou manifester des positions critiques concernant l’identité religieuse du demandeur, puisse exister par exemple à travers des formes de prosélytisme qui encouragent la conversion, critiquant la religion d’origine.

3. Convergence et divergence entre institutions internationales, européennes et nationales : les frontières mobiles de la catégorie de réfugié religieux

L’application du statut de réfugié religieux par les autorités internationales, européennes et nationales doit d’abord être contextualisée dans la complexité des relations que la protection internationale a produites entre les différents systèmes juridiques en question. En effet, si le modèle juridique idéal prévoit une synergie entre l’ONU, l’Union européenne et les États nationaux en matière de qualification de la protection internationale pour des raisons religieuses, son application à la réalité peut correspondre ou non aux paramètres officiels élaborés par les institutions internationales et européennes. En d’autres termes, la catégorie en question peut maintenir un niveau de garantie homogène dans les différentes dynamiques d’application ou devenir une notion fluide à géométrie variable[45]. L’application du statut de réfugié par les autorités chargées d’évaluer les demandes de protection est importante pour notre recherche, afin d’identifier les convergences ou les divergences dans la protection de la liberté de religion des réfugiés à partir d’une exportation du modèle des Nations unies, valorisant un engagement croissant de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe dans la défense des réfugiés religieux. Dès lors, il convient de procéder à une comparaison des critères de définition à l’œuvre des différentes décisions aux niveaux international, européen et national (limitant l’échantillon à des exemples concernant la France et l’Italie[46]). Dans cette perspective, les définitions étudiées dans le premier titre de notre travail deviendront des critères permettant de vérifier, par exemple, si le concept de  religion élaboré par le HCR a été mis en œuvre dans les décisions nationales ou, en tout ou en partie, remplacé par d’autres interprétations. Avant de procéder à cette analyse, il faut d’abord justifier les raisons qui rendent possible une méthodologie comparative puis expliciter les critères de comparaison.

Quant à l’approche comparée, elle se justifie par le fait que la protection internationale pour des motifs religieux de la Convention de Genève est devenue le modèle pour l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et les États membres de l’Union européenne. L’existence, a priori, de la même catégorie rend donc les systèmes comparables. En particulier, comme nous avons déjà observé, en établissant un système d’asile européen commun, l’Union européenne s’est inspirée dès 1999 de la Convention de Genève sur les réfugiés et a mis en œuvre le concept de réfugié religieux des Nations unies. Dans ce contexte, l’Union européenne a développé de nouvelles règles juridiques permettant un nouveau niveau de construction de la catégorie de réfugié religieux. À partir de la directive 2004/83/CE, cette catégorie a ensuite été transposée dans les droits nationaux des États membres de l’UE par des actes législatifs. L’intervention européenne croissante dans ce domaine peut donc être approfondie dans les relations avec les États membres (en se limitant ici à l’Italie et à la France) par le biais d’une comparaison mettant en lumière la réaction des différents systèmes juridiques à la réception de catégorie de réfugié religieux. En effet, bien que tous les États membres prévoient et protègent le droit d’asile, cela ne signifie pas qu’il y ait correspondance d’interprétation et d’application. Cette comparaison est importante pour notre analyse, qui poursuit l’objectif d’évaluer comment les mêmes critères permettant de définir la catégorie de réfugié religieux apparaissent dans les décisions relatives aux demandes de protection internationale.

Quant aux critères de comparaison, la synergie entre droit international, droit européen et droit national renvoie au moins à deux critères différents de comparaison et notamment : la provenance européenne des décisions sur les demandes d’asile et donc le dialogue entre la Cour de justice de l’Union européenne et la Cour européenne des droits de l’homme autour de la protection internationale pour des raisons religieuses ; l’utilisation des critères internationaux et européens de définition du statut de réfugié religieux en France et en Italie.

3.1. La provenance européenne des décisions sur les demandes d’asile

Concernant la provenance européenne des décisions sur les demandes d’asile, la comparaison porte sur les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et de la Cour européenne des droits de l’homme du Conseil de l’Europe. Cette analyse permet de vérifier si les cours de Luxembourg et de Strasbourg ont exprimé l’application des critères conformément aux définitions élaborées par les institutions internationales et l’Union européenne. Dans ce contexte, il est possible d’évaluer :

  •  s’il y a des synergies entre les deux juridictions dans l’utilisation des sources et des principes directeurs sur les réfugiés religieux ;
  • si les deux juridictions se réfèrent ou non à la jurisprudence de l’autre ;
  • si la cour de Strasbourg rappelle les sources onusiennes et le droit de l’Union européenne.

Il convient dans cette optique d’envisager deux décisions différentes, à titre d’exemple, respectivement de la cour de Luxembourg et de la cour de Strasbourg.

