6 Recommandations d’AcOBE pour une édition numérique universitaire ouverte

Compte tenu de la Recommandation de l’UNESCO vers une science ouverte, l’ouverture des pratiques scientifiques et éditoriales en contexte universitaire s’applique à l’ensemble des champs d’action qui lui sont relatifs. Pour une publication ouverte de livres numériques universitaires, il faut donc que les outils utilisés durant le processus soient ouverts également. Cette condition d’ouverture du flux éditorial est fondamentale dans le cadre de la science ouverte et le projet AcOBE démontre la faisabilité d’un processus de publication ouvert de part en part.

Pour démontrer cette faisabilité du processus de publication de livres numériques universitaires basé sur la logique d’ouverture, AcOBE a choisit la suite logicielle Pressbooks + hypothes.is + paged.js. Pressbooks garantit, avec l’intégration du plugiciel hypothes.is, l’effectivité et l’efficacité de la publication de livres universitaires lorsque ceux-ci sont destinés à être distribués sur le web. Dans ce cas-là, l’ensemble des huit étapes du processus de publication est pris en charge, sans exception. Résumons :

  • Rédaction scientifique individuelle ou collective à partir d’une source unique ;
  • Vérification par le biais d’hypothes.is qui garantit le blind peer review (simple ou double) et le post-publication peer review ;
  • Édition du livre validé par les pairs ;
  • Publication figée ou fluide ;
  • Diffusion des métadonnées sur la plateforme et dans les moteurs de recherche ;
  • Distribution web et au(x) format(s) de choix ;
  • Consultation du livre enrichie grâce à hypothes.is et aux contenus interactifs ;
  • Conservation des fichiers sources dans un format ouvert.

Les deuxième et troisième étapes du projet ont permis de mettre en évidence les limites de Pressbooks, notamment dans sa capacité à décliner le livre numérique au format pdf (pdf imprimeur, pdf numérique) à partir d’une solution ouverte. En effet, pour répondre à la nécessité de convertir le livre numérique au format pdf, Pressbooks a intégré nativement le logiciel PrinceXML, dont l’utilisation commerciale nécessite une licence payante à 1900$ pour les institutions universitaires. Face à ce constat, le CoPil a accepté de tester la voie intégralement ouverte, mais basée sur un outil externe à la plateforme, en préconisant paged.js.

Puisque Pressbooks permet l’exportation de livres au format html, paged.js n’a plus qu’à être appelé dans le <head> du fichier html exporté pour que la page web soit paginée au format A4. Associée d’une feuille de style css, le livre universitaire devient, comme n’importe quelle page web, personnalisable à souhait.

C’est cet apport de paged.js dans le flux éditorial papier qui a permis aux Presses de l’Université de Saint-Louis Bruxelles de publier leur monographie. Cette solution ouverte externe à Pressbooks complète ainsi le processus de publication basé sur la logique numérique ouverte. Paged.js est complémentaire à Pressbooks dans la mesure où cet outil, lui aussi ouvert, permet de publier le livre numérique au format pdf. Pour une publication au format ePub, il suffit de convertir le fichier depuis Pressbooks.

Sur la base d’une publication à source unique et de fichiers ouverts, le livre universitaire n’est plus tributaire de l’obsolescence des logiciels propriétaires qui contribuent à la disparition de publications scientifiques soi-disant devenues illisibles. En reposant sur les formats ouverts propres aux pages web (html, css, js), le livre devient théoriquement inépuisable. Couplé à l’impression à la demande, ce que les imprimeurs des presses universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles proposent déjà, le livre universitaire, par définition destiné à un marché de niche, reste disponible. Par l’apport du numérique, le livre demeure donc accessible et prolonge potentiellement une source de revenus pour les presses.

Parallèlement, en préconisant des solutions technologiques orientées pour le web, les possibilités inhérentes à la publication de livres s’élargissent et ouvrent la voie à de nouvelles façons de pratiquer l’édition et la publication universitaires, et d’exploiter les nombreux avantages offerts par le numérique. Par exemple, par son orientation pédagogique, Pressbooks est susceptible d’être utilisé par les professeur·e·s comme support de cours interactif (intégration de vidéos interactives et exercices H5P). Pressbooks n’est donc pas cantonné à une seule fonction au sein de l’université.

Pour supporter ce processus de publication ouverte, une infrastructure éditoriale en possession de moyens suffisants est recommandée. L’état de l’art montre presque univoquement la composition réduite des presses universitaires dans les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Cet état de fait limite les éditeurs et éditrices dans la voie de la science ouverte d’une part, et, d’autre part, ils et elles sont contraint·e·s de rediriger les auteurs et autrices de leur université vers l’édition privée. Cette redirection contribue a priori à la privatisation de la connaissance produite en contexte public.

