La construction de la catégorie de réfugié religieux : la centralité du facteur religieux entre définition et application

Quant à la construction de la catégorie de réfugié religieux, la synergie entre les Nations unies, l’Union européenne, le Conseil de l’Europe et les États membres dans le choix des modèles juridiques et des actions convergentes a permis d’instaurer une approche homogène à la définition de la protection internationale pour des raisons religieuses[1]. Cette approche a conduit à un processus de définition des critères homogènes de définition de cette protection et par voie de conséquence ces critères sont utiles à la construction de la catégorie de réfugié religieux. En effet, les critères de la religion, de la crainte bien fondée et de la persécution, dans les textes légaux concernant la protection internationale, représentent des constantes dans la définition de la protection internationale pour des raisons religieuses. Face à ces critères, apparus pour la première fois dans la définition du statut de réfugié religieux prévue à l’article 1 de la Convention de Genève de 1951, puis développés, avec une référence explicite à la Convention de Genève en tant que modèle de codification, dans les législations européenne et nationale[2], il convient d’analyser en détail ces éléments en tant que critères de construction de la catégorie de réfugié religieux. Plus précisément, en ce qui concerne la construction de la catégorie de réfugié religieux, il faut partir du constat que, de manière explicite, le texte de la Convention de Genève et des directives européennes sur l’asile fait référence au concept de religion en relation avec la peur (bien fondée) d’être persécuté. Par rapport à cette formulation, deux questions principales se posent : existe-t-il des définitions de la religion, de la peur bien fondée et de la persécution religieuse ? En retour, ces critères ont-ils des effets spécifiques sur l’application de la catégorie aux demandes d’asile fondées sur la religion ?

Pour répondre à ces questions, il convient d’analyser trois corpus : les sources du droit ; les divers documents du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (HCR), du Bureau européen d’appui pour l’asile (EASO) de l’Union européenne et du Représentant spécial du Conseil de l’Europe pour les migrations et les réfugiés ; les actes des institutions européennes et nationales. Quant aux sources, le concept de réfugié religieux trouve son origine dans la Convention de Genève de 1951 puis circule, à partir de 1999, dans le droit de l’Union européenne puis du Conseil de l’Europe. Depuis 2004, le concept en question est intégré dans les systèmes juridiques des différents États membres de l’Union par le biais de la directive 2004/83/CE. S’agissant des documents, le HCR a noté que « les demandes d’asile fondées sur la religion peuvent être parmi les plus complexes » en raison de l’absence d’une définition cohérente de la religion et de la liberté de religion en rapport avec le statut de réfugié[3]. Enfin, concernant les actes institutionnels, le Parlement européen, intervenant au moyen de diverses résolutions, sur la persécution de la minorité Rohingya au Myanmar/en Birmanie, a souligné la nécessité « de défendre le droit universel à la liberté de religion ou de conviction »[4]. En France, la Cour nationale du droit d’asile, dans son Rapport de mission en République fédérale du Nigeria, a approfondi le rôle des religions traditionnelles en tant que causes de persécution[5]. Cela se produit lorsque des personnes professant des religions monothéistes sont obligées d’abjurer ou lorsque des pratiques telles que la mutilation génitale féminine sont légitimées en tant que rites religieux traditionnels.


  1. V. Daniele Ferrari, "Lo status di rifugiato religioso nel diritto internazionale ed europeo: la sinergia tra Nazioni Unite, Unione Europea e Consiglio d’Europa" (sous presse), dans Actes de colloque V International Conference “Migrants and Refugees in the Law. Historic Evolution, Current Situation and Unsolved Questions” , p. 111-131.
  2. Kristin Henrard, "Ever-increasing Synergy Towards a Stronger Level of Minority Protection between Minority-specific Instruments", dans European Yearbook of Minority Issues, 4, 2003, p. 15-41.
  3. UNHCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Demandes d’asile fondées sur la religion au sens de l’article 1A(2) de la Convention de 1951 et/ou du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés (HCR/GIP/04/06), op. cit., p. 2.
  4. Parlement européen, Résolution du Parlement européen du 14 septembre 2017 sur le Myanmar/la Birmanie, en particulier la situation des Rohingyas (2017/2838(RSP)).
  5. Mission organisée par l’OFPRA avec la participation de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA), Rapport de mission en République fédérale du Nigeria, 2016.

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