3 Recherche, installation, analyse et test de solutions technologiques ouvertes pour l’édition et la publication de livres numériques universitaires

Enjeux technologiques en contexte d’édition numérique universitaire

Avant d’entrer dans les considérations de l’étape 2, nous entamerons ce deuxième moment du rapport en réfléchissant les enjeux technologiques en contexte d’édition numérique universitaire. Les questions du numérique, des formats de fichier et des logiciels seront abordées, servant d’introduction à l’étape 2.

Comme nous l’avons souligné lors du point traitant de l’édition numérique ouverte universitaire (2.2) :

« Éditer un contenu ne signifie pas seulement le choisir, le légitimer et le diffuser, mais aussi lui donner son sens propre en l’insérant dans un contexte technique précis, en le reliant à d’autres contenus, en le rendant visible grâce à son indexation, à son référencement, etc. »212

Le passage de l’édition imprimée à l’édition numérique a des implications techniques213. Il ne s’agit pas uniquement d’un changement de support où le contenu est transféré sans aucune altération214. Ce nouveau contexte technique impacte tous les acteurs du monde éditorial215. Cela nécessite donc que nous nous y attardions. D’une part, parce qu’il y a la volonté manifeste de la FWB, à travers AcOBE, de proposer une alternative ouverte au processus de publication. D’autre part, parce que le contexte de l’édition numérique amène une série d’interrogations que l’édition imprimée ne s’est pas encore posée.

Dans ce nouveau paradigme, Benoît Epron et Marcello Vitali-Rosati nous sont d’une aide précieuse :

« chaque format et chaque logiciel portent une idée particulière de ce que signifie “écrire” et “publier” »216.

Cette reconsidération commence par les formats de fichier informatique217. Un format de fichier est une série de données numériques (contenu) stockées au sein d’un fichier (contenant), fichier qui est régit par une certaine convention. Cette convention au format qui régit la structuration les données numérique d’un fichier. Parfois, cette convention est normalisée218, à l’image des formats html ou css normalisés par le World Wide Consortium (W3C).

Par la suite, le fichier enregistré dans un format spécifique est susceptible d’être consulté par un logiciel. Ainsi, un format de fichier est ouvert lorsque la spécification (ou convention) est accessible par tous. À l’inverse, il est fermé, si la spécificité du fichier est opaque ou secrète, c’est-à-dire accessible par un logiciel que lui seul peut exploiter219. Plus le logiciel est fermé, moins les transferts et échanges entre deux logiciels distincts sont possibles. L’enjeu d’ouverture dans le contexte logiciel est synonyme d’enjeu de la partageabilité, donc par la même occasion de la visibilité.

À lui seul, le format de fichier pose plusieurs interrogations, que nos auteurs mettent en évidence :

« Lorsque l’on considère les formats de fichiers, il faut le faire sous le triple angle de leurs limites techniques — donc des contraintes qu’ils font peser sur les productions intellectuelles —, de leur degré d’ouverture et de leur statut de standard. »220

Ces trois critères serviront de balises pour toute cette partie. Dans le cadre de la science ouverte, il apparaît évident que l’écriture scientifique doit respecter des standards ouverts221. À titre d’exemple, le format de fichiers docx suscitent de nombreux problèmes, au point d’amener avec lui un enjeu d’ordre épistémologique. Vitali-Rosati souligne le manque de discussions sur la question des formats de fichier de la part du monde scientifique, alors que le logiciel propriétaire Microsoft Word connaît une présence incontestable dans la rédaction scientifique222.

Word, comme tout autre logiciel de traitement de texte, qu’il soit propriétaire ou open source, cadre l’écriture, rendant possible (ou non) toute une série d’actions et de pratiques. En d’autres termes, les contraintes techniques pèsent sur la production scientifique. C’est par exemple sur la base de cet état de fait que Franck Frommer critique le logiciel PowerPoint223. De la même façon qu’il existe une « pensée PowerPoint », Julien Dehut pose l’hypothèse d’une « pensée traitement de texte »224.

Outre le format ouvert docx225, Word s’est popularisée sur la base du paradigme de la page A4. Ce paradigme, à l’ère du numérique, perd de sa pertinence. Le format A4 de la production scientifique n’a de sens que pour sa déclinaison imprimée. Par la même occasion, une critique similaire peut être formulée pour le format pdf.

Ainsi, du poids du format, nous en arrivons au point du logiciel dans le processus de publication. Il y a donc lieu de « repenser les chaînes de publication »226. L’enjeu est aussi épistémologique dans la mesure où les logiciels qui contribuent à l’élaboration du savoir influencent les conditions d’élaboration de celui-ci. Au minimum, le moment pré-publication est concerné.

En dernier point, à côté des contraintes et des enjeux technologiques de l’édition numérique universitaire soulevées ainsi que de l’appel à l’ouverture des pratiques scientifiques et éditoriales, une série de besoins liées à l’écriture scientifique et à la publication227 doivent être mentionnés. Ils seront pris en compte lors de l’étape 2.

  • Matériel critique (notes de bas de page, citations, images…) ;
  • Métadonnées ;
  • Structuration du contenu selon un schéma et un format ;
  • Données bibliographiques ;
  • Évaluation par les pairs ;
  • Formats spécifiques (article, livre…).

Ces exigences propres à l’écriture scientifique concernent l’ensemble des champs disciplinaires, autant les STM que les SHS. Selon les cultures éditoriales, ces règles liées à l’écriture scientifique sont prises en charge par l’auteur ou par l’éditeur. Par exemple, avec le logiciel expérimental Stylo, c’est l’auteur qui s’occupe de toutes ces exigences, hormis l’évaluation par les pairs qui est organisée par l’éditeur. Dans d’autres cas, il se peut que les métadonnées et la structuration du contenu soient à la charge de l’éditeur. Dans le cas d’AcOBE, en tout cas pour les presses universitaires qui préconisent la méthodologie Métopes, la structuration du contenu et les métadonnées sont prises en charge par des prestataires externes.

En définitive, les possibilités techniques et technologiques que le numérique offre doivent contribuer à une édition universitaire d’ouvrages basée sur le critère d’efficacité, sur les règles d’écriture scientifique, sur la plus-value éditoriale, et ultimement, pour AcOBE, sur le principe d’ouverture (principe qui s’applique à l’ensemble du processus de publication, outils compris). Dans le cadre du numérique ouvert, cette efficacité repose sur l’optimisation globale des étapes du flux éditorial, car le numérique est aussi un facilitateur du processus de publication228.