Concernant la Cour de justice, les juges luxembourgeois ont appliqué le modèle de l’ONU pour interpréter les directives sur l’asile. En particulier, dans la décision préjudicielle d’interprétation, Bundesrepublik Deutschland c. X et Y [47], sans revenir sur les différentes questions d’interprétation soumises à la Cour, il suffit de constater que la Cour de justice a manifesté une certaine synergie avec les interprétations du statut de réfugié religieux élaboré par le HCR. En particulier, s’appuyant sur la Convention de Genève et sur l’article 9 de la CEDH évoqués dans la partie de la décision titrée « le cadre juridique », la notion de persécution religieuse est déclinée en fonction de la gravité de la violation sur la base des éléments objectifs et subjectifs (identité religieuse du demandeur). Cet argument rappelle, bien qu’il n’y ait pas de références explicites dans le texte de la décision aux documents du HCR, l’interprétation développée par le Haut-Commissariat dans les principes directeurs à partir de 1979.

Quant à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, celle-ci a utilisé le concept de réfugié religieux pour interpréter et appliquer certaines dispositions de la Convention. L’absence de disposition sur le droit d’asile dans la CEDH n’a pas empêché la Cour de statuer sur des recours introduits par des réfugiés religieux. En particulier, dans l’affaire, déjà évoquée, F.G. c. Suède [48], la Cour a appliqué le concept international de réfugié religieux à travers une interprétation innovante des articles 2 et 3 de la CEDH. En effet, une appréciation erronée par les autorités nationales des effets (réels ou perçus) de la conversion dans le pays d’origine peut exposer le demandeur d’asile à un risque pour sa vie (article 2) ou au danger de subir des tortures ou des actes inhumains et dégradants (article 3). Dans cette optique, le juge européen garantit le statut de réfugié religieux et utilise, en plus du droit de l’UE et de quelques références à la jurisprudence de la Cour suprême des États-Unis, les lignes directrices du HCR sur les persécutions religieuses. Ces matériaux sont qualifiés dans la décision comme droit applicable en ce qui concerne le lien entre conversion, persécution et crédibilité. En effet, la Cour, à partir des principes directeurs du Haut-Commissaire de 2004, rappelle les notions de religion persécutée et de conversion sur place. Une évaluation de la conversion religieuse qui n’obéit pas aux critères indiqués par le HCR, au regard de la crédibilité du réfugié qui s’est converti dans le pays d’accueil, selon le juge de Strasbourg, constitue une violation des articles 2 et 3 de la CEDH[49]. En outre, il est important de souligner que cette conclusion est tirée aussi du droit de l’Union européenne. S’agissant des sources de l’Union européenne et de la jurisprudence de la Cour de justice, la Grande Chambre qualifie la directive 2004/83/CE et les décisions Bundesrepublik Deutschland c. Y et Z et A, B, C c. Staatssecretaris van Veiligheid en Justitie (cette dernière en matière de persécution fondée sur l’orientation sexuelle) comme « droit pertinent » pour se prononcer sur le recours et donc pour définir les critères d’accès au statut de réfugié religieux[50].

3.2. L’utilisation des critères internationaux et européens de définition du statut de réfugié en France et en Italie (convergence et divergence)

De ce point de vue, notre analyse étudie de manière novatrice si la façon de construire la catégorie de réfugié religieux esquissée dans le contexte des Nations unies et reconnue par l’Union européenne et le Conseil de l’Europe a eu ou non une transposition univoque dans son application en France et en Italie[51] ou si une discordance entre des modèles nationaux d’application et la catégorie internationale et européenne s’est produite[52]. Ce deuxième niveau de comparaison rend possible une évaluation du degré de mise en œuvre des directives européennes sur la protection internationale, à travers une évaluation de la cohérence de l’application des lois nationales de transposition aux objectifs de l’Union européenne. De ce point de vue, par exemple, en 2014, la Cour de cassation italienne a annulé avec renvoi une décision d’appel, arguant que la situation individuelle d’un religieux persécuté devait être évaluée par le juge à la lumière des principes exprimés dans les arrêts de la Cour de justice[53]. De la même manière, le tribunal de Pérouse, dans un arrêt de 2018 concernant un réfugié chinois membre de l’glise de Dieu tout-puissant[54], a évoqué la jurisprudence de la Cour de justice sur le concept de crédibilité liée au risque de persécution. Face au risque de persécution, en effet, le juge italien a souligné que, comme l’a dit la Cour de justice dans l’affaire F c. Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal [55], la crédibilité ne se réfère pas à la réalité des qualités à l’origine du risque, mais à la véracité de l’attribution de ces qualités de la part du persécuteur. De la même manière, la Cour nationale du droit d’asile en France, pour établir l’existence d’un risque de persécution pour des chrétiens convertis en Afghanistan[56], a évoqué respectivement la jurisprudence de la cour de Strasbourg[57], les principes directeurs du HCR sur les persécutions en Afghanistan[58] et un rapport du Bureau européen d’appui pour l’asile[59]. En revanche, par exemple, la cour de Rome n’a pas adhéré à la définition large de religion persécutée exprimée par les institutions supranationales et a estimé que la doctrine professée par l’Église de Dieu tout-puissant en Chine n’était pas une religion et que, par conséquent, les règles régissant les réfugiés religieux ne s’appliquaient pas aux fidèles de cette Église [60].