Cette composition réduite des équipes éditoriales semble également justifier l’externalisation de certaines compétences, à commencer par l’impression et la publication. Or, AcOBE démontre qu’avec Pressbooks et paged.js, il est possible de publier des livres universitaires esthétiques de qualité professionnelle dans de multiples formats, sur la base des technologies du web. Dans la mesure où la maîtrise des langages de base du web (html, css, js) est une compétence minimale des métiers du web, AcOBE recommande un·e webdesigneur·euse dans l’équipe éditoriale.

En revanche, puisqu’AcOBE repose sur une solution technologique qui a dû être déployée par une informaticienne, il apparaît également essentiel que ce corps de métier fasse aussi partie de l’équipe éditoriale. AcOBE ne peut en aucun cas se passer de la maintenance de Pressbooks, sous peine de rendre la base de son processus de publication inopérante et de perdre la mainmise sur les moyens de production éditoriaux et scientifiques dans la sphère publique.

Pressbooks est une technologique facile à prendre en main, munie d’une documentation de qualité et d’une communauté pérenne et participative. Par conséquent, un·e collaborateur·trice universitaire est susceptible d’assurer cette maintenance, à hauteur d’un mi-temps, comme c’était le cas avec l’informaticienne de l’équipe AcOBE. Vu que de nombreux problèmes ont été rencontrés et solutionnés, l’apport d’un·e collaborateur·trice pour la dimension informatique du processus de publication permet d’envisager le développement de solutions face aux problèmes à résoudre (4.6).

Enfin, à côté d’un·e webdesigneur·euse, d’un·e informaticien·ne, il manque évidemment un·e éditeur·trice compétent·e et au fait des technologies numériques ouvertes d’édition et de publication de livres universitaires. Ce corps de métier est le point central de l’équipe éditoriale puisqu’il coordonne l’ensemble des dimensions et des étapes du processus de publication. L’état de l’art souligne son indispensabilité, même dans le cadre des questions juridiques. Toutefois, cette multifacétie du rôle d’éditeur n’est efficace que sur fond d’une collaboration régulière avec les autres services intrauniversitaires.

Cette équipe éditoriale composée de trois fonctions spécifiques nécessitent un modèle économique pertinent. Sans surprise, le modèle économique que recommande AcOBE doit reposer sur une pluralité des revenus.

Déjà, avec la publication à source unique basée sur des formats ouverts, l’inépuisabilité des livres universitaires est garantie. Elle contribue aux revenus issus de la vente des ouvrages.

Ensuite, la pluralité des formats d’une publication doit être tirée à l’avantage du lectorat et des presses universitaires. Ce compromis est possible avec le modèle freemium355, mis en place par OpenEdition356. Le modèle freemium permet, par exemple, l’accès ouvert du livre sur le web, mais demande une rétribution financière des lecteur·trice·s pour les versions au format pdf, ePub ou papier.

Enfin, la troisième source de revenus de l’infrastructure éditoriale doit provenir des universités elles-mêmes, conformément à la Recommandation de l’UNESCO vers une science ouverte publiée en 2021 et au Plan d’action diamant propulsé par plusieurs organisations européennes en 2022357. Aucune des presses interrogées ne survivrait sans le soutien de leur université. Les études mentionnées et discutées dans le présent rapport soulignent par ailleurs la nécessité pour les universités et leurs départements, de mutualiser leurs ressources et leurs compétences, que ce soit au niveau intra ou extra universitaire, en vue d’une amélioration des services proposés. La présence certaine dans le processus de publication des bibliothèques et des administrations de la recherche, entre autres, montre la dimension fondamentalement plurielle de l’édition universitaire. Ces organes universitaires participent à l’élaboration et à la dissémination de la science en Fédération Wallonie-Bruxelles et partout ailleurs.

Pour que cette mutualisation des ressources et des compétences advienne, AcOBE recommande, sous l’influence de l’étude de Caroline Dandurand, la composition d’un organe interuniversitaire des presses universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Pour pallier le fossé des compétences éditoriales, des discussions et échanges doivent avoir lieu à des intervalles réguliers. L’avènement et la mutation qu’a engendré le numérique dans les universités et leurs instances, couplés à la réalité économique face à laquelle les universités font face, obligent à repenser le devenir des métiers de l’édition.

C’est aussi par le biais de cet organe que nous recommandons que les récentes observations, études, rapports, etc. soient discutés. Dans ce contexte vivifiant de la science ouverte et du secteur de l’édition, nous ne pouvons que recommander aux universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles d’être au fait des dernières avancées et recommandations.

355 « Néologisme né de la contraction de “free” et “preemium” qui consiste à diffuser une publication en accès ouvert et à commercialiser des fonctionnalités ou des services supplémentaires (téléchargement, autre format…) ». Dandurand, op. cit., p. 8.
356 https://www.openedition.org/14043
357 Action Plan for Diamond Open Acces, 2022, https://zenodo.org/records/6282403.

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Rapport final du projet Droit d'auteur © 2023 par Jason Dufrasne est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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