Le numérique offre des solutions pour l’ensemble du processus éditorial des presses universitaires, et permet, avec Internet, l’interaction, le partage et la co-construction d’ouvrages universitaires de qualité. Dans le cas du livre distribué sur le web, des documents sonores, visuels ou audiovisuels, ainsi que des exercices pédagogiques peuvent être intégrés. Une fois distribué sur le web, le livre universitaire repose donc sur une écriture nativement multimédia, poussant alors la plus-value du numérique un cran plus loin.

Ce sont finalement les logiques de continuité et d’organisation qui s’instaurent et s’installent grâce au numérique. C’est aussi ouvrir la voie à l’automatisation de certaines tâches du processus éditorial. L’état de l’art des pratiques éditoriales le montre : le temps pour l’accompagnement éditorial est réduit face à la composition réduite des équipes éditoriales et compte tenu des nombreux enjeux posés par le numérique. Le numérique est donc à la fois propice à la réflexion, et surtout un lieu où de nouvelles solutions peuvent advenir afin d’offrir aux éditeurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles des possibilités techniques ouvertes solides, durables, efficaces et soutenues par la sphère publique.

Déjà, parce que le but visé dans cette étude est de trouver un équilibre entre ce que la machine prend en charge et les actions que l’éditeur doit effectuer. Le moment technologique qui suit nous permettra d’atteindre cet équilibre. Ensuite, parce que la complexification de l’édition à l’ère du numérique est issue d’« évolutions rapides et assez éloignées des fondements de l’édition traditionnelle [qui] ont provoqué des tensions dans la profession, créant des déficits de compétence et des difficultés d’adaptation »229. Il faut donc contribuer à faciliter les solutions éditoriales et technologiques, en garantissant leur ouverture, et ce, dans le but de les discuter, de les améliorer, et ainsi de soutenir le devenir de la science et de l’édition universitaire face à ces multiples soubresauts.

L’étape 2 qui suit est une tentative de réponse à ce changement de paradigme de l’édition ouverte, tributaire du contexte universitaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

20 technologies qui n’ont pas été retenues

C’est sur la base des résultats de l’état de l’art des pratiques éditoriales dans les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles et des enjeux liés à la science ouverte que la recherche de plusieurs solutions technologiques ouvertes pour le projet AcOBE a été menée. Le chargé de mission et l’informaticienne ont recherché, installé, analysé et testé vingt-trois solutions technologiques potentiellement capable d’assurer l’édition et la publication de livres universitaires230. Entre le 15 mai et le 3 octobre, l’équipe AcOBE s’est réunie pas moins de huit fois. Le 3 octobre a eu lieu la troisième réunion du Comité de pilotage. Date où le chargé de mission a présenté aux membres du CoPil les résultats de l’étape 2. Cette réunion et les choix qui ont été effectués marquent la fin de l’étape 2. Cette partie traduit donc le moment technologique d’AcOBE.

Critères disqualifiants

20 technologies des 23 trouvées n’ont pas été retenues : Bookdown, Bookstack, Booksflow, Booktype, Electric Book, Fulcrum, Gitbook, Magicbook, Manifold, Murkutu, OVIDE, Omeka, Pollen, PubPub, Publisso, Quire, Scalar, SILE, TEI-Publisher et Typemill. Sur la base des critères fondamentaux et des besoins exprimés par les presses universitaires, un argumentaire a été élaboré, afin d’évaluer objectivement ces vingt-trois solutions technologiques. Ces quatre arguments sont énumérés et discutés plus bas.

Ces critères disqualifiants reposent d’une part sur les critères fondamentaux dans l’édition universitaire ouverte, et, d’autre part, sur les attentes technologiques des presses universitaires belges francophones. Ils ne sont pas exclusivement réservés aux vingt technologies qui n’ont pas été retenues. En effet, comme nous le verrons ultérieurement, le quatrième argument231 peut par exemple servir de critère disqualifiant l’une des 3 technologies retenues pour l’étape 2.

En tout cas, le critère fondamental et indiscutable est évidemment l’ouverture de la technologie. C’est sur la base de ce critère que tous les autres sont agencés.

Les principes de la science ouverte ne sont pas respectés

Notre discussion sur la science ouverte a montré toute la nécessité d’ouvrir la science au plus grand nombre. La science ouverte ne se limite pas qu’aux publications, elle porte aussi sur l’ouverture des données de recherche, des ressources éducatives, au matériel, mais aussi aux logiciels ou encore aux codes sources de ceux-ci. Malgré cette recommandation internationale, à plusieurs reprises, l’équipe AcOBE a été témoin de technologies ouvertes qui sont soumises à une licence très restrictive. Cette restriction empêche une utilisation libre et créative par les développeur·euse·s désireux·euse de l’intégrer et de contribuer à tout éventuel développement. Dans d’autres cas, la technologie repose sur une logique de plateforme qui, une fois certaines conditions atteintes, une rétribution financière est exigée à l’utilisateur·trice. Ces deux cas de figure disqualifient, dans notre étude seulement, la technologie, dans la mesure où elle prive l’utilisateur·trice novice ou expérimenté d’utiliser toutes les fonctionnalités disponibles. Dans le cadre du projet AcOBE, l’ouverture du processus de publication ne peut être temporaire, elle doit concerner l’ensemble du processus.

Les spécificités du processus de publication ne sont pas intégrées

Nombreuses sont les technologies qui offrent une solution pour éditer des livres sans prendre en charge la multiplicité des points de vue ou les différentes étapes spécifiques au processus éditorial. De manière récurrente, sans forcément que cela soit une constante, les technologies dites « techniques », c’est-à-dire une technologie qui requiert l’apprentissage d’un langage de balisage pour être utilisée efficacement, omettent certaines étapes de l’édition du livre, notamment celle de la publication232.

Or, l’une des conditions du livre universitaire répétés maintes fois par les éditeurs de la Fédération Wallonie-Bruxelles est sa qualité esthétique. La qualité professionnelle d’un livre universitaire repose en partie sur la dimension esthétique. Cette composante ne peut donc pas être mise de côté dans l’analyse.

L’éditeur·trice n’est pas une informaticien·nne

Il est important de rappeler et d’insister sur le fait que l’éditeur·trice n’est pas un·e informaticien·ne. Il n’apparaît dès lors pas raisonnable de leur suggérer d’apprendre à nouveau langage informatique pour répondre à leurs besoins éditoriaux233. Toutefois, proposer une piste de ce type pour l’étape de publication du livre n’est pas problématique, dans la mesure où elle est externalisée pour la quasi majorité des presses universitaires. Nous y reviendrons.