Dans cette perspective d’une réception ambivalente du statut de réfugié religieux, il convient ici de se référer uniquement à quelques exemples jurisprudentiels, limitant, comme on l’a déjà souligné, l’échantillon national à deux pays, la France et l’Italie selon que leurs jurisprudences respectives convergent ou divergent avec le droit international et européen relatif au statut de réfugié religieux.

En ce qui concerne la convergence, le critère de définition de la religion semble avoir représenté un espace de coordination entre les différents niveaux de protection des réfugiés religieux. Plus particulièrement, une partie de la jurisprudence italienne et française a appliqué ce critère de manière large en continuité avec les principes directeurs du HCR, considérant comme une religion : les rites d’adoration de l’oracle Ogbunabali[61] et les croyances de la secte Ogboni au Nigeria[62], le mouvement hindouiste pour la protection des vaches en Inde[63], les Témoins de Jéhovah en Ukraine[64], la minorité musulmane des derviches gonabadi en Iran[65] ou des hazaras chiites en Afghanistan[66], la religion alaouite en Syrie[67], l’Église de Dieu tout-puissant en Chine [68]. Tenant précisément à l’utilisation de la notion de religion dans les décisions évoquées, nous pouvons tirer trois observations, très liées entre elles concernant : l’utilisation de la notion de religion ; le lien entre la définition de religion et la crédibilité du demandeur ; l’évaluation de la conversion religieuse forcée ou libre.

En premier lieu (utilisation de la notion de religion), la définition de la religion a été appliquée en fonction des décisions à la religion du persécuté et du persécuteur. En effet, si comme l’a dit le HCR, la notion de religion est pertinente dans le statut de réfugié pour ce qui concerne le risque de persécution, et donc l’idonéité de la religion de produire une telle insécurité, indépendamment du fait qu’il s’agisse de la religion du persécuteur ou du persécuté, les jurisprudences italienne et française ont utilisé cette bidimensionnalité du concept pour établir s’il y avait une persécution religieuse. Dans ce sens, la cour d’appel de Bari a évoqué explicitement la définition de religion retenue par le HCR pour argumenter que, d’une part cette définition garantit la liberté positive et négative de religion, et donc dans le cas en question la liberté du requérant, un catholique pratiquant, de ne pas adhérer à la secte des Ogboni, d’autre part les croyances de la secte remplissent cette notion de religion, car « la Ogboni Fraternity […] a des origines très anciennes et ressemble à un véritable culte, caractérisé par des éléments magico-religieux »[69]. Ce jeu des définitions entre religion persécutée et religion persécutrice a émergé aussi en France dans une décision de la Cour nationale du droit d’asile concernant un mariage mixte entre un homme musulman sunnite et une femme alaouite en Syrie[70]. La différence de religion entre les deux époux avait provoqué une réaction persécutrice de la part des familles, car à la diversité de religion correspondaient des positions opposées des parents en faveur ou contre le régime syrien. De là, nous pouvons observer, en plus d’une définition de la religion persécutrice croisée avec des éléments politiques, une aptitude persécutrice des deux religions différentes qui trouve sa source dans le conflit entre elles produit par le mariage.

En deuxième lieu (lien entre la définition de la religion et la crédibilité du demandeur), le sens binaire de la religion a émergé au sein du jugement de crédibilité dans une dimension interne et externe au demandeur d’asile. En effet, par exemple, dans un décret du tribunal de Rome de 2019[71], le Tribunal a estimé la crédibilité du requérant, un éleveur de vaches en Inde, sur la base non seulement de son appartenance à la minorité musulmane à travers ses déclarations, et donc sa crédibilité interne, mais aussi par le biais d’éléments externes. En particulier, le fait que le mouvement pour la protection des vaches, groupe d’expression de la majorité hindouiste, représente une religion persécutrice en général pour les musulmans, et particulièrement pour les marchands de vaches accusés de tuer un animal sacré, était tiré sur la base, non seulement des persécutions subies par le demandeur, mais aussi à travers un niveau externe d’évaluation. Cette évaluation externe a été développée grâce à des rapports du Département d’État américain sur la liberté religieuse en Inde et aux articles de la Constitution indienne qui protègent les vaches de l’abattage. Dans cette perspective, nous pouvons souligner que les notions de « crédibilité interne » et « crédibilité externe » semblent mettre en lumière une synergie avec le modèle onusien, concernant l’élément subjectif et l’élément objectif de la crainte bien fondée de persécution, malgré une certaine créativité du langage dans cette décision, vu que la jurisprudence italienne a fait plutôt référence à la distinction interne-externe à la place de subjectif-objectif. De la même manière, le Conseil d’État en France a annulé avec renvoi une décision qui avait rejeté la demande d’asile d’une femme syrienne convertie au christianisme, car la Cour nationale du droit d’asile, au-delà des déclarations de la personne, n’avait pas argumenté sur « la réalité et l’ampleur de ce que pouvait spécifiquement engendrer la conversion de l’intéressée » et donc sur l’aspect objectif de la crainte bien fondée de persécution[72].

