1 Les critères de définition de la catégorie de réfugié religieux

À partir des trois corpus déjà évoqués (les sources du droit ; les divers documents du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), du Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO) de l’Union européenne et du Représentant spécial du Conseil de l’Europe pour les migrations et les réfugiés ; les actes des institutions européennes et nationales), la catégorie de réfugié religieux sera définie selon trois critères :

  • le critère de la religion ;
  • le critère de la peur bien fondée ;
  • le critère de la persécution.

Ces trois critères sont liés et nous permettront d’examiner de manière novatrice trois dimensions permettant de définir la catégorie de réfugié religieux à ce jour inexplorée.

1. Le critère de la religion au prisme du statut de réfugié

Dans le contexte du statut de réfugié, la religion est qualifiée par les institutions internationales et européennes comme la cause d’une crainte bien fondée de subir une persécution. Le lien entre religion et peur semble avoir des effets majeurs sur la définition du critère de la religion, alors que : la peur ne concerne pas toutes les angoisses existentielles mais le risque spécifique de subir une persécution religieuse ; la correspondance entre religion et peur est indépendante du fait que la personne est persécutée en raison de sa propre religion, car la religion peut produire un tel risque, que ce soit la religion du persécuté (religion persécutée) ou celle du persécuteur (religion persécutrice). Cette caractéristique ambivalente de la religion au prisme des migrations (et donc l’oscillation entre religion persécutée et religion persécutrice) semble avoir été soulignée et enrichie par le Représentant spécial du Conseil de l’Europe pour les migrations et les réfugiés, qui, en 2017, a souligné que « religion has multiple dimensions in the context of forced displacement and migration« , car si « there is the link between the humanitarian movement and religion. For most of human history, charity and compassion for those forced from their homes by various man-made or natural disasters have been driven to a large degree by religious beliefs » et « many individuals seeking protection and sanctuary are coming from faith or belief traditions and may even be fleeing persecution on the ground of their religion or belief », en renversant la perspective « it is not uncommon for xenophobia and radicalisation attitudes to be, or to be perceived as, anchored in or justified by religious beliefs. The key factor affecting the input of religion on forced migration is ultimately how its adherents understand and enact the normative principles of their religion »[1].

De là, il est pertinent de souligner que l’ambivalence des significations que la religion peut recouvrir dans les phénomènes de persécution religieuse peut aller plus loin que la dialectique entre persécuteur et persécuté. En particulier, au-delà du fait que la religion peut être utilisée par des persécuteurs pour justifier un traitement préjudiciable dans le pays d’origine contre des individus ou des groupes (religion persécutrice) ou fonder la demande de protection internationale (religion persécutée), la religion peut s’exprimer dans l’intervention des institutions confessionnelles qui soutiennent les migrants dans la voie de l’asile ou bien orienter le jugement des autorités évaluant les demandes d’asile, si, par exemple, dans le pays d’accueil le phénomène religieux est codé en fonction de la religion majoritaire ou bien des religions traditionnelles.

À partir de cette ambivalence et en se concentrant sur l’approche juridique, les institutions internationales ont élaboré des paramètres utiles pour définir le concept de religion et de liberté religieuse au prisme du statut de réfugié[2]. En effet, le droit des réfugiés utilise des formules linguistiques novatrices, comparées à celles que nous pouvons observer dans le domaine général de la liberté de religion ou de conviction[3], car dans ce contexte spécifique la notion de religion relève en tant que cause d’un risque de subir une persécution[4].

La question de définir la religion des réfugiés appelle ici des précisions, en ce qu’elle permet de mieux cerner les paramètres de qualification de cette notion. En fait, le critère de la religion dans la protection internationale peut être retracé dans les travaux préparatoires de la Convention de Genève, dans les sources de l’Union européenne et dans les actes institutionnels consacrés aux réfugiés religieux. Ces trois trajectoires d’analyse seront utiles pour répondre à trois questions : Comment la religion des réfugiés est-elle définie ? Qui définit la religion des réfugiés ? Quelles sont les différences entre religion persécutée et religion persécutrice ?

1.1. Les travaux préparatoires à la Convention de Genève

Quant aux travaux préparatoires à la Convention de Genève, il est important de mettre en lumière les raisons au fondement de la construction des formules linguistiques utilisées dans la Convention pour qualifier le statut de réfugié religieux. En effet, si la Déclaration universelle en son article 18 utilise les binarismes religion ou conscience et religion ou conviction, la Convention de Genève ne fait pas référence à ce modèle, utilisant à l’article premier, seulement le mot « religion » comme facteur de risque de persécution au sein de la définition du terme « réfugié ». Aussi à l’article 4, la religion des réfugiés est évoquée seulement concernant « la liberté de pratiquer leur religion et en ce qui concerne la liberté d’instruction religieuse de leurs enfants ». De là nous pouvons tirer une première observation au niveau du texte légal. Le cadre terminologique de référence semble plus étroit que celui de la liberté religieuse générale, car les mots « conscience » ou « conviction » ne sont pas prévus. Les raisons du choix de ne pas utiliser les termes « conscience » ou « conviction » sont importantes pour évaluer si ce manque permet d’affirmer que, sous l’angle de la liberté de religion des réfugiés, toutes les croyances ou convictions sont susceptibles d’être qualifiées de religion ou s’il y a une protection diverse, par exemple seulement pour les croyances théistes, et donc une discontinuité avec le domaine général de la liberté de conscience et de religion. Pour répondre à ce questionnement, il convient d’apprécier dans quelle mesure la notion de religion, qui encadre des phénomènes de persécution, a été élaborée pendant les travaux préparatoires à la Convention de Genève. De ce point de vue, il faut préciser que le processus d’élaboration de la Convention, confié à un comité ad hoc, trouve son origine dans les travaux préparatoires à l’article 14 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans la constitution en 1946 de l’Organisation internationale pour les réfugiés[5]. En se concentrant sur l’article 14 de la Déclaration universelle, pendant la discussion de cette disposition protégeant le droit d’asile, une position favorable a émergé pour prendre en considération « the position of refugees seeking asylum from persecution or the threat  of persecution on account of their race, religion, nationality or political opinions »[6]. Si le mot « religion » au sein du statut de réfugié trouve sa source dans la discussion concernant l’article 14 mais pas dans son texte qui ne fait pas référence à la religion, l’enjeu est alors de trouver dans cette discussion les outils susceptibles d’interroger cette notion de religion pour (re)trouver sa signification. De ce point de vue, il est intéressant de noter qu’en 1947 le délégué de la France, M. Cassin, a observé que « le sens du mot “persécution” n’a peut-être pas été suffisamment précisé », sinon dans le sens de « préciser que cette disposition vise la persécution subie en raison d’idées, d’opinions ou de croyances ». À partir de cette observation, le texte suivant a été proposé par le Président du Comité de rédaction : « Tout homme a le droit de se soustraire aux persécutions dont il est l’objet à raison de ses croyances religieuses ou de ses opinions politiques […] »[7]. Même si le texte final de l’article 14 ne fait pas référence à la religion, préférant la formule plus générale « devant la persécution, toute personne a le droit de chercher asile et de bénéficier de l’asile en d’autres pays », il est notable que le débat sur la religion ne montre pas la même complexité observable pour l’article 18[8] et en même temps le glossaire utilisé semble se référer seulement à la religion au sens traditionnel par le biais des mots « croyances » ou « croyances religieuses ». La mise en regard de l’article 18 et de l’article 1 souligne alors la persistance originaire de la notion traditionnelle de religion au sein de la codification du droit d’asile.