Technologie non-maintenue ou communauté très faible

Il n’est pas rare de voir des technologies dont le code source est ouvert, mais qui pourtant ne sont aujourd’hui plus mises à jour. Par conséquent, même si elles demeureraient pertinentes pour notre étude, elles exigeraient, une fois choisies, d’être développées et maintenues en fonction des critères posés dans le cadre du projet. Situation qui contredirait la logique d’intégration sur laquelle AcOBE repose. Par ailleurs, un cas de figure connexe, est celui d’une faible communauté autour de la technologie. Quelques technologies sont développées de façon isolée, ce qui limite leur développement, leur évolution, mais aussi leur capacité à répondre à la majorité des besoins formulés par les presses universitaires. La présence d’une communauté active autour d’une solution technologique est un critère déterminant, car elle contribue de façon non-négligeable à son développement et à son amélioration. Pressbooks en est un exemple concordant.

Vous trouverez ci-dessous le tableau récapitulatif des technologies non-retenues et de leur positionnement par rapport à l’argumentation élaboré sur la base des critères fondamentaux. Elles apparaissent par ordre alphabétique.

Récapitulatif des technologies non-retenues

TABLE 6: Tableau récapitulatif des technologies non-retenues par AcOBE

Quelques précisions avant toute discussion :

L’objectif n’est pas d’établir un catalogage des solutions technologiques ouvertes disponibles pour l’édition de livres234, ni de toutes les analyser in extenso. Nous avons choisi plusieurs critères propres aux spécificités du projet AcOBE. Ces critères ont permis d’élaborer ce tableau synoptique et de mettre de côté une série de solutions qui ont été jugées inadéquates pour les fonctions requises.

À côté du nom de la technologie, apparait le logo de la plateforme d’hébergement et de gestion de développement de logiciels Github (image). Cette icône est lié à un lien hypertexte redirigeant vers le code source de la technologie. Si l’icône n’apparaît pas, cela signifie que le code source est fermé au public. La présence majoritaire de Github comme service d’hébergement ouvert des codes sources des solutions technologiques montre sa position hégémonique, et ce, même s’il est sous l’égide de Microsoft depuis 2018235.

L’astérisque à côté de Fulcrum indique que le code source n’est pas celui de Fulcrum, mais de la technologie de base, à savoir Héliotrope. Pour accéder à Fulcrum, il faut passer par le site web de la plateforme236 et prendre contact avec l’équipe.

Discussion

7 licences différentes sont recensées (AGPL 3.0, GPL 3.0, MIT, Apache 2.0, BSD 3-Clause, ECL 2.0, Copyright). Six d’entre elles sont des licences libres. Un seul des outils retenus est soumis au copyright, alors même qu’il prétend offrir à « 100% de l’Open Science  ». Il y a là une prétention à offrir en bout de chaîne des solutions ouvertes, mais pas dès le départ. Elles sont par conséquent disqualifiées pour l’étape suivante car, nous l’avons dit, l’ouverture s’instaure au début du processus éditorial.

Les deux critères qui ont disqualifié le plus de solutions sont celui de la publication et de la facilité d’utilisation. La plupart de ces technologies négligent l’aspect de publication du livre en n’offrant pas de possibilité pour la création de pdf destiné à l’impression papier. Même si le numérique pénètre un peu plus chaque jour notre quotidien, l’un des aspects fondamentaux du livre pour les presses universitaires, est sa mise en forme. Or, même si l’étape de publication est prise en charge par ces vingt outils, ceux-ci rendent cette possibilité effective qu’à travers l’apprentissage d’un nouveau langage informatique237. Dans d’autres cas, même si la solution repose sur un système de gestion de contenu, la possibilité de produire un « pdf impression » n’est pas possible (Murkutu et Omeka, par exemple).

Les solutions technologiques qui valorisent le critère de la facilité (autrement dit, de non-technicité) s’inscrivent majoritairement dans la logique « presse-bouton »238 (« push button » en anglais) des systèmes de gestion de contenu (content management system en anglais). L’exemple par excellence de ce type de système est WordPress, solution libre et ouverte239. L’avantage de cette technologie est qu’elle peut répondre à de nombreuses problèmes tout en étant relativement facile à prendre en main, en plus d’offrir une visualisation importante des modifications effectuées par les utilisateurs. Cette solution ne rentre pas dans les critères de la sobriété numérique, mais sa popularité n’est plus à démontrer. Comme nous l’avons souligné, le fait qu’une communauté importante participe au développement d’une solution technologique est un point très important pour sa durabilité. Pourtant, seule Pressbooks (point suivant) repose sur cette technologie. Nous retrouvons tout de même un système du même type, Drupal, lui aussi open source240, pour Publisso.

Le critère de collaboration a permis la mise de côté de plusieurs technologies. À de nombreuses reprises, cette mise de côté est justifiée par le fait que ces technologies reposent sur la pratique d’un langage informatique au sein de fichiers locaux qui ne peuvent pas être modifiés par d’autres personnes, si ce n’est en les partageant dans un cloud commun, par exemple241. De surcroît, cette solution technologique est problématique dans la mesure où elle n’intègre pas la pluralité des points de vue. Chaque participant doit s’accorder autour d’un même environnement logiciel, une même pratique ainsi qu’une même forme d’écriture (ou langage), éléments qui ne sont pas maîtrisés par les presses universitaires de la FWB.

Il apparaîtrait, enfin, qu’une minorité importante d’universités ont investis la question de l’édition de livres universitaires avec une solution technologique ouverte. La recherche en montre 5, majoritairement américaine, même si nous retrouvons Sciences Po Paris avec le projet expérimental OVIDE.

Trois technologies testées et analysées

Après cette mise à l’écart successive d’une série de technologies pour la plus grande part ouvertes, trois technologies ouvertes d’édition et de publication de livres universitaires ont été retenues lors de l’étape 1. Elles ont été testées et analysées de bout en bout par l’équipe AcOBE durant l’étape 2. Après une présentation de ces trois technologies, viendra un tableau comparatif, puis la justification de la suite logicielle choisie par le Comité de pilotage.