En troisième lieu (évaluation de la conversion religieuse forcée ou libre), la nature forcée ou libre de la conversion religieuse illustre une articulation particulière de l’application de la définition internationale de la religion de la relation entre la religion du persécuteur et la religion du persécuté. Il convient d’évoquer deux possibilités de relation entre la religion du persécuteur et la religion du persécuté : le lien entre la conversion et l’aptitude persécutrice de la religion ; les raisons de la conversion.

En ce qui concerne le lien entre la conversion et l’aptitude persécutrice de la religion, comme l’a montré le Haut-Commissariat, la religion d’origine peut devenir persécutrice devant la volonté de la personne de la quitter et cette persécution peut prendre la forme d’une conversion forcée. Autrement dit, la conversion forcée peut être un effet de la conversion libre, dans le sens que la religion d’origine réaffirme sa primauté sur l’appartenance religieuse du fidèle. Dans ce sens-là, le tribunal de Gênes en 2020, a valorisé l’aptitude persécutrice de la religion familiale, dans le cas spécifique d’un converti au christianisme, qui a été forcé d’adhérer à la religion igbo au Nigeria, face à son obligation de succéder à son père dans le rôle d’ensorceleur de l’oracle du village[73].

En ce qui concerne les raisons de la conversion, la sincérité d’une conversion a été évaluée au niveau national conformément à l’approche du Haut-Commissariat en fonction des raisons qui ont déterminé le choix de quitter la religion d’origine. Plus précisément, se concentrant sur la jurisprudence française, il est à noter que le modèle de jugement de crédibilité d’une conversion établie par le Haut-Commissariat, lequel, comme on l’a souligné, a valorisé les causes du changement de religion, a été mis en œuvre par la Cour nationale du droit d’asile. Dans ce sens, bien que dans l’échantillon des décisions examinées par la Cour utilise ce modèle sans faire référence explicitement aux principes directeurs du Haut-Commissariat, nous pouvons déduire cette synergie à travers un exemple concernant un ressortissant algérien, qui s’était converti de l’islam au christianisme et pour cette raison craignait d’être persécuté, car l’apostasie est un délit puni par la loi en Algérie[74]. Face à cette demande de protection, la Cour a estimé sa crédibilité, non seulement en rappelant le cadre juridique autoritaire en vigueur dans le pays d’origine, mais aussi le chemin spirituel vers le christianisme, chemin qui avait trouvé sa première raison dans la critique forte du demandeur au fondamentalisme musulman et, par conséquent, dans le désir de se sauver à travers la conversion à une nouvelle religion.

Concernant la divergence entre les modèles, les aspects plus problématiques, expressions d’une variabilité des critères (de définition et d’application) internationaux et européens, semblent ressortir dans les diverses possibilités de combinaison entre ces critères dans leur application à la réalité. En effet, dans le modèle idéal des Nations unies, les éléments de la notion de religion, du risque de persécution et de la crédibilité sont très liés à travers la subjectivité du persécuté et l’objectivité de la persécution produite par son persécuteur. Or l’équilibre entre ces deux dimensions peut devenir difficile, voire impossible, si l’autorité décide de donner plus d’importance à l’une ou l’autre dimension. Pour échapper au risque d’une analyse abstraite, détachée de la réalité de la persécution religieuse, il convient de représenter les oscillations entre objectivité et subjectivité selon deux volets : l’ambiguïté de la définition de religion persécutée face à la crédibilité religieuse ; la fragilité de l’équilibre entre élément subjectif et élément objectif dans l’évaluation de l’existence d’un risque de persécution religieuse.