Ce qui se dessinait, en analysant ce que recouvre la notion de religion au prisme de la protection internationale, se confirme aussi à l’examen de la contribution des acteurs religieux à l’élaboration de l’article 4 de la Convention de Genève, qui garantit « aux réfugiés sur leur territoire un traitement au moins aussi favorable que celui accordé aux nationaux en ce qui concerne la liberté de pratiquer leur religion et en ce qui concerne la liberté d’instruction religieuse de leurs enfants ». En effet, cette disposition a été sollicitée pendant les négociations par l’Union catholique internationale de service social, qui avait proposé d’insérer dans le projet de Convention un article spécifique consacré à la protection de la liberté de réfugiés de pratiquer leur religion[9].

1.2. Les sources de l’Union européenne

En ce qui concerne les sources de l’Union européenne, il convient de relever une évolution lexicale, à commencer par la directive 2004/83/CE, en incluant dans la notion de religion « des convictions théistes, non théistes ou athées, la participation à des cérémonies de culte privées ou publiques, seul ou en communauté, ou le fait de ne pas y participer, les autres actes religieux ou expressions d’opinions religieuses, et les formes de comportement personnel ou communautaire fondées sur des croyances religieuses ou imposées par ces croyances » (article 10, § 1, lettre b). Même si le texte de la directive, comme l’article 18 de la Charte de Nice, est inspiré par la Convention de Genève, en tant que modèle de codification, le droit de l’Union met à jour la notion de religion des Nations unies, s’alignant sur l’interprétation du terme « religion » qui a émergé au regard des exigences de la liberté de religion après 1951. Dans la continuité de cette définition de « religion », le Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO), faisant référence à la directive 2011/95/EU, a souligné que dans l’espace de la protection internationale « the ground of religion has a broad and flexible definition in accordance with the QD, including the conduct based on or mandated by any religious belief, which may cover day-to-day behaviour, way of life, and community customs and mores »[10].

À la lumière de cette circularité du langage, il paraît difficilement concevable d’imaginer dans le droit de l’Union une divergence de l’encadrement juridique de la notion de religion dans le statut de réfugié. Cependant, le texte de la directive présente des éléments d’originalité qui coïncident avec les notions de religion perçue et opinions politiques. Ces éléments sont significatifs pour notre réflexion, car ils démontrent l’impact de la crainte fondée (objet du prochain paragraphe) de subir une persécution sur la notion de religion observée dans la première partie. En effet, la crainte fondée de subir une persécution religieuse transforme la signification des formules linguistiques associées à la notion de religion à l’article 10 de la directive selon deux trajectoires différentes : la construction de l’identité religieuse ; la manifestation de la religion dans la politique.

D’abord, concernant la construction de l’identité religieuse, l’article 10, par. 2, de la directive prévoit que : « Lorsque l’on évalue si un demandeur craint avec raison d’être persécuté, il est indifférent qu’il possède effectivement la caractéristique liée à la race, à la religion […] pour autant que cette caractéristique lui soit attribuée par l’acteur de la persécution ». À partir de cette disposition, on peut tirer une distinction entre croyant réel et croyant perçu et donc entre « religion réelle » et « religion perçue ». Le croyant réel a une crainte fondée de persécution à cause de la religion professée, différemment la religion du croyant perçu n’est pas définie par lui-même, mais par son persécuteur qui lui attribue une doctrine différente de celle effectivement professée. La notion de « religion perçue » est définie selon la perception que le persécuteur a du persécuté et l’élément de la perception d’une religion déplace le barycentre du concept de religion de l’autonomie individuelle dans la liberté religieuse générale, à une identité religieuse transformée par effet de la relation que la persécution va produire dans le statut de réfugié entre persécuteur et persécuté.

Ensuite, la manifestation de la religion dans la politique émerge à l’article 10, par. 1, l. e) de la directive qui met en lumière que, dans le langage de la protection internationale, l’opinion politique doit être interprétée comme inclusive des « croyances dans un domaine lié aux acteurs potentiels de la persécution ». Cette spécification est intéressante car concernant les diverses intersections entre religion et opinion politique dans le phénomène de persécution, la religion peut motiver des positions politiques qui par exemple en critiquant l’idéologie du groupe dominant, produisent un risque de persécution. C’est le cas de l’Église de Dieu tout-puissant en Chine qui, dans le contexte d’une doctrine « néo-chrétienne », critique le capitalisme chinois et la politique du parti communiste et aussi pour cette raison ses membres sont victimes de persécutions.

1.3. Les actes institutionnels consacrés aux réfugiés religieux

Au sujet des actes institutionnels consacrés aux réfugiés religieux, en 2004, le Haut-Commissariat des Nations unies a dédié à la définition du terme « religion » la première section des principes directeurs sur la protection internationale concernant les réfugiés religieux. La circonstance inédite dans l’approche internationale et européenne à la liberté religieuse visant à définir la religion mérite alors d’être analysée au prisme du statut de réfugié. Trois voies d’analyse sont ici à considérer afin de mieux cerner la signification du critère de la religion des réfugiés et de déceler le cas échéant les différences qui la distingueraient plus clairement de la notion générale de religion et de liberté religieuse. En effet, malgré l’observation du Haut-Commissariat qu’ « il n’existe pas de définition acceptée au plan universel du terme « religion » et que l’utilisation du terme « religion » dans la Convention de 1951 peut donc être considérée comme englobant la liberté de pensée, de conscience ou de conviction »[11], son élaboration de la notion de religion montre des éléments d’originalité. Ces éléments peuvent être mis en valeur à travers l’analyse des justifications de la définition, des matériaux juridiques de référence et, enfin, des formules de définition.

D’une part, l’enjeu de la définition du terme « religion » dans le cadre de la protection internationale conduit à examiner les raisons à la base du besoin d’élaborer une telle définition, en s’appuyant sur les arguments utilisés par le Haut-Commissariat. En effet, l’institution onusienne a observé que la complexité des demandes de protection fondée sur la religion s’est traduite dans une application hétérogène du statut de réfugié par les institutions nationales et cette hétérogénéité a montré une approche pas toujours cohérente « en particulier lors de l’application du terme “religion” figurant dans la définition du réfugié dans la Convention de 1951 »[12]. De là, la nécessité d’éclairer une notion opérative de religion en termes de définition, pour garantir une application plus homogène de la Convention. Le lien entre définition et application du statut de réfugié semble influencer et circonscrire la construction de la notion de religion, car les principes directeurs ne donnent pas « une définition définitive du terme “religion” mais ils fournissent aux agents instructeurs des indications pour faciliter la détermination du statut de réfugié dans de tels cas »[13]. Cette approche souligne toutefois la spécialisation de notre définition dans le passage du domaine général de la liberté religieuse aux nécessités spécifiques liées à l’application du statut de réfugié religieux. Dans le droit international des réfugiés, différemment du contexte général des droits humains, la définition de la religion semble devenir une condition incontournable pour garantir une application efficace du statut de réfugié.