Comme nous en sommes témoin avec l’état de l’art effectué en première étape, la réalité technologie des presses universitaires est marquée par la présence de plusieurs outils numériques payants et propriétaires, dont Microsoft Word et Adobe InDesign sont les figures de proue. L’édition en Belgique francophone, comme en Belgique néerlandophone, repose sur cette méthode traditionnelle. Les multiples rencontres avec des acteurs étrangers issus du monde éditorial et scientifique confirment cette pratique. Par conséquent, changer cette méthodologie à tout prix n’est ni raisonnable ni envisageable. Il apparaît en ce sens important de considérer les formats de fichier liés à ces logiciels, d’envisager des transferts possibles entre ces logiciels propriétaires et les solutions ouvertes. Cette considération sera présente en arrière-fond de l’analyse qui suit.

Vous trouverez dans les pages qui suivent les trois technologies testées et analysées. À la fin de chaque chapitre, un récapitulatif des informations et liens essentiels liés à la technologie est proposée.

Open Monograph Press

Open Monograph Press (communément dénommé « OMP ») est surtout connu pour être le versant livre de la plateforme open source pour la gestion de revues universitaires à comité de lecture OJS (Open Journal Systems) développée par l’organisation canadienne Public Knowledge Project. De par sa popularité et son développement en parallèle avec OJS, OMP est apparu comme un candidat sérieux pour répondre à l’objectif d’AcOBE.

Logiciel open source destiné à la publication d’ouvrages universitaires en ligne, OMP répond à une majorité des problèmes éditoriaux posés par AcOBE. Mais, pas tous. Les étapes de vérification, de diffusion, de distribution, de consultation et de conservation sont pris en charge, les étapes de rédaction, d’édition et de publication, ne le sont pas. Ces « lacunes » obligent l’utilisateur à trouver d’autres solutions ouvertes, au minimum deux. Une pour la rédaction et l’édition, une autre pour la mise en page. Dans l’état actuel, il apparaît qu’OMP sert davantage de solution complémentaire à la méthode traditionnelle, plutôt que d’offrir une solution ouverte et alternative à la méthodologie actuelle.

Le point fort d’OMP est son excellent système de soumission et d’approbation. Un suivi tracé des activités liées au peer reviewing est prévu242. Il n’est toutefois pas possible de commenter ou d’annoter le contenu via la plateforme. Une sérieuse prise en charge des métadonnées du livre distribué et une exportation de ces métadonnées au format xml (selon le schéma ONIX) est proposée. L’enjeu de la visibilité dans les moteurs de recherche et dans les bases de données est donc pris en charge.

Autre point fort, celui d’être entouré d’une communauté d’initié·e·s très importante. Elle participe grandement à l’amélioration du logiciel, au point de développer des modules complémentaires243. La longévité de la maison mère (1998) et l’ancienneté d’OMP (2011) montrent une solidité certaine244.

Cette solution intègre naturellement plusieurs presses, c’est-à-dire que chaque presse est susceptible d’avoir un espace dédié et personnalisé pour ses activités éditoriales et pour distribuer ses livres. En plus de cette diversité native des presses, plusieurs rôles peuvent être assignés par l’éditeur et/ou l’administrateur aux utilisateurs inscrits sur la plateforme245.

Notons également que la plateforme est nativement anglophone. Même si une traduction française est prévue, celle-ci reste toutefois insuffisante. Nombreux sont les éléments du site qui ne sont pas traduit, ou pire, qui ont gardé le label indiqué dans le code, engendrant une confusion pour l’éditeur non-averti. Il est donc nécessaire de modifier les fichiers du système pour résoudre ce problème. Globalement, l’interface interne est quelque peu abrupte et non-intuitive pour l’utilisateur·trice inexpérimenté·e. Cet état de fait a d’ailleurs poussé PKP à recruter un développeur front-end pour améliorer l’accessibilité et l’interface utilisateur246.

Le point faible est la non-prise en charge d’une série d’étapes cruciales du processus éditorial envisagé par AcOBE. Nous ajouterons également le fait que le développement d’OMP est tributaire pour une part essentielle au développement d’OJS. OMP n’est donc pas un produit à part entière, car son évolution repose en grande partie sur l’évolution d’OJS et vice-versa.

Autre point faible : l’interface interne d’OMP ressemble fortement à celle d’OJS, ce qui en fait tout autant sa force que sa faiblesse. Cela se cristallise dans le processus du peer reviewing. En effet, l’espace dédié à la révision des livres amène une dimension chronophage. Or, le processus d’élaboration d’un livre est déjà chronophage en tant que tel, au point de parfois durer jusqu’à plusieurs mois, voire années. Avec le processus envisagé par OMP, ce défaut est accentué, en plus d’une interface qui laisse peu de place à la dimension relationnelle entre l’éditeur et l’auteur. Cet aspect interpersonnel faisant défault, couplé à une série de besoins propres à AcOBE qui ne sont pas pris en charge, OMP n’a pu être choisi pour les dernières étapes du projet AcOBE.

OMP reste néanmoins une solution à surveiller. OMP est un excellent outil pour le peer reviewing, la diffusion et la distribution de publications scientifiques produits en dehors de la plateforme. Depuis 1998, PKP cherche à offrir des solutions et des fonctionnalités supplémentaires pour ses plateformes dédiés aux livres et revues numériques universitaires247. Par exemple, la mise jour 3.5 d’OMP permet à présent la distribution web des livres. Couplé à hypothes.is, l’étape de consultation devient possible, renforçant la pertinence de cet outil. Enfin, lors d’un webinaire organisé en août 2023, l’équipe PKP a annoncé que les prochaines versions de ses outils tiendront compte des open data248.

Informations principales :

Nom : Open Monograph Press

Acronyme : OMP

Société : Public Knowledge Project de la Simon Fraser University (Colombie-Britannique, Canada)

Année de création : 2011249

Site web : https://pkp.sfu.ca/software/omp/

Espace d’échange : https://forum.pkp.sfu.ca/

Médias : Facebook, Twitter LinkedIn, YouTube

Feuille de route : https://github.com/orgs/pkp/projects/32 (l’ancienne feuille de route était sur GoogleDocs)

Documentation : https://docs.pkp.sfu.ca/#appomp3

Source du logiciel : https://github.com/pkp/omp

Licence : GNU

Démo : https://demo.publicknowledgeproject.org/omp3/demo/index.php/aup-demo

Partenariat : La bibliothèque de l’Université de la Colombie-Britannique, l’Université de Pittsburgh (USA), Le Conseil des bibliothèques universitaires de l’Ontario et l’École supérieure d’éducation de Stanford

Exemples d’utilisateur : OPUS de l’Université Paris-Cité (combiné avec OJS), Heidelberg University Publishing (combiné avec OJS), University of Warwick Press, European Solar Network ou encore la CRIM de l’Université Nationale Autonome du Mexique

Ketida

Ketida (anciennement Editoria) est un logiciel open source de publication de livres développée par la fondation Coko. Depuis 2015, Coko développe de nombreux outils ouverts250 pour la rédaction, l’édition, la publication et la distribution de contenus scientifiques, que ce soit pour le périodique ou le livre. En mars 2023, Ketida a reçu un financement de $595.000 par la Mellon Foundation pour continuer son développement et reconstruire sa communauté251. Il s’agit du cinquième financement de la part de la fondation Mellon pour Ketida252.