Quant à l’ambiguïté de la définition de la religion persécutée face à la crédibilité religieuse, le tribunal de Milan a utilisé la définition de la religion élaborée par le HCR pour juger de la crédibilité de la conversion à la religion de l’Église de Dieu tout-puissant d’une citoyenne chinoise[75]. En particulier, comme l’a observé le Tribunal, si à la lumière de cette définition la fiabilité intrinsèque doit ressortir des expériences personnelles d’expressions d’une foi, d’une croyance, d’une identité ou d’une façon de vivre, la requérante n’a pas accompli cette exigence. La narration des caractéristiques de sa religion, en particulier, est pour le tribunal vague et répétitive, sans éléments utiles à démontrer la maturation personnelle d’une conviction. En outre, la circonstance que la femme n’était pas pleinement consciente du risque d’être victime de violences, même si elle avait déclaré avoir subi des persécutions, a porté le tribunal à ne pas juger son histoire fiable. À partir de ces motivations, au moins une observation critique doit être faite concernant la transformation du sens de la définition de religion élaborée par le HCR. En effet, dans le cas étudié, la religion est interprétée dans une signification exclusivement subjective, sans référence à des éléments objectifs (par exemple l’article 300 du Code pénal chinois punit d’emprisonnement ceux qui fondent des sectes superstitieuses). Une telle manipulation semble produire l’effet d’une augmentation du seuil de la preuve de la sincérité et, en même temps, déformer le sens de la définition par le biais d’un glissement du lien entre religion et risque de persécution, de la preuve d’un rapport de causalité subjectif et objectif entre religion et persécution, à une considération seulement subjective d’une telle correspondance. En effet, cette interprétation risque d’empêcher la notion de religion d’atteindre son but fondamental, c’est-à-dire la protection de la liberté religieuse du réfugié, car l’existence d’un risque de persécution ne dépend pas nécessairement de la prise de conscience subjective du risque par le demandeur d’asile. Aussi le manque de connaissance ne signifie pas que la persécution ne peut pas se produire. En outre, les limites de la culture religieuse du demandeur ne sont pas prises en compte par le tribunal comme un effet possible de facteur des persécutions objectif dans le pays d’origine, mais comme la preuve que la requérante n’est pas sincère, contrairement aux principes directeurs du HCR, qui ont recommandé aux autorités nationales de se méfier du critère de l’analphabétisme religieux dans le jugement de crédibilité.

Quant à la fragilité de l’équilibre entre élément subjectif et élément objectif dans l’évaluation de l’existence d’un risque de persécution religieuse, la Cour nationale du droit d’asile, toujours dans une décision de rejet de la demande d’asile au sujet d’une adepte de l’Église de Dieu tout-puissant, a rapporté l’existence d’un risque de persécution à la preuve que la personne avait été victime de persécutions dans le pays d’origine. Dans cette décision, en particulier, la Cour a estimé que, bien que « Mme G. et Mme Z. aient été des adeptes de l’Église Almighty God, eu égard aux déclarations crédibles et spontanées qu’elles ont faites au cours de l’audience […] toutefois ces mêmes déclarations n’ont pas permis d’établir les persécutions dont elles auraient été victimes pour ce motif »[76]. Encore une fois, même si dans cette décision la femme était jugée sincère concernant la religion déclarée, l’élément objectif d’une crainte bien fondée de persécution était réduit à l’expérience personnelle de la persécution, sans évaluer un tel risque à la lumière des facteurs externes au sujet concerné. Cette évaluation du risque de persécution, au-delà de marquer une discontinuité avec l’interprétation du HCR, selon laquelle pour obtenir le statut de réfugié il n’est pas nécessaire d’avoir déjà été victime de persécutions, semble aussi diverger de l’orientation jurisprudentielle manifestée par la cour de Strasbourg dans la décision F.G. c. Suède. Comme on l’a vu, en particulier, dans cette décision la Grande Chambre a valorisé l’obligation des autorités étatiques de prendre connaissance de facteurs de risque supplémentaires omis par le demandeur d’asile, si ces facteurs sont capables de produire un risque de persécution dans le pays d’origine. Au contraire, la Cour nationale du droit d’asile n’a pas considéré ces facteurs, malgré que les actes des persécutions du gouvernement chinois contre l’Église de Dieu tout-puissant sont internationalement connus et décrits dans de nombreux documents. Dans ce sens, si le Conseil d’État devait confirmer cette décision, le requérant pourrait s’adresser à la cour de Strasbourg pour violation des articles 2 et 3 de la Convention.