D’autre part, une deuxième voie d’analyse consiste à explorer les matériaux juridiques utiles à la reconstruction de la définition de la religion dans le domaine de l’asile. De ce point de vue, le Haut-Commissariat renvoie aux principales sources internationales et aux actes institutionnels garantissant le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, soulignant que « ces normes internationales en matière de droits de l’homme fournissent des orientations pour la définition du terme « religion » également dans le contexte du droit international des réfugiés »[14]. De là, l’utilité d’une circularité des formules linguistiques du domaine général de protection des libertés de conscience et de religion au domaine de l’asile pose des questions à propos des orientations applicables à la protection internationale et à la possibilité de retracer des interprétations innovantes du terme « religion » étrangères à cette circulation. Pour tenter de répondre, il convient de passer à la troisième voie d’analyse des formules de définition.

Suivant la troisième voie d’analyse des formules de définition, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, dans les principes directeurs consacrés aux persécutions religieuses, définit la religion persécutée[15] en relation avec les concepts de croyance et non-croyance, identité, manière de vivre[16]. Chacune de ces notions est importante pour notre recherche face à l’émergence d’une pluralité de définitions de religion persécutée. En effet, chaque critère identifie une définition différente. Si le concept de croyance concerne la nature théiste ou non théiste de la doctrine professée, l’identité concerne le lien entre l’individu et une communauté de foi, tandis que le mode de vie décrit le rôle de la religion dans la relation entre l’individu et le monde (symboles religieux ; rituels et pratiques ; codes vestimentaires)[17]. À partir de cette tridimensionnalité de la notion de religion, il convient de remarquer ici que le Haut-Commissariat ne fait pas référence à la formule binaire religion ou conviction, mais il définit la religion, selon les cas, comme une croyance, une identité ou une manière de vivre. Pour chacune de ces définitions, nous pouvons observer une certaine créativité sur le plan linguistique, à travers l’utilisation de formules innovantes par rapport à celles utilisées dans le domaine général de protection de la liberté de religion ou de conviction. Il convient, de ce point de vue, d’apprécier l’évolution de la notion de religion au sein des trois définitions évoquées.

Tout d’abord, la notion de croyance, interprétée comme inclusive des « croyances théistes, non théistes et athées », est spécifiée en fonction de l’objet de la croyance et de la perception de la croyance individuelle par les autres membres d’une communauté religieuse. Suivant ces deux lectures du mot « croyance », donc l’objet et la perception, une croyance peut s’exprimer « au sujet de l’existence d’un Dieu ou d’un être suprême ou du destin spirituel de l’humanité » ; la religion des persécutés peut également être définie par un jugement d’infidélité exprimé par d’autres fidèles. Dans ce dernier cas, comme l’a éclairé l’institution onusienne, la religion des réfugiés définit aussi la condition des « hérétiques, des apostats, des schismatiques, des païens ou des superstitieux », car le jugement d’infidélité produit une crainte fondée de persécution[18]. C’est au regard de ces éléments qu’il convient de souligner comment la crainte fondée représente dans la protection internationale le critère majeur de définition et d’innovation de la religion ; comme on le verra, globalement, ce critère est la principale condition d’accès au statut de réfugié religieux.

Ensuite, la notion d’identité religieuse est thématisée dans les principes directeurs pas tant comme « une question de croyances théologiques », mais plutôt comme la relation d’appartenance à une communauté[19] fondée sur « des croyances, des rites, des traditions, une ethnie, une nationalité ou des ancêtres communs »[20]. La définition communautaire de la religion est originale, non seulement concernant la possibilité d’envisager des intersections avec l’ethnie ou des ancêtres communs, mais surtout en se référant aux deux formes d’appartenance religieuse soulignées par le HCR. En particulier : « Un demandeur peut s’identifier ou avoir le sentiment d’appartenir à un groupe ou à une communauté particulière ou être perçu par les autres comme y appartenant »[21]. Les définitions collectives de la religion, réelle et perçue, appellent deux observations. En premier lieu, il paraît acquis que la nature, réelle ou perçue, de l’identité religieuse est indifférente dans une définition de la religion comme cause d’une crainte fondée de persécution. En deuxième lieu, l’identité religieuse perçue appelle à nouveau l’impact de la relation entre persécuteur et persécuté, par exemple dans le cas extrême où il y a un conflit entre deux façons opposées de qualifier les convictions personnelles. Cette situation, qui complique l’exercice de définition au sein de la protection internationale, arrive quand « une personne (ou un groupe) peut être persécutée pour des motifs religieux même si elle ou d’autres membres du groupe nient catégoriquement le fait que leur croyance, leur identité et/ou leur manière de vivre constituent une “religion” »[22].

Enfin, la religion en tant que manière de vivre recouvre une variété de relations de la personne avec « le monde », qui peut se manifester à travers « des activités comme le port d’un vêtement particulier ou le respect de certaines pratiques religieuses, y compris certains jours fériés pour une cause religieuse ou certains régimes alimentaires »[23]. L’on notera d’ailleurs que cette formule « manière de vivre » est novatrice comparée à celles utilisées dans le domaine de la liberté de manifester une religion ou une conviction[24] et en même temps la connexion entre manière de vivre une religion et peur bien fondée émerge dans la contre-proposition qui peut se produire entre une pratique religieuse fondamentale pour l’individu et sa perception négative à l’extérieur. En fait, l’institution onusienne observe que : « Telles pratiques peuvent paraître triviales aux yeux des personnes qui ne sont pas membres de cette religion, mais elles peuvent être essentielles pour le membre concerné »[25]. Dans ce cas aussi, la crainte de persécution définit la religion comme manière de vivre, si cette manière est vectrice des perceptions négatives et, par conséquent, d’un risque de persécution.

En renversant la perspective de définition, les différentes notions de ce que recouvre la religion persécutée nous permettent de construire par contraste le concept de religion persécutrice. En effet, si comme on l’a dit le lien entre religion et peur peut concerner également la religion du persécuteur, en lisant les documents internationaux, quelques précisions sont apportées autour de cette catégorie. En particulier, le HCR, dans les principes directeurs sur les persécutions religieuses, a souligné que le caractère dominant d’une religion ou la position officielle d’une religion, en tant que religion de l’État, dans un pays peuvent produire un effet de persécution contre les personnes qui ne se conforment pas aux règles religieuses[26]. Dans cette perspective, par exemple, l’islam comme religion officielle en Iran et en Afghanistan[27], est à la base de la persécution de la minorité baha’is, dont la foi est considérée comme une forme de blasphème.

2. Le critère de la peur bien fondée

En ce qui concerne le statut de réfugié religieux, il faut partir du constat que, de manière explicite, le texte de la Convention de Genève et des directives européennes sur l’asile font référence au concept de religion en relation avec la crainte (avec raison) d’être persécuté. En effet, la liberté de religion, dans le but de reconnaître le statut de réfugié, n’est protégée que s’il y a un lien de causalité entre la crainte bien fondée d’être persécuté et le fait religieux. Par rapport à la centralité de la notion de peur bien fondée dans le statut de réfugié, deux questions principales très liées entre elles se posent : comment cette peur dans le langage juridique de la protection internationale peut-elle se définir ? Comment la peur façonne-t-elle le modèle de garantie de la liberté religieuse des réfugiés ?