La fondation Coko cherche à trouver des solutions pour pallier la dépendance des auteurs et des éditeurs aux logiciels propriétaires253. Toutefois, à l’image de l’esprit du projet AcOBE, Coko ne semble pas avoir la volonté de faire chemin à part par rapport aux pratiques d’édition et de publication des textes scientifiques. Elle vise plutôt à trouver des solutions supplémentaires et complémentaires afin de permettre le passage d’une logique à une autre254. La fondation cherche également à simplifier certaines étapes du processus éditorial tout en garantissant une mise en page de qualité professionnelle, via leur outil paged.js.

C’est dans ce cadre que le fondateur Adam Hyde réfléchit la question du single source publishing255. Ketida repose totalement sur cette logique256. Cet enjeu de la publication à source unique s’inscrit plus globalement dans l’utilisation des technologies du web, dont certains membres de Coko démontrent toute la pertinence de cette pratique. En effet, le premier livre multiformat du musée du Louvre est une concrétisation de cette approche257.

Comme Open Monograph Press, Ketida est lié à plusieurs solutions logicielles258. Toutefois, à la différence d’OMP, Ketida est un outil à part entière, dont l’évolution n’est pas purement et simplement tributaire de celle d’un autre logiciel. Ketida demeure singulier, à ses objectifs, son propre développement, tout en reposant sur plusieurs outils destinés à des fonctionnalités spécifiques. Par exemple, pour la rédaction, la vérification et l’édition, Ketida repose sur le framework ouvert de traitement de texte Wax259. D’un noyau propre, sont implémentés des outils ouverts, développés par Coko, de façon autonome ou dans le cadre d’un partenariat avec des entreprises commerciales260. Ces partenariats permettent à Coko de récupérer une partie des codes sources utilisées pour le développement de technologies pour leurs partenaires et de les réutiliser pour leurs propres outils, à l’image de Ketida, et ainsi répondre à leurs propres objectifs. L’ouverture de Ketida, et plus globalement de Coko, repose alors sur des compromis.

Au regard du processus éditorial, la solution Ketida à elle seule ne répond pas à toutes les étapes. Là où la rédaction, la vérification, l’édition et la publication sont des étapes prises en charge, des lacunes au niveau de la diffusion, et le manquement de la prise en charge des étapes de distribution et de consultation sont à déplorer. Nous l’avons dit, Ketida s’inscrit dans une logique d’intégration forte. Pour répondre à ces enjeux de post-publication, Ketida s’est équipé de Flax261, un système de gestion de contenu ouvert et développé par Coko. Même si Flax a déjà fait ses preuves avec la récente publication multiformat de Louvre Éditions262, aucune publication de Flax combiné avec Ketida n’a été recensée à ce jour. Seuls des retours d’expérience avec Ketida ont été publiés263.

Pour l’étape de publication (mise en page et production d’un fichier pdf numérique et papier), Ketida repose sur paged.js. Basé sur paged.js, Ketida met en page le contenu via une feuille de style en cascade. À la différence de PrinceXML de Pressbooks, paged.js permet de prévisualiser en direct les modifications effectuées au fichier source dans lequel le contenu se trouve. À ce titre, Ketida de Coko Foundation est la solution la plus ouverte et la plus originale. Ouverte, car les fichiers sources sont aux formats html et css. Originale, car comme d’autres solutions de publication assistée par ordinateur, il est possible de visualiser directement les modifications apportées à la mise en forme de notre document.

Il y a cependant un manque d’une documentation fine264, une communauté, nous l’avons énoncé, qui en appelle à être reconstituée, et enfin, une complexité technique soulignée maintes fois par l’informaticienne du projet AcOBE. Plusieurs contacts ont d’ailleurs été effectués avec l’équipe de développement de Ketida dans le but de trouver une solution dans l’installation de Ketida, combiné à Flax, sur le serveur de test. Aucune solution n’a malheureusement été trouvée, car selon le développeur en charge, Ketida n’as pas encore été configuré pour être déployé sur un serveur. Son usage est dans un premier temps voué à être local. De fait, pour profiter de la technologie Ketida d’un point de vue global, il faut nécessairement s’en remettre à un prestataire externe, Cloud68.co, qui s’occupera d’installer et de maintenir la technologie. Cette démarche nous fait sortir de l’esprit d’ouverture de départ.

Quoi qu’il en soit, pour réaliser les différents tests, le chargé de mission a pris contact avec l’un des partenaires actuels de Coko, Nvcleus de la société indienne Amnet Solutions265. Les tests ont révélé toute la pertinence de Ketida dans sa capacité à produire des pdf de qualité professionnelle. Par conséquent, Ketida est, en l’état actuel, une solution technologique pour la publication de livre numérique et papier de qualité professionnelle.

Le défaut actuel est de ne proposer que ce versant, et non la distribution web, à l’image d’OMP ou de Pressbooks. In fine, en l’état, Ketida ne peut pas encore être envisagée en production. Cette technologie est encore inachevée, mais il ne manque que quelques avancées avant de changer définitivement le paysage et les moyens nécessaires à la publication universitaire ouverte.

Informations principales :

Nom : Ketida (anciennement Editoria)

Société : Coko Foundation

Année de création : 2015

Site web : https://ketida.community/

Espace d’échange : Canal Ketida sur Mattermost

Médias : Twitter266, LinkedIn267, Vimeo

Feuille de route : https://miro.com/app/board/uXjVP89vFkc=/

Documentation : https://ketida.community/docs/. La documentation pour la version 2 est en cours d’élaboration

Source du logiciel : https://gitlab.coko.foundation/ketida/ketida

Licence : MIT

Financement : Depuis 2015, plusieurs financements successifs ont été octroyés par l’Andrew Mellon Foundation268. Les personnes intéressées peuvent aussi effectuer une donation directement à la fondation Coko. Enfin, Coko réalise des commandes pour des entreprises privées liées au domaine de la publication

Démo : Sur demande uniquement. Une présentation de la première version de Ketida a été effectuée par la cheffe de projet, Christina Tromp, lors d’un événement organisé par Open Education Network en mai 2023 : https://www.youtube.com/watch?v=GpdQfAf1gtQ

Partenariat : University of California Press, California Digital Library, Open Education Network

Exemples d’utilisateur : University of California Press, ATLA Press, punctum books, M Publishing, UNC Press/Longleaf Services, BookSprints.