  1. V. Daniele Ferrari, "Il fenomeno religioso alla frontiera della protezione internazionale ", dans Gaetano Dammacco, Carmale Ventrella (dir.), Religioni, diritto e regole dell’economia, op. cit., p. 395-397.
  2. Dans une autre perspective, la doctrine a identifié dans le jugement portant sur le risque de persécution un moyen “to extend migration control well beyond the borders of the state”, v. Thomas Gammeltoft-Hansen, Acces to Asylum. International Refugee Law and the Globalisation of Migration Control, Cambridge, Cambridge University Press, 2011, p. 1.
  3. V. Aiuto alla Chiesa che soffre, Rapporto 2021 sulla libertà religiosa nel mondo. Sintesi, p. 6, dans https://acs-italia.org/sites/default/files/2021-04/Rapporto%20Sintesi%202021_52%20pag%20 A4_Web.pdf.
  4. Uyghur Human Rights Project, Islam Dispossessed: China’s Persecution of Uyghur Imams and Religious Figures, 2021, dans https://uhrp. org/report/islam-dispossessed-chinas-persecution-of-uyghur-imams-and-religious-figures/.
  5. UN, Mandates of the Special Rapporteur on the promotion and protection of human rights and fundamental freedoms while countering terrorism; the Working Group on Arbitrary Detention; the Working Group on Enforced or Involuntary Disappearances; the Special Rapporteur on the right to education; the Special Rapporteur on the promotion and protection of the right to freedom of opinion and expression; the Special Rapporteur on the rights to freedom of peaceful assembly and of association; the Special Rapporteur on the right of everyone to the enjoyment of the highest attainable standard of physical and mental health; the Special Rapporteur on the situation of human rights defenders; the Special Rapporteur on minority issues; the Special Rapporteur on the right to privacy; the Special Rapporteur on freedom of religion or belief; and the Special Rapporteur on torture and other cruel, inhuman or degrading treatment or punishment, Comments on legislation and policy. Counter-Terrorism Law of the People’s Republic of China and its Regional Implementing Measures, the 2016 Xinjiang Uyghur Autonomous Region Implementing Measures (OL CHN 18/2019), 2019.
  6. V. The State Council Information Office of the People’s Republic of China, Vocational Education and Training in Xinjiang, 2019.
  7. Xinjiang Uyghur Autonomous Region, People’s Government Notice on Strengthening the Management of Internet Information Security, 2014.
  8. Cf. Xinjiang Uyghur Autonomous Region Religious Affairs Regulations, 2015.
  9. United States Commission on International Religious Freedom, Annual Report 2019. China, dans https://www.uscirf.gov/sites/default/files/Tier1_CHINA_2019.pdf.
  10. UNHCR, Eligibility Guidelines for Assessing the International Protection Needs of Members of Religious Minorities from Pakistan (HCR/EG/PAK/12/02), 14 May 2012, p. 14
  11. Security Council , Liste récapitulative du Conseil de sécurité de l’ONU, https://scsanctions. un.org/932unfr-all.html.
  12. Canada: Immigration and Refugee Board of Canada, Nigeria: The Black Axe confraternity, also known as the Neo-Black Movement of Africa, including their rituals, oaths of secrecy, and use of symbols or particular signs; whether they use force to recruit individuals, 2012 ; EASO, European Asylum Support Office (EASO) published four Country of Origin Information (COI) Reports on Nigeria: Security Situation, Actors of Protection, Targeting Individual, 2018.
  13. V. Douglas McDonald-Norman, "Escaping the Lions: Religious Conversion and Refugee Law ", dans Australian Journal of Human Rights, 1, 2016, p. 135-158.
  14. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 13.
  15. Cf. Shaikh Abdur Rahman, Punishment of Apostasy in Islam, Lahore, Institute of Islamic Culture, 1972 ; Abdullah Saeed, Hassan Saeed, Freedom of Religion, Apostasy and Islam, Aldershot, Ashgate, 2004 ; Sami A. Aldeeb Abu-Sahlieh, "Prima e dopo Salman Rushdie. Il reato di apostasia e le sue conseguenze in diritto musulmano e arabo", dans Rivista internazionale dei diritti dell’uomo, 1, 1993, p. 41-71 ; Silvia Tellenbach, "L’apostasia nel diritto islamico", dans Daimon. Annuario di diritto comparato delle religioni, 1, 2000, p. 53-70 ; Silvio Ferrari, Lo spirito dei diritti religiosi. Ebraismo, cristianesimo e islam a confronto, Bologna, il Mulino, 2002, p. 208 ss.
  16. CEDH, G. de Ch., 23 mars 2016, F.G. c. Suède, cit.
  17. Ivi, § 13.
  18. Ivi, Opinion en partie concordante, en partie dissidente de la juge Jäderblom, à laquelle se rallie le juge Spano pour la première partie.
  19. V. Service danois de l’immigration, Update on the Situation for Christian Converts in Iran, 2014, p. 7.
  20. Sur le concept d’analphabétisme religieux, v. Alberto Melloni (dir.), Rapporto sull’analfabetismo religioso in Italia, Bologna, Il Mulino, 2013.
  21. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 12.
  22. Ivi, p. 11.
  23. V. Daniele Ferrari, "Libertà religiosa e status di rifugiato", dans Isabel Fanlo Cortes, Daniele Ferrari (dirs), I soggetti vulnerabili nei fenomeni migratori, op. cit., p. 109-113.
  24. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 3.
  25. UNHCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut des réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, op. cit., p. 20.
  26. V. Article 5, Directive 2011/95/UE.
  27. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 13.
  28. Cf. "Religious Persecution Subsequent to Conversion: Courts are not bound to baptising pastor’s assessment of sincerity of change of faith", dans International Journal of Refugee Law, 27(4), 2015, p. 667-674.
  29. En ce qui concerne ces dispositions, il semble utile de préciser que la Convention européenne des droits de l’homme ne contient aucune disposition protégeant le droit d’asile, mais la garantie du statut de réfugié est assurée par les articles 2 et 3 de la CEDH, qui garantissent le droit à la vie et l’interdiction de l’esclavage.
  30. CEDH, G. de Ch., F.G. c. Suède, Motif de la décision, cit., § 3.
  31. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 6.
  32. V. CJUE, 4 octobre 2018, aff. C-56/17, Bahtiyar Fathi c. Predsedatel na Darzhavna agentsia za bezhantsite.
  33. Ivi, § 79 - § 81.
  34. Ivi, § 90.
  35. V. Daniele Ferrari, "Lo status di rifugiato religioso nelle fonti del diritto internazionale: le nuove frontiere delle libertà dello spirito", op. cit., p. 22-27.
  36. Directive 2013/32/UE du Parlement européen du Conseil du 26 juin 2013 relative à des procédures communes pour l’octroi et le retrait de la protection internationale (refonte).
  37. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 11 et ss.
  38. Ivi, p. 11.
  39. Ivi, p. 12.
  40. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 12.
  41. Dans ces cas, en particulier, "les communautés peuvent utilement adapter leurs pratiques religieuses ou leur foi ou les combiner avec leurs pratiques et leurs croyances plus traditionnelles, en particulier lorsque la religion a été introduite dans une communauté avec des traditions anciennes. Par exemple, le demandeur peut ne pas être capable de faire la distinction entre les pratiques chrétiennes et les pratiques animistes" ; ivi, III. Questions de procédure, l. b) Crédibilité, par. 30, op. cit., p. 12.
  42. CJUE (grande chambre), Bundesrepublik Deutschland c. X e Y, cit., § 70.
  43. V. Article 4, par. 1, Directive 2011/95/UE.
  44. V. Article 19.
  45. V. Pasquale Annicchino, "Persecuzioni religiose e diritto d’asilo nella giurisprudenza delle Corti sovranazionali ", dans Stato, Chiese e pluralismo confessionale, Rivista telematica (www.statoechiese.it), 2014, p. 1-32.
  46. En ce qui concerne plus particulièrement le niveau national, le choix de la France et de l’Italie, en tant qu’États échantillons, est justifié par les critères suivants : a) quantitatif ; b) modèles de régulation du phénomène religieux et définition de la liberté de religion ; c) modèles juridiques de garantie du statut de réfugié religieux ; d) géographique.