Au prisme du langage juridique de la protection internationale, il convient d’évoquer la définition générale de l’expression « craignant avec raison d’être persécuté » élaborée par l’institution onusienne[28]. En particulier, le Haut-Commissariat, observant que « les mots “craignant avec raison d’être persécuté” sont les mots-clés de la définition de réfugié », a souligné que si la crainte fait référence à « un état d’esprit et une condition subjective », la spécification contenue dans le texte de la Convention « avec raison » renvoie à l’idée « que ce n’est pas seulement l’état d’esprit de l’intéressé qui détermine sa qualité de réfugié, mais que cet état d’esprit doit être fondé sur une situation objective »[29]. De là nous pouvons tirer une première précision autour de cette notion : la crainte bien fondée se compose d’un élément subjectif, l’état d’esprit personnel, et un élément objectif, la situation existant dans le pays d’origine du demandeur. Seulement l’existence de ces deux éléments intègre une condition personnelle de craindre avec raison une persécution pour les raisons prévues dans la Convention, « excluent automatiquement de la définition toutes les autres causes de départ »[30]. La question de savoir s’il est possible d’identifier des qualités personnelles spécifiques pour évaluer la peur bien fondée et en revanche de tirer des précisions sur ce que recouvre l’élément objectif mérite d’être posée au regard de la distinction et de l’interaction entre ces deux critères.

Concernant l’élément subjectif, selon le HCR, il faut apprécier « la personnalité du demandeur, étant donné que les réactions psychologiques des individus ne sont pas forcément identiques dans les mêmes circonstances »[31]. En particulier, la relation entre le demandeur d’asile et le facteur de persécution est très importante, car, par exemple, pour une personne politiquement engagée, la suspension des droits politiques peut être insupportable, alors que pour un autre individu, les mêmes limites sont moins fortes. En outre, cette correspondance ne doit pas nécessairement se fonder sur une expérience directe. La crainte fondée est attestée aussi par des expériences personnelles de persécution d’autres sujets liés au demandeur par les mêmes caractéristiques individuelles, par exemple l’identité de genre ou par l’appartenance à la même communauté ethnique ou religieuse[32].

Passant à l’élément objectif, selon le HCR, « les déclarations du demandeur ne peuvent pas être prises dans l’abstrait et elles doivent être considérées dans le contexte général d’une situation concrète »[33]. De ce point de vue, la peur est bien fondée si la perception personnelle de danger est confirmée dans le pays d’origine par « des conditions existantes » comme une loi, la présence d’une religion dominante persécutrice ou des témoignages qui confirment le risque[34]. En regardant l’élément objectif sous un autre angle, l’exigence d’objectiver la peur fait ressortir la nécessité d’établir la crédibilité du demandeur d’asile et, comme nous le verrons, cette exigence peut devenir particulièrement problématique dans l’évaluation de demandes des réfugiés religieux.

Quant aux effets de la peur sur le modèle de garantie de la liberté religieuse des réfugiés, la question s’est posée concernant les éléments subjectifs et objectifs capables d’intégrer la crainte bien fondée de subir une persécution religieuse. En effet, à la lumière de la définition de persécuté religieux, la religion est le critère pour évaluer le fondement de la peur, et donc la crédibilité du demandeur. Toutefois, l’examen des éléments, subjectifs et objectifs, susceptibles d’intégrer la notion de peur bien fondée montre l’impact du statut de réfugié sur la garantie de la liberté religieuse et donc la problématique, inédite dans le domaine général de la liberté religieuse, de prendre en considération un état d’esprit intérieur pour accéder à une protection juridique. En effet, si dans le domaine général de la liberté de religion ou de conviction, la garantie de ces libertés correspond à une violation effective et non potentielle, comme dans le statut de réfugié, quelles sont les qualités personnelles qui démontrent le lien entre la religion et la peur de subir une persécution ? Comment pouvons-nous mesurer le degré de peur déterminé par une religion ? Quels sont les éléments objectifs aptes à soutenir l’état d’esprit du demandeur ?

À partir de ces questions, auxquelles il est impossible de répondre d’une manière définitive, compte tenu de l’hétérogénéité des situations de persécution religieuse dans le monde, quelques précisions peuvent toutefois être apportées par le biais des principes directeurs élaborés par le Haut-Commissariat.

Premièrement, une qualité personnelle que l’institution onusienne a évaluée capable de déterminer l’expérience de la peur dans le domaine religieux est le genre féminin. En particulier, la religion peut exposer hommes et femmes à des risques variables, quand « la religion assigne des rôles ou des codes de comportement particuliers aux hommes et aux femmes respectivement »[35]. De là, la circonstance qu’une femme ne remplit pas les rôles du genre assignés par une doctrine religieuse peut être perçue dans le pays d’origine « comme la preuve qu’une femme a des opinions religieuses inacceptables, sans égard pour ses véritables croyances »[36]. De plus, dans les États où il y a une religion officielle, la cristallisation des préceptes religieux dans les lois peut produire une sanction légale de la non-conformité à des comportements religieux codés par le droit. En même temps, la façon personnelle de manifester une religion peut apparaître « comme une opinion politique intolérable »[37]. Il est à noter ici que le genre enrichit la relation de causalité entre religion et crainte bien fondée, quand la religion produit des structures sociales patriarcales et donc une vulnérabilité au regard des femmes. Au même moment, cette approche offre une application spécifique des diverses stratégies que les institutions internationales et européennes ont promues pour garantir les droits de la femme, représentant souvent la religion comme un facteur d’oppression.

Deuxièmement, les éléments objectifs coïncident avec toutes les violations graves de la liberté religieuse dont, de façon réaliste, la personne pourrait souffrir dans le pays de départ (lois contre les droits des minorités religieuses ; existence de groupes religieux fondamentalistes ; cas de conversion forcée). Cette évaluation suppose que l’institution chargée d’évaluer la demande de protection ait une connaissance approfondie des situations, institutionnelles et sociales, dépendant de la religion dans le pays d’origine, concernant, par exemple, les lois en vigueur, les relations entre majorité religieuse et minorités religieuses, l’oppression des femmes ou la condamnation de l’homosexualité, le rapport entre pratiques rituelles et liberté d’accès à des lieux de culte particuliers, l’existence de groupes terroristes sur des territoires spécifiques du pays, les politiques ecclésiastiques encouragées par une religion dominante ou par des idéologies athées hostiles à la liberté religieuse. Dans ce contexte, nous pouvons soutenir que les éléments objectifs sont toutes les circonstances réelles capables de produire une crainte fondée de persécution religieuse, entendue comme un risque concret d’être victime d’une persécution religieuse. De ce point de vue, la religion du persécuteur, donc celle que nous avons définie comme la religion persécutrice, est capable d’intégrer un élément objectif de la peur du demandeur de protection internationale, si cette doctrine a produit un risque de persécution, par exemple à travers l’imposition d’une conversion religieuse aux membres d’une minorité religieuse. Il convient à ce point d’envisager le dernier critère de définition de la religion dans le statut de réfugié, c’est-à-dire la notion de persécution religieuse.