Pressbooks

Pressbooks est un système de publication open source spécialement conçu pour la distribution de livres et de ressources éducatives. Cette technologie anglophone est basée sur le système de gestion de contenu WordPress269 (une solution, nous l’avons dit, libre, open source, mais pas la plus sobre). C’est la solution que privilégie actuellement ULiège Library depuis 2019 pour publier des ouvrages universitaires en libre accès sur e-publish270. Elle est aussi privilégiée par l’UCLouvain pour la publication de rapports relatifs à la science ouverte271. Développée par l’entreprise canadienne Book Oven depuis 2011 en version payante, l’initiative est aujourd’hui également disponible gratuitement et librement en open source. Son catalogue contient 5983 livres en libre accès publiés par plus de cent soixante instances, principalement universitaires et majoritairement nord-américaines272.

Comme avec OMP-PKP, Pressbooks est entourée d’une communauté active et pérenne. Par exemple, une visioconférence est organisée chaque mois entre des membres de l’équipe Pressbooks et ses utilisateurs·trice·s, afin de présenter les dernières nouveautés. À chaque réunion, une place importante est laissée aux questions et à la discussion. Ces réunions sont ensuite retransmises sur leur chaîne YouTube. Comme PKP, des webinaires destinés aux utilisateur·trice·s sont organisés chaque mois273 pour les aider à se familiariser avec certaines fonctionnalités.

La documentation est accessible et d’excellente qualité, le logiciel est facile à installer ainsi qu’à maintenir274. Toutefois, compte tenu du fait que Pressbooks repose sur la technologie WordPress, la maintenance est double : WordPress doit être parallèlement maintenu pour que ce dernier puisse fonctionner sans problème. Par ailleurs, cette logique d’intégration, c’est-à-dire que Pressbooks repose sur WordPress pour fonctionner, permet à Pressbooks de proposer une série de plugiciels essentiels aux besoins des éditeurs universitaires. Par exemple, hypothes.is pour l’étape de vérification et de consultation, QuickLaTeX275 pour l’intégration des formules mathématiques et de logiques, ou encore H5p pour l’ajout d’exercices interactifs dans le livre lorsqu’il est distribué numériquement. Cette logique d’intégration reste néanmoins limitée par ce que Pressbooks autorise276.

Au regard du processus éditorial, Pressbooks coche quasiment toutes les cases. Avec les plugiciels adéquats, toutes les étapes du processus éditorial d’un livre numérique sont pris en charge. La plateforme fait cependant défaut quand il s’agit de distribuer le livre au format pdf. En effet, inscrite dans une logique d’intégration, Pressbooks a intégré l’outil PrinceXML pour la publication et la distribution au format pdf. Le désavantage de PrinceXML est que la publication destinée à un usage commerciale est soumise à une condition : l’achat d’une licence. L’ouverture de Pressbooks est donc relative lorsque la distribution pdf du livre est prise en compte. Pour que la solution Pressbooks soit intégralement ouverte, il est dès lors nécessaire d’implémenter au sein même de la plateforme (ou du moins, dans le processus éditorial) une autre technologie ouverte, pour ainsi compléter de bout en bout le processus éditorial d’un livre universitaire, de l’édition à la conservation, au format électronique et au format papier.

Hormis cet aspect contraignant, le fait de reposer sur système de gestion de contenu permet au plus grand nombre d’intuitivement prendre en main l’outil. Après tout, WordPress représenterait à lui seul quasiment 50% des sites web dans le monde277. Pressbooks offre une facilité d’utilisation a priori inégalable, tout en remplissant la majorité des étapes de publication d’un livre.

De surcroît, il permet aux éditeurs de choisir sous quelle licence Creative Commons le livre est soumis278 et d’assigner une série de métadonnées (auteur, traducteur, éditeur, institution, date de publication, etc.). Métadonnées qui seront prises en compte lors de l’exportation au format xml et de l’indexation des contenus par les robot des moteurs de recherche279. Configuré pour tenir compte des interactions avec des agents et services extérieurs, Pressbooks est donc garant de la diffusion des métadonnées280 et de la visibilité du site et des livres qui y sont publiés.

Plusieurs rôles sont par ailleurs susceptibles d’être attribués aux utilisateurs281. La plateforme offre également un espace suffisant pour la diversité des presses universitaires, même si le gestionnaire de la plateforme doit ajouter des pages propres pour leurs octroyer cette visibilité supplémentaire. Cette possibilité permet aussi d’ajouter une page pour la soumission d’un projet éditorial, à l’image de ce que propose déjà les Presses Agronomiques de Gembloux via le site des Presses Universitaires de Liège282. Une fois ce formulaire complété, un courriel reprenant l’ensemble des informations introduites par l’auteur est envoyé à l’éditeur.

L’étape de rédaction et d’édition sont grandement valorisés. En effet, basée sur la logique de publication à source unique, tous les corps de métier prenant part aux étapes de rédaction, de vérification et d’édition sont susceptibles de travailler sur la même source. Cette logique est liée au système de contrôle de version (le versionnage ou versioning en anglais), c’est-à-dire ce qui permet la gestion et l’enregistrement des changements apportés à un texte au fil du temps283.

Avec Pressbooks, l’écriture universitaire est par nature collaborative et unifiée à partir d’un même espace de travail. Bref, Pressbooks « permet d’écrire la science en train de se faire »284. De cette source unique, une pluralité de formats de sortie sont possibles : html, odt, XML, ePub, et avec PrinceXML, le pdf numérique et le pdf destiné à l’impression sont possibles. Au niveau de l’importation, les formats ePub, odt, docx, wxr, xml et html sont pris en charge. Une diversité de formats à l’entrée et à la sortie de la plateforme sont bel et bien attestés.

Toutefois, une nuance doit être apportée au niveau de l’importation : ces possibilités sont effectives à condition d’un nettoyage plus ou moins important de la part de l’éditeur. La structuration du document dans le logiciel d’origine influence le temps de nettoyage nécessaire dans la plateforme.