    Sur le plan quantitatif, l’Italie et la France, selon les données statistiques publiées par Eurostat, en 2017 étaient, après l’Allemagne, les deuxième et troisième pays de l’Union européenne par le nombre de primo-demandeurs d’asile (Eurostat, Demandes d’asile dans les États membres de l’UE, Communiqué de presse 47/2017, 20 mars 2018), tandis qu’en 2021, ils sont devenus les quinzième et onzième pays (https://www.europarl.europa.eu/infographic/asylum-migration/index_fr.html#filter=2021). Les deux pays différencient les données sur les réfugiés uniquement sur la base de la nationalité. Selon les données statistiques du département des libertés civiles et des migrations du ministère de l’Intérieur, l’Italie a atteint en 2021 un nombre de demandes de protection équivalant à 53 609, dont 45 904 premières demandes (données asile 2021), alors que la France, dans le rapport publié le 20 juin 2022, rédigé par l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (À l’écoute du monde. Rapport d’activité, 2021) indiquait pour 2021 un quota égal à 103 164 demandes d’asile, dont 89 526 premières demandes. En termes de gestion religieuse, les deux pays présentent différents modèles juridiques : en France, le principe constitutionnel de la laïcité s’exprime dans une dynamique de séparation entre les institutions de l’État et les religions ; en Italie par contre, le principe de laïcité, affirmé par la Cour constitutionnelle en 1989, est associé au concordat entre l’État et l’Église catholique (article 7 Const.) et à d’autres accords (appelés ententes) (article 8, § 3, Const.) que des confessions religieuses autres que catholiques peuvent conclure avec l’État. Les modèles décrits correspondent à différentes approches de la protection de la liberté de religion et, par conséquent, à différentes définitions de ce concept.En ce qui concerne les modèles de garantie du statut de réfugié, les deux États de l’échantillon sont membres de l’Union européenne et ont transposé les directives européennes sur la protection internationale inspirées du modèle de l’ONU. Cette circonstance permet une comparaison entre le modèle européen de protection internationale et sa transposition au niveau national. D’un point de vue géographique, l’Italie et la France présentent différents modèles d’accueil, se situant dans des zones géographiques exposées différemment à l’entrée des demandeurs de protection : en effet, l’Italie est la porte sur la Méditerranée et la France est le pays de passage pour l’entrée dans les autres pays européens.