3. Le critère de la persécution religieuse

3.1. La définition du critère

La notion de persécution religieuse a été interprétée par le HCR d’abord dans le Manuel sur les procédures et critères de détermination du statut de réfugié en 1979, puis dans les principes directeurs déjà mentionnés sur les demandeurs de protection pour raisons religieuses en 2004[38]. En particulier, en 1979 le HCR a observé que, malgré l’absence « de définition universellement acceptée de la “persécution”, les diverses tentatives de définition ont rencontré peu de succès. De l’article 33 de la Convention de 1951, on peut déduire que des menaces à la vie ou à la liberté pour des raisons de race, de religion, de nationalité, d’opinions politiques ou d’appartenance à un certain groupe social sont toujours des persécutions. D’autres violations graves des droits de l’homme – pour les mêmes raisons – constitueraient également des persécutions »[39]. Cette notion générale de persécution a été appliquée au facteur religieux. Si en 1979 l’institution onusienne s’est référée à la Déclaration universelle des droits de l’homme et au Pacte relatif aux droits civils et politiques pour tracer les garanties des libertés de pensée, conscience et religion dans le droit international, mais sans spécifier le rapport avec la notion de persécution[40], en 2004 une définition plus précise de la persécution religieuse a été mise à jour dans les principes directeurs sur les demandes d’asile fondées sur la religion. En effet, le Haut-Commissariat a indiqué qu’il y a persécution religieuse quand la liberté de conscience ou de religion de la personne est limitée par des mesures qui dépassent les limites légitimes prévues par l’article 18, par. 3, du Pacte international relatif aux droits civils et politiques avec des conséquences graves en termes de restriction des droits fondamentaux[41]. De ce point de vue, la persécution correspond à une violation grave de la liberté religieuse[42]. Cette gravité découle du fait que la violation de la liberté religieuse n’est pas prévue par la loi et elle est étrangère à la nécessité, codée dans le domaine général de garantie de la liberté religieuse (par exemple article 18, Pacte international relatif aux droits civils et politiques), de protéger la sécurité, l’ordre, la santé publique ou la morale ou les libertés et les droits fondamentaux d’autrui.

Face à cette définition, la gravité de la violation semble représenter l’élément central de définition de la persécution religieuse et en revanche le critère de distinction avec les autres violations des libertés de conscience et de religion prises en compte dans la notion de discrimination religieuse. La transformation de la protection de la liberté religieuse du principe de non-discrimination dans le modèle général à la persécution dans le statut de réfugié (par le biais de la gravité de la violation) appelle des précisions concernant d’une part la distinction avec la discrimination religieuse et d’autre part, au-delà des paramètres légaux de qualification de la gravité, le rôle que la personnalité de réfugié peut jouer comme critère possible pour définir une telle gravité.

En premier lieu (distinction entre discrimination religieuse et persécution religieuse), en définissant la persécution religieuse, le Haut-Commissariat ne qualifie pas la relation entre persécutions et actes discriminatoires, selon une approche d’exclusion mutuelle : une persécution intègre toujours des traitements discriminatoires, même si le contraire (c’est-à-dire une discrimination qui intègre une persécution) n’est pas toujours vrai. En fait, « dans le cadre de l’examen d’une demande d’asile, il faut faire une distinction entre la discrimination qui résulte en un simple traitement de faveur et la discrimination qui équivaut à une persécution parce que, par effet cumulatif ou à elle seule, elle restreint gravement la jouissance par le demandeur »[43]. De la même manière, l’Union européenne avant dans la directive 2004/83/CE, puis dans la directive 2011/95/UE, a qualifié, en termes généraux, à l’article 9, par. 1, une persécution comme un acte ou une accumulation d’actes qui produit une violation grave des droits humains. En 2012, cette définition a trouvé une application spécifique aux réfugiés religieux dans l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne Bundesrepublik Deutschland c. Y-Z [44]. Cette décision concernait deux ressortissants pakistanais membres de la minorité religieuse musulmane amadihja. La Cour a mis en lumière que « pour déterminer, concrètement, quels sont les actes qui peuvent être considérés comme une persécution au sens de l’article 9, paragraphe 1, sous a), de la directive, il n’est pas pertinent de distinguer entre les actes qui porteraient atteinte à un “noyau dur” (“forum internum”) du droit fondamental à la liberté de religion, qui ne recouvrirait pas les activités religieuses en public (“forum externum”), et ceux qui n’affecteraient pas ce prétendu “noyau dur” »[45]. En fait, si une telle articulation de la notion de persécution religieuse n’est pas compatible « avec la définition large de la notion de “religion” »[46], la gravité de la violation ne concerne pas « l’élément de la liberté de religion auquel il est porté atteinte », mais « la nature de la répression exercée sur l’intéressé et des conséquences de cette dernière »[47]. L’argumentation jurisprudentielle évoquée appelle deux observations : d’une part, la définition large de la religion a un impact sur la notion de persécution, car elle empêche d’établir des distinctions entre contenus essentiels et contenus non essentiels de la liberté d’avoir ou de manifester une religion ; d’autre part, le critère pour établir la gravité d’une violation, et par conséquent aussi la distinction avec la discrimination religieuse, ne regarde pas les contenus de la liberté religieuse concernée, mais l’intensité de la répression perpétrée.

En deuxième lieu (personnalité de réfugié comme critère possible pour définir la gravité de la persécution), comme il ressort des documents du HCR et de la jurisprudence européenne, la personnalité de réfugié est également un paramètre important pour établir la gravité d’une violation et donc l’existence d’un risque de persécution, quand la religion du demandeur d’asile est à l’origine du risque. Dans la continuité de l’élément subjectif au sein de la peur bien fondée, la personnalité religieuse du demandeur demeure centrale dans la qualification d’un acte comme une persécution. En effet, la connexion entre peur et persécution se fonde au niveau subjectif sur la circonstance que la crainte bien fondée est dictée par l’importance d’une doctrine ou d’un acte pour l’individu et c’est de cette importance que resurgit la gravité de la violation. Autrement dit, la peur bien fondée de persécution est une conséquence, au niveau subjectif, de l’importance d’une façon particulière de croire, de ne pas croire ou le cas échéant de ne pas pratiquer une religion ou une conviction. En particulier, le Haut-Commissariat a mis en évidence que l’évaluation de la gravité de la violation par les autorités nationales ne repose pas uniquement sur le respect de normes internationales en matière des droits humains, mais aussi sur « la situation personnelle du demandeur et ses expériences, ses convictions religieuses, son identité et/ou sa manière de vivre, l’importance que cela revêt pour lui, l’effet de restrictions sur lui, la nature de son rôle et de ses activités au sein de sa religion »[48].