Enfin, étant nativement numérique, Pressbooks permet aux utilisateur·trice·s de profiter des avantages des technologies du web : audios, vidéos, exercices pédagogiques285, glossaires, images, etc. sont susceptibles d’être intégrés au contenu distribué sur le web. Pressbooks est en ce sens un lieu où la pédagogie est hautement appréciée286.

Informations principales :

Nom : Pressbooks

Société : Book Oven Inc.

Année de création : 2011

Site web : https://pressbooks.org/

Espace d’échange : https://pressbooks.community/

Médias : Twitter, LinkedIn, YouTube

Feuille de route : Pratique non-systématique. Parfois, une feuille de route est détaillée pour un quadrimestre sur leur blog287. C’est surtout le document reprenant l’ensemble des mises à jour qui fait autorité, à savoir l’agenda des Monthly Product Updates

Documentation : Guides développeur et Guide utilisateur.

Source du logiciel : https://github.com/pressbooks

Licence : GNU GPLv3

Financement : différents plans tarifaires sont proposés dans le cas où l’utilisateur préfère laisser l’équipe Pressbooks se charger de la dimension technique288

Démo : moyennant une inscription sur Pressbooks, une période d’essai de 14 jours est possible : https://pressbooks.com/plans-pricing/

Partenariat : https://pressbooks.com/about/

Exemples d’utilisateur : Éditions sciences et bien commun, Université de Colombie-Britannique, Université de l’Indiana, Université d’Alabama du Nord.

Choix d’une technologie

Suite aux tests et aux exposés succincts présentés dans les points précédents, une série d’arguments favorables et défavorables ont été posés par l’équipe AcOBE. Le choix des technologies s’est d’abord basé sur une argumentation à quatre temps. Puis, trois technologies ont été retenues (Open Monograph Press de Public Knowledge Project, Pressbooks de Book Oven et Ketida de Coko Foundation).

C’est à présent au regard des huit étapes du processus de publication d’un livre universitaire que ces technologies sont évaluées.

Pressbooks

OMP

Ketida

Version

6.2.2 (6.13)

3.3.0.14 (3.4)

1

Licence

GPL v3.0

MIT

MIT

Rédaction

V

X

V

Vérification

V

V

V

Édition

V

X

V

Publication

V

X

V

Diffusion

V

V

X

Distribution

V

V

X

Conservation

V

V

V

Que retenir de ce tableau d’analyse ?

Ce tableau montre d’emblée qu’il n’existe pas de solution parfaite qui répondrait à l’ensemble des besoins des presses universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Chaque solution technologique offre de sérieux avantages tout en montrant certaines limites.

Open Monograph Press

OMP est un outil qui excelle pour la gestion du peer reviewing. Il intègre une série d’étapes du processus éditorial, sans pour autant toutes les proposer. Les étapes de rédaction, de vérification, d’édition et de publication ne sont pas prises en charge. Cet état de fait est problématique dans la mesure où l’écriture collaborative facilite grandement le single source publishing. Notons également les multiples collaborations de PKP avec des organes d’envergure, comme le CRKN289 et Érudit. Ces partenariats promettent de nombreuses avancées et évolutions en faveur de la publication ouverte au Canada.

Ketida

En tant que tel, Ketida est d’abord et surtout une solution qui permet de publier des livres universitaires multiformats de qualité professionnelle. Au regard de l’étape de mise en page, c’est sans équivoque la technologie la plus pertinente. Cependant, si l’utilisateur désire distribuer le livre produit par Ketida sur le web, il devra intégrer le système de gestion de contenu ouvert Flax. Les tests de l’informaticienne et les échanges effectués entre l’équipe AcOBE et l’équipe Ketida n’ont pas permis de trouver une issue favorable. À ce jour, Ketida combiné à Flax n’est pas une solution viable pour la production. De surcroît, la documentation de Ketida n’est pas à jour, augmentant le degré de technicité pour une informaticienne non-initiée. Néanmoins, cette documentation est actuellement en train d’être mise à jour. Ketida est donc, en l’état, une solution originale, pertinente, qui simplifie l’édition et la publication de livres universitaires, mais nécessite encore certaines fonctionnalités pour réellement devenir une solution viable et durable.

Pressbooks

Pressbooks est la solution la plus complète permettant de publier des livres web de qualité. En plus d’une prise en main aisée, toutes les étapes sont prises en compte. Reposant sur le système WordPress, Pressbooks a fait le choix de se développer sur la base d’une technologie populaire, documentée, modulable et fiable. Le point faible, nous l’avons souligné, est l’intégration de PrinceXML290 pour l’étape de publication. Cet ajout oblige l’utilisateur à acheter une licence payante291 pour commercialiser les pdf produits par PrinceXML dans Pressbooks. De ce fait, l’ouverture de Pressbooks est relativisée, car l’étape de distribution ne repose plus sur la logique ouverture compte tenu de l’intégration d’un outil payant.

Conclusion

Le Comité de pilotage a décidé de sélectionner Pressbooks comme solution logicielle pour les dernières étapes du projet AcOBE. Malgré les qualités indéniables de Pressbooks, ce choix demeure partiellement justifié par la disqualification d’une série de technologies ouvertes disponibles. Pressbooks est une solution « prête à l’emploi » qui répond à l’ensemble des besoins exprimés par les éditeurs universitaires lorsqu’il s’agit du livre numérique. Par contre, l’étape de distribution fait défaut lorsqu’il s’agit de publier le livre au format papier.

Par ailleurs, même si cette solution technologique est « prête à l’emploi » et orientée sur l’expérience utilisateur, une adaptation non-négligeable des presses universitaires devrait être envisagée, précisément parce que la logique de publication diffère de ce que les presses connaissent292. Cela reste toutefois une solution complémentaire qui est susceptible d’intégrer le processus éditorial des presses étant donné que ce processus repose essentiellement sur la méthode que nous qualifiée de traditionnelle (i.e Microsoft Word pour les étapes de pré-publication, Adobe InDesign pour l’étape de publication).

Rappelons également qu’au départ, le CoPil avait envisagé une suite logicielle à partir de « briques logicielles »293. Comme l’étape 2 le montre, la solution WordPress/Pressbooks est la plus propice à cette logique d’intégration. Corrélativement, c’est l’une des solutions les plus populaires pour la publication sur le web et la plus facile à prendre en main. C’est donc la solution la plus accessible aux éditeurs universitaires belges francophones.