  47. CJUE (grande chambre), Bundesrepublik Deutschland v. Y, Z, cit., § 3 et ss.
  48. CEDH, G. de Ch., F.G. c. Suède, cit.
  49. Ivi, § 45.
  50. Ivi, § 51, § 124.
  51. V. Paolo Bonetti, "The “Place” of Religion in the Italian Asylum Seekers’ Reception System: Constitutional, Legislative and Procedural Framework ", dans Laura Zanfrini (ed.), Migrants and Religion: Paths, Issues, and Lenses. A Multidisciplinary and Multi-Sited Study on the Role of Religious Belongings in Migratory and Integration Processes, op. cit., 2020, p. 267-314.
  52. Pour ce qui concerne les autorités en charge de la détermination du statut de réfugié, il faut préciser les procédures et les autorités compétentes en France et en Italie. En France, l’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) décide au premier degré sur les demandes d’asile et de statut d’apatride qui lui sont soumises. Contre les décisions prises par l’OFPRA, il est possible de présenter un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), qui ne se limite pas à annuler la décision prise par le directeur général de l’OFPRA, mais qu’il substitue sa propre décision à cette dernière en se prononçant lui-même sur le droit du demandeur à la qualité de réfugié ou au bénéfice de la protection subsidiaire. Le Conseil d’État représente le dernier degré de juridiction contre les décisions de la CNDA. En Italie, au premier degré les demandes d’asile sont décidées par les Commissions territoriales de reconnaissance de la protection internationale (Commissione Territoriale per il riconoscimento della protezione internazionale), contre ces décisions le demandeur d’asile peut présenter un recours au Tribunal et contre les arrêts du tribunal la dernière juridiction compétente est la Cour de cassation.
  53. Cour de cassation, Section VI, 7 juillet 2014, Ordonnance n. 15466, Rel. Acierno.
  54. Tribunal de Pérouse, 27 juin 2018, Ordonnance n. 462.
  55. CJUE, 25 janvier 2018, aff. C-473/16, F c. Bevándorlási és Állampolgársági Hivatal.
  56. CNDA, 3 juillet 2018, M. N. , n° 18003724C.
  57. En particulier, la Cour a observé que : "Par ailleurs, la Cour européenne des droits de l’homme, a estimé dans son arrêt du 5 juillet 2016 dans l’affaire A.M. contre Pays-Bas, n° 29094/09, que le renvoi en Afghanistan d’une personne d’origine hazâra n’entraînerait pas un risque réel de traitement prohibé par l’article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du seul fait de cette appartenance ethnique" ; ivi, § 5.
  58. En effet, la Cour a mis en lumière que : "En outre, dans un document intitulé “UNHCR Eligibility Guidelines for Assessing the international Protection Needs of Asylum-Seekers From Afghanistan”, publié le 19 avril 2016, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés rappelle que les chrétiens d’Afghanistan continuent d’être victimes de discriminations, de harcèlements et de violences de la part de la population afghane, l’opinion publique demeurant largement hostile à la religion chrétienne. Le même document fait état des attaques dont peuvent être victimes les membres de la communauté chrétienne de la part des talibans. Ainsi, il résulte de ce qui précède que M. N. craint avec raison, au sens des stipulations précitées de la convention de Genève, d’être persécuté en cas de retour dans son pays en raison de sa conversion au christianisme, sans pouvoir bénéficier de la protection des autorités de son pays ", ivi, § 6.
  59. Sur ce point, la Cour a dit que : "Les rapports du Bureau européen d’appui pour l’asile “Afghanistan: individuals targeted by armed actors in the conflict” publié en décembre 2017 et de Landinfo “Afghanistan: Hazaras and Afghan insurgent groups” publié le 3 octobre 2016, relèvent ainsi que les talibans entendent désormais s’assurer la collaboration des Hazaras, qui pour certains ont même rallié leurs rangs, ce mouvement de rapprochement ayant conduit à des accords locaux de non-agression" ; ivi, § 5.
  60. Cour de Rome, 19 janvier 2018, ordonnance.
  61. Tribunal de Gênes, 14 août 2020, décret n. 2538/2020.
  62. Cour d’appel de Bari, 26 octobre 2017, arrêt n. 1693.
  63. Tribunal de Rome, 7 décembre 2020, décret n. 58448.
  64. Tribunal de Brescia, 29 juillet 2020, décret.
  65. Tribunal de Bari, Ordonnance, 7 avril 2016. Voir aussi Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), Situation des derviches de l’ordre soufi Nematollahi Gonabadi, 2019.
  66. CNDA, 27 septembre 2016, Mme T. , n° 15004721C.
  67. CNDA, 9 novembre 2015, M. H. et Mme A. épouse H., n° 15014553 et n° 15014556C.
  68. Tribunal de Pérouse, 2 octobre 2018, ordonnance n° 679.
  69. Cour d’appel de Bari, 26 octobre 2017, arrêt n. 1693.
  70. CNDA, 9 novembre 2015, M. H. et Mme A. épouse H., n° 15014553 et n° 15014556C.
  71. Tribunal de Rome, 7 décembre 2020, décret n. 58448.
  72. CE, 17 octobre 2016, Mme S. , décision n° 392238C, § 3.
  73. Tribunal de Gênes, 14 août 2020, décret n. 2538.
  74. CNDA, 9 mars 2016, M. Y., n° 15024258C.
  75. Tribunal de Milan, 21 mars 2018, décret.
  76. CNDA, 31 août 2017, Mme G. et Mme Z. nos, n° 17019201 et n° 17019207 C.

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