La centralité de l’autonomie individuelle, sur ce qui est grave par rapport à la façon de chacun d’entendre l’expérience religieuse et d’attribuer plus ou moins d’importance à des préceptes ou à des actes spécifiques, impose aussi des précisions concernant l’affiliation religieuse du demandeur. En fait, la correspondance entre les valeurs et les pratiques codées par une religion et l’importance que ces éléments recouvrent pour chaque fidèle de la même religion n’est pas avérée dans tous les cas. Comme l’a dit le Haut-Commissariat : « La pratique religieuse qui fait l’objet de restrictions peut ne pas être significative pour la religion mais être particulièrement importante pour l’intéressé et constituer alors une persécution pour des raisons de conscience ou de conviction »[49]. Cette orientation a été confirmée et développée par la Cour de justice de l’Union européenne qui, dans l’arrêt Bundesrepublik Deutschland c. Y-Z déjà cité, a exclu que l’importance des pratiques religieuses dépend nécessairement de la confession religieuse d’appartenance du réfugié, car « la circonstance subjective que l’observation d’une certaine pratique religieuse en public […] est particulièrement importante pour l’intéressé aux fins de la conservation de son identité religieuse est un élément pertinent dans l’appréciation du niveau de risque auquel le demandeur serait exposé dans son pays d’origine du fait de sa religion, même si l’observation d’une telle pratique religieuse ne constitue pas un élément central pour la communauté religieuse concernée »[50]. À partir de ces arguments, la Cour a tracé une distinction en ce qui concerne les critères pour établir la pertinence des comportements religieux pour l’individu. Si dans la directive, « le champ de protection du motif de persécution lié à la religion recouvre tant les formes de comportement personnel ou communautaire que la personne considère comme nécessaires », le motif à la base du jugement de nécessité d’une pratique religieuse est défini par la Cour à travers deux catégories de comportements religieux : ceux « fondés sur des croyances religieuses  » ; ceux « imposés par ces croyances »[51]. Les deux catégories dessinent deux différentes dialectiques entre autonomie individuelle, appartenance religieuse et importance d’une pratique religieuse : dans la première catégorie, la nécessité de manifester une religion dans une certaine façon est dictée par la conscience personnelle ; dans la deuxième catégorie, l’importance de pratiques religieuses est codée dans les orthopraxies élaborées au prisme d’une tradition, d’une théologie ou d’une communauté religieuse et s’impose aux fidèles.

3.2. Les phénomènes de persécution religieuse

Une fois définie la notion de persécution religieuse, il paraît utile de donner des exemples de phénomènes correspondant à cette notion. S’agissant de l’application de la notion de persécution religieuse à la réalité, en particulier, les institutions internationales et européennes ont élaboré plusieurs exemples de ce qui recouvre une telle violation. L’ensemble étant composite, il convient d’en proposer une représentation ordonnée et un classement selon la typologie suivante : l’imposition d’une religion ou d’une pratique religieuse ; la dimension individuelle ou collective de la persécution ; l’identité ou la diversité entre les croyances en conflit ; l’objection de conscience.

Concernant l’imposition d’une religion ou d’une pratique religieuse, pour le HCR, une persécution est souvent intégrée dans les cas de « conversion forcée » ou « de soumission forcée ou adhésion forcée à des pratiques religieuses ». En se concentrant sur la conversion forcée, il est à noter ici que le Haut-Commissariat définit ce phénomène comme une persécution par le biais d’un critère objectif et d’un critère subjectif. Si, en fait, « la conversion forcée à une religion est une violation grave du droit fondamental de la liberté de pensée, de conscience et de religion et satisferait souvent l’élément objectif de la persécution », l’élément subjectif consistera en la preuve par le demandeur que l’imposition d’une conversion produit la crainte fondée de subir une persécution. De ce point de vue, selon le HCR, le rapport entre peur bien fondée et importance de la compulsion de quitter une religion serait plus évidente pour « une identité claire ou une manière de vivre en relation avec une religion différente ou si la personne avait choisi de se désolidariser de toute dénomination ou communauté religieuse », alors que pour les non-affiliés ou les athées la preuve d’un tel risque semble être plus compliquée, car la conversion forcée (ou le risque de conversion forcée) « peut être un acte sans effets personnels corrélatifs »[52]. On notera alors ici la possibilité d’envisager un autre effet de transformation de la persécution sur la protection de la liberté de religion. De fait, si dans le domaine général, nous pouvons observer une pleine égalité entre croyants et non-croyants dans la garantie de la liberté de religion[53], la lecture de la conversion religieuse forcée comme type de persécution semble renvoyer à une vision « essentialiste » de la religion, dépourvue de lien avec la dimension de la non-croyance.

Après tout, l’idée que la conversion forcée d’un athée à une religion ne puisse pas avoir d’effets sur la personnalité de l’intéressé semble paradoxale, comparée à l’idée contraire que pour les croyants une telle imposition est toujours grave. Sans aller plus loin, reste ouverte la question sur la conversion forcée de savoir si de cette formulation on peut tirer la conclusion que la croyance dans une religion est toujours considérée comme importante, alors qu’une telle présomption ne s’applique pas dans tous les cas aux croyances athées ou non affiliées.

Quant à la dimension individuelle ou collective de la persécution, selon l’avis du HCR, la persécution religieuse collective peut concerner « l’enregistrement obligatoire des groupes religieux et l’imposition de réglementations spécifiques visant à restreindre l’exercice de la liberté de religion ou de conviction ». En renversant la perspective, la pratique collective d’une religion peut produire aussi une persécution religieuse individuelle, si « un code religieux spécifique […] est imposé aux non-membres mais également lorsqu’il est appliqué aux dissidents ou aux membres de la même confession »[54]. Dans le même esprit, le Parlement européen est intervenu sur une situation spécifique de persécution religieuse collective au moyen de diverses résolutions, à propos de la minorité Rohingya au Myanmar/en Birmanie, soulignant la nécessité « de défendre le droit universel à la liberté de religion ou de conviction « [55].

Concernant l’identité ou la diversité entre les croyances en conflit, celles-ci peuvent produire des persécutions inter-religieuses, entre individus ou communautés de religions différentes, ou des persécutions intra-religieuses, au sein de la même religion mais entre différents groupes ou individus. Pour donner une signification plus pragmatique à cette distinction, il convient de se référer à deux exemples de ces typologies de persécutions.

À cet égard, le conflit entre bouddhisme et islam au Myanmar est particulièrement significatif comme exemple de persécutions inter-religieuses. En fait, dans cette nation, la minorité musulmane d’ethnie rohingya est victime des persécutions par les bouddhistes nationalistes, qui ont fait fuir au Bangladesh 603 000 réfugiés depuis le 25 août 2017. Les dynamiques des persécutions vécues par cette minorité et les effets de la grave violation de la liberté religieuse ont été analysés par le HCR dans le dossier Culture, context and mental health of Rohingya refugees en 2018[56]. Ce document est utile à notre réflexion, car d’une part l’institution onusienne a mis en évidence la dimension multiple de ce phénomène de persécution inter-religieuse – souvent les femmes sont victimes des violences de genre dans les contextes de persécution religieuse et ethnique –, d’autre part la foi musulmane, à l’origine de la persécution, est décrite comme un élément qualifié comme capital par les réfugiés pour faire face à l’expérience de la persécution[57].

Le deuxième exemple est relatif à la persécution de la communauté ahmadi au Pakistan et qui représente un conflit entre deux islams différents, respectivement une communauté sunnite majoritaire et une minorité musulmane. Dans ce contexte particulier, la majorité musulmane au Pakistan a même interdit aux ahmadis la possibilité de se dire musulmans[58].

Enfin, en ce qui concerne l’objection de conscience, l’interprétation de l’objection de conscience au service militaire comme raison de persécution émerge dans les principes directeurs élaborés par le Haut-Commissariat pour les réfugiés. Ce dernier a développé dans la protection internationale l’orientation du Comité des droits de l’homme des Nations unies, selon laquelle « le droit de refuser le service militaire (objection de conscience) […] » découle de l’article 18 du Pacte sur les droits civils et politiques[59]. Sur la base de cette approche, le HRC a fait valoir que pour les objecteurs de conscience, « la persécution est établie si l’individu est exposé à une menace contre sa vie ou sa liberté, à d’autres violations graves des droits de l’homme, ou à un autre préjudice sérieux. Par exemple, une sanction disproportionnée ou arbitraire pour refus d’effectuer le service militaire national ou des actes contraires au droit international, comme des conditions pénitentiaires excessivement rigoureuses ou des châtiments corporels, équivaudraient à une forme de persécution. Les autres droits de l’homme en jeu dans de telles demandes incluent la non-discrimination et le droit à un procès équitable, l’interdiction de tortures ou de traitements inhumains, du travail forcé et de l’esclavage et/ou de la servitude »[60]. L’objecteur persécuté peut donc bénéficier d’une pleine protection via la reconnaissance du statut de réfugié religieux.

En termes innovants, l’Union européenne a intégré l’objection de conscience dans le texte de la directive 2004/83/CE, puis refondue dans la directive 2011/95/UE, à travers la codification, à l’article 9, par. 2, l. e), d’un nouvel acte de persécution coïncidant avec « les poursuites ou sanctions pour refus d’effectuer le service militaire en cas de conflit lorsque le service militaire supposerait de commettre des crimes ou d’accomplir des actes relevant du champ d’application des motifs d’exclusion visés à l’article 12, paragraphe 2 ». À partir de ce cadre normatif de référence, il est pertinent d’évoquer l’interprétation que la Cour de justice a donnée à cette disposition dans le cas d’un militaire américain qui avait déserté l’armée et demandé la protection internationale à l’Allemagne, affirmant que la guerre en Irak était vectrice de crimes contre l’humanité[61]. Face à cette demande d’asile, la Cour a explicité les conditions pour établir l’existence d’une persécution au sens de la lettre e) de l’article 9 de la directive. Plus précisément, trois critères spécifiques (qualité du personnel militaire, détermination du conflit armé, absence de la prévision légale du droit à l’objection de conscience) s’imposent pour la reconnaissance du statut de réfugié à l’objecteur. En particulier, « la qualité de personnel militaire constitue une condition nécessaire mais non suffisante pour bénéficier de la protection qu’impliquent les dispositions de l’article 9, paragraphe 2, sous e), de cette directive »[62]. Il est en effet nécessaire que le refus d’accomplir le service militaire intervienne dans le cadre d’un conflit précis. Seule la connaissance des caractéristiques du conflit par l’autorité qui décide la demande de protection fournit des éléments permettant d’apprécier l’existence d’une persécution. De plus, pour obtenir le statut de réfugié, le refus doit représenter la seule solution pour éviter l’obligation militaire. En effet, la présence des clauses de conscience dans la législation nationale exclut les traitements persécuteurs et, en cas de sanctions pénales, ceux-ci sont légitimes s’ils sont proportionnés au droit de chaque État de maintenir une force armée et non discriminatoire s’ils sont similaires à ceux imposés aux catégories de sujets comparables aux déserteurs.


  1. Représentant spécial du Conseil de l’Europe pour les migrations et les réfugiés, Exchange on the religious dimension of intercultural dialogue. Discussion paper prepared by the Office of the Special Representative of the Secretary General on Migration and Refugees. Migrants and refugees: challenges and opportunities – The response of religious and non-religious groups, 2017, p. 1.
  2. Cf. Daniele Ferrari, "Libertà religiosa e status di rifugiato", dans Isabel Fanlo Cortes, Daniele Ferrari (dir.), I soggetti vulnerabili nei fenomeni migratori, Torino, Giappichelli, 2020, p. 102-107.
  3. En effet, dans les différentes sources internationales et européennes, les dispositions concernant le droit à la liberté religieuse ne font pas référence à la persécution. Dans ce sens-là, la Déclaration universelle des droits de l’homme inclut les libertés de conscience, de pensée et de religion dans le même article (18), avec une distinction dans le texte entre religion et conviction concernant les sphères des libertés garanties (liberté de changer de religion ou de conviction ; liberté de manifester sa religion ou sa conviction), mais sans utiliser le mot "persécution". L’article 18 a représenté le modèle de codification également pour d’autres sources du droit, comme l’article 18 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966 et, au niveau européen, l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme de 1950.
  4. Sur la relation entre liberté religieuse et statut de réfugié religieux, v., par exemple, Marco Parisi, "La protezione internazionale dei rifugiati per motivi religiosi", dans Hilde Caroli Casavola (dir.), Le migrazioni e l’integrazione giuridica degli stranieri, Torino, Giappichelli, 2021, p. 86-98 ; Angelo Licastro, "La persecuzione per ragioni di fede e il riconoscimento dello status di rifugiato", dans Ordine internazionale e diritti umani, 1, 2022, p. 38-70 ; Pasquale Annicchino, "Persecuzioni religiose e diritto d’asilo nella giurisprudenza delle Corti sovranazionali europee", dans Stato, Chiese e pluralismo confessionale, Rivista telematica (www.statoechiese.it), 35, 2014, p. 1-13.
  5. Concernant la Constitution de 1946 de l’Organisation internationale pour les réfugiés, la définition du terme "réfugié" comprenait "la persécution ou la crainte fondée de persécutions du fait […] de la religion".
  6. Ad Hoc Committee on Statelessness and Related Problems, Status of refugees and stateless persons, Memorandum by Secretary-General (E/AC-32/2), 3 January 1950, p. 22.
  7. Commission des droits de l’homme, Comité de rédaction, Déclaration internationale des droits de l’homme, Première Session (E/CN. 4/AC.1/SR.13), 8 juillet 1947, p. 13.
  8. Cf. Daniele Ferrari, "Liberté de religion et liberté de conscience au prisme du droit international et européen : une perspective jurilinguistique", dans Il diritto ecclesiastico, 1-2, 2022, p. 155-198.
  9. Observations Consentant les Projets de Convention et de Protocole, Exposé présenté par l’Union Catholique Internationale de Service Social, organisation non gouvernementale entretenant des relations aux fins de consultations avec le Conseil économique et social, 9 juillet 1951.
  10. Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO), EASO Practical Guide: Qualification for International Protection. Reasons for Persecution. Religion, https://www.easo.europa.eu/practical-guide-qualification/religion.
  11. HCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, op. cit., p. 3.
  12. Ivi, p. 2.
  13. Ibid.
  14. Ibid.
  15. Cf. Daniele Ferrari, "Lo status di rifugiato religioso nelle fonti del diritto internazionale: le nuove frontiere delle libertà dello spirito", dans Stato, Chiese e pluralismo confessionale, Rivista telematica (www.statoechiese.it), 39, 2017, p. 5-7.
  16. HCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, op. cit., p. 3.
  17. Ivi, p. 4.
  18. Ibid.
  19. Sur le concept d’appartenance religieuse, v. Cesare Mirabelli, L’appartenenza confessionale, Padova, CEDAM, 1975, p. 250 et ss. ; Francis Messner, "Introduction. L’affiliation religieuse en Europe ", dans Francis Messner (dir.), L’Affiliation religieuse en Europe, Strasbourg, Presses universitaires de Strasbourg, 2017, p. 5 et ss.
  20. HCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, op. cit., p. 3.
  21. Ibid.
  22. Ibid.
  23. Ibid.
  24. Par exemple, ni l’article 9 de la Convention européenne des droits de l’homme ni l’article 18 du Pacte sur les droits civils et politiques, utilisent cette formule linguistique, se réfèrent à la liberté de religion ou de conviction.
  25. HCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, op. cit., p. 3.
  26. Ivi, p. 5.
  27. Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO), Country Guidance Afghanistan 2020, par. 2.17.4, 2020.
  28. Dans une perspective différente, Eric T. Johnson a identifié l’interprétation de cet élément dans d’autres textes juridiques. Plus précisément, selon cet auteur : "The phrase “well-founded fear” was understood by the Ad Hoc Committee on Statelessness and Related Problems (a United Nations committee) to exist when a person has actually been a victim of persecution or can show good reasons why he fears persecution. "Thus, both the applicant’s subjective state of mind and his objective environment determine whether a well-founded fear exists" ; v. Eric T. Johnson, "Religious Persecution: A Viable Basis for Seeking Refugee Status in the United States", dans Brigham Young University Law Review, 4, 1996, p. 757-786, ici p. 761.
  29. UNHCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (HCR/1P/4/FRE/REV.3), 2011, p. 11.
  30. Ibid.
  31. Ivi, p. 12.
  32. Ibid.
  33. Ibid.
  34. Ibid.
  35. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale no. 1 : La persécution liée au genre dans le cadre de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou son Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (HCR/GIP/02/01 Rev. 1), 2008, p. 7.
  36. Ibid.
  37. Ibid.
  38. Daniele Ferrari, "Lo status di rifugiato religioso nelle fonti del diritto internazionale: le nuove frontiere delle libertà dello spirito", op. cit., p. 15-22 ; Id., "Il fenomeno religioso alla frontiera della protezione internazionale", dans Gaetano Dammacco, Carmela Ventrella (dir.), Religioni, diritto e regole dell’economia, Bari, Cacucci, 2018, p. 394-395.
  39. UNHCR, Guide et principes directeurs sur les procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugiés au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, op. cit., p. 8.
  40. Ivi, p. 71 et ss.
  41. Ivi, p. 5 et ss.
  42. V. Eric T. Johnson, "Religious Persecution: A Viable Basis for Seeking Refugee Status in the United States", op. cit., p. 763-764.
  43. V. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 7.
  44. CJUE (grande chambre), 5 September 2012, aff. C-71/11 – aff. C-99/11, Bundesrepublik Deutschland v. Y, Z.
  45. Ivi, § 62.
  46. Ivi, § 63.
  47. Ivi, § 65.
  48. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 6.
  49. Ivi.
  50. CJUE (grande chambre), C-71/11 - C-99/11, Bundesrepublik Deutschland v. Y, Z, cit., § 70.
  51. Ivi, § 71.
  52. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 8-9.
  53. Plus précisément, la liberté de religion a été qualifiée par les institutions internationales et européennes comme une garantie aussi de l’athéisme ou de l’indifférentisme. Par exemple, déjà en 1960, Arcot Krishnaswami, rapporteur spécial de la Sous-Commission de la lutte contre les mesures discriminatoires et de la protection des minorités, a qualifié la religion "difficile à définir" et souligné que "l’expression “religion ou conviction” […] comprend, outre les diverses croyances religieuses, d’autres convictions comme l’agnosticisme, la libre pensée, l’athéisme et le rationalisme " (M. Arcot Krishnaswami, Étude des mesures discriminatoires dans le domaine de la liberté de religion et des pratiques religieuses (E/CN. 4/Sub.2/L.123), 15 novembre 1957, p. 1.). Trente-quatre ans plus tard, la Commission européenne des droits de l’homme a développé une garantie de la non-croyance de plus en plus intense allant jusqu’à qualifier l’athéisme d’ "une certaine conception métaphysique de l’homme, qui conditionne sa perception du monde et justifie son action" (Comm. EDH, 6 juillet 1994, Union des Athées c. France, § 79). De même, le Forum des Nations unies sur les minorités, en 2013, pour intégrer une interprétation inclusive du concept de religion n’a pas fait appel à la notion de conscience, incluant "les non-croyants, les athées ou les agnostiques" dans les religions minoritaires (Conseil des droits de l’homme, Recommandations formulées par le Forum sur les questions relatives aux minorités à sa sixième session : garantir les droits des minorités religieuses (26 et 27 novembre 2013) (A/HRC/25/66), 22 janvier 2014). Avec l’affirmation du nouveau binarisme "religion et conviction" dans le langage des institutions internationales et européennes, résumé en langue anglaise dans l’acronyme FoRB, l’Union européenne en 2013 dans les EU Guidelines on the promotion and protection of freedom of religion or belief, en rappelant l’Observation générale n° 22 du Comité des droits de l’homme des Nations unies (Comité des droits de l’homme, Observation générale no. 22 (art. 18) (CCPR/C/21/Rev. 1/Add. 4), par. 2, 27 septembre 1993), a souligné que : "The terms “belief” and “religion” are to be broadly construed and the article’s application should not be limited to traditional religions or to religions and beliefs with institutional characteristics or practices analogous to those of traditional religions" et "freedom of religion or belief protects every human being’s right to believe or to hold an atheistic or non-theistic belief, and to change religion or belief", v. EU Council, EU Guidelines on the Promotion and Protection of Freedom of Religion or Belief, par. 11 et 18, 24 June 2013. Sur la notion juridique de religion, v. Jean-Marie Woehrling, "Religion (Définition)", dans Francis Messner, Pierre-Henri Prélot, Jean-Marie Woehrling (dir.), Droit français des religions, IIe éd., Paris, Lexis Nexis, 2013, p. 615.
  54. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 9.
  55. Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 14 septembre 2017 sur le Myanmar/la Birmanie, en particulier la situation des Rohingyas (2017/2838(RSP)), 2017.
  56. V. UNHCR, Culture, context and mental health of Rohingya refugees. A review for staff in mental health and psychosocial support programmes for Rohingya refugees, 2018.
  57. Ivi, p. 16.
  58. European Asylum Support Office, Rapport d’information sur les pays d’origine, Pakistan. Panorama du pays, 2015.
  59. Comité des droits de l’homme, Observation générale n. 22 (CCPR/C/21/Rev.1/Add.4), par. 11, 27 septembre 1993, p. 4.
  60. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale no. 10 : Demandes de statut de réfugié liées au service militaire dans le contexte de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (HCR/GIP/13/10), par. 14, 3 décembre 2013, p. 5. Dans le même sens, v. aussi UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion, op. cit., p. 10.
  61. CJUE, 26 février 2015, aff. C-472/13, Andre Lawrence Shepherd c. Bundesrepublik Deutschland. V. aussi, plus récemment, sur le lien entre persécution et absence dans le droit national d’une clause qui prévoit l’objection de conscience à l’obligation de servir dans l’armée, CJUE, 19 novembre 2020, aff. C-238/19, EZ c. Bundesrepublik Deutschland.
  62. CJUE, Andre Lawrence Shepherd c. Bundesrepublik Deutschland, op. cit., § 34.

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