En conclusion, la logique d’intégration dans lequel AcOBE s’inscrit limite le champ des possibles, surtout quand l’objectif est de publier un livre universitaire au format électronique et au format papier à partir d’une source unique. Il sera donc question de compromis, en choisissant la voie appropriée permettant de répondre aux besoins formulés par les presses universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Pour découvrir la plateforme Pressbooks de test mise en place par l’informaticienne, nous vous invitons à consulter l’adresse suivante : https://pressbook-test.sipr.ucl.ac.be. Deux monographies universitaires y sont distribuées. Ce processus de publication est décrit durant l’étape 3.

Choix d’une voie

Voie hybride (logique d’intégration interne payante)

La voie hybride consiste à accepter la logique de publication préconisée par Pressbooks et de publier avec le programme commercial PrinceXML. Nous l’avons répété, cette voie nécessite d’acheter une licence PrinceXML. L’efficacité de PrinceXML n’est toutefois plus à démontrer, cette solution permet en effet la publication de dictionnaires, factures, livres, catalogues, etc.294.

Intégré à Pressbooks, PrinceXML nous permet de compléter différentes feuilles de style css selon l’exportation désirée. Trois choix sont à ce moment-là possibles : la publication web, le pdf (numérique ou impression) ou l’ePub. Dans les trois cas, il faut compléter une feuille de style par des règles, l’enregistrer, puis exporter le livre selon la feuille de style de notre choix que nous aurions préalablement réglées. De sorte que pour pouvoir visualiser les modifications que l’on apporte à nos feuilles de style, il faut nécessairement et à plusieurs reprises exporter le livre pour voir les modifications de la mise en page qui ont été apportées.

Cette solution, en plus d’être chronophage, ne coïncide pas avec la réalité éditoriale des presses universitaires. En effet, avec Adobe InDesign, les modifications apportées sont visuelles et instantanées. Il n’est nécessaire d’exporter le fichier au format indd qu’une fois que le publieur considère le livre comme terminé et qu’il peut le distribuer au moyen d’un pdf numérique ou qu’il prépare le pdf pour l’imprimeur. Il n’est pas exclu qu’il revienne à son fichier indd s’il découvre des problèmes dans le fichier exporté. Néanmoins, cela reste anecdotique comparé au procédé chronophage que requiert PrinceXML.

Il est toutefois possible d’établir des gabarits295, pour une collection de livres par exemple, mais ce gabarit ne permet pas pour autant une automatisation. L’éditeur, s’il utilise un gabarit paramétré dans PrinceXML, devra quand bien même réexporter son fichier pour visualiser les modifications et ce, jusqu’au moment où son degré d’exigence est atteint. En définitive, il y a un jeu entre le fond et la forme, entre le contenu et la mise en page, limitant le processus d’automatisation et nécessitant l’intervention de l’éditeur.

Dans le cas de PrinceXML, cette interaction apparaître clairement lorsque des figures présentes dans le document. En effet, si la dimension de la figure est importante, elle est susceptible d’être placée à la page suivante, laissant un vide dans la page où la figure était censée être disposée. L’éditeur·trice est donc tenu de déplacer une partie du texte ou, quand cela est possible, de redimensionner la figure en dehors de la plateforme pour obtenir le résultat désiré.

In fine, préconiser la voie hybride, c’est changer l’outil de publication, mais également la façon de percevoir les modifications apportées. Les conséquences sont donc techniques, éditoriales, mais également perceptives. Comme annoncé dans le titre, la voie hybride repose sur une logique d’intégration interne payante. Interne, car Pressbooks a intégré PrinceXML dans sa plateforme. Payante, car pour commercialiser les livres mises en page et convertis au format pdf avec PrinceXML, une licence doit être achetée.

Voie ouverte (logique d’intégration externe ouverte)

La voie ouverte repose sur une logique d’intégration externe ouverte. Externe et ouverte, car l’outil proposé, paged.js de Coko, est ouvert, mais son utilisation est externe à Pressbooks.

Dans un premier temps, le plugiciel mPDF296 de la BCCampus de l’Université de Colombie-Britannique a été proposé par Pressbooks297. Cette alternative à PrinceXML était intégrable dans Pressbooks. Toutefois, elle n’est plus maintenue, ce qui l’a rend aujourd’hui inutilisable. Les tests par l’équipe AcOBE l’ont confirmé.

Dans un second temps, et suite à l’intégration de paged.js comme outil de mise en page de Ketida, la logique de publier à partir d’une source externe à Pressbooks a été envisagée. En effet, dans la mesure où Pressbooks exporte le livre au format html, il est envisageable d’effectuer l’étape de publication en dehors de la plateforme. En distinguant la distribution web et la distribution pdf (numérique ou impression)298, la réalité éditoriale actuelle des presses universitaires n’est pas contredite. Dans l’état des choses, les éditeurs sont contraints d’adopter des pratiques différentes lorsqu’ils souhaitent distribuer leur livre sur le web ou numériquement grâce au pdf ou à l’ePub.

De façon analogue, la méthode traditionnelle des presses universitaires reposent déjà sur l’usage d’une pluralité d’outils pour publier des livres universitaires. Avec la voie ouverte, nous aurions deux outils, Pressbooks pour l’ensemble des étapes de publication d’un livre universitaire sur le web et pour toutes les étapes de publication d’un livre électronique (sauf l’étape de publication) et paged.js pour la publication au format pdf et pour l’étape d’impression.

Pour rappel, paged.js est un outil libre et open source qui est associé au fichier html299, comme les sont les feuilles de style css, et qui permet de paginer le contenu d’un document web en pdf. En plus d’être une solution intégrée à Ketida, elle fait aussi partie d’autres solutions technologiques analysées durant cette seconde étape, à savoir PubPub300, OVIDE301, TEI-Publishers302 ou encore Typemill303. Paged.js est par ailleurs disponible sous forme de plugiciel dans WordPress (et a fortiori Pressbooks), mais uniquement à destination des pages du site304. L’exportation des livres ne sont dès lors pas pris en charge par ce plugiciel.

Paged.js est aussi une solution utilisée en production par une série d’éditeurs et de presses universitaires : Louvre Éditions, C&F Éditions305, Osteofolio, Le Musée d’archéologie de Toulouse, ATLA Open Press, University of California Press, punctumbooks, BookSprints… Deux exemples de publication sont proposés :

Blaise Ducos, Antoon Van Dyck. Catalogue raisonné des tableaux du musée du Louvre, Paris, musée du Louvre éditions, 2023, https://livres.louvre.fr/vandyck/ ;

Bobby Smiley (ed.), Information Literacy and Theological Librarianship. Theory and Praxis, Atla Open Press, Chicago, 2019, https://books.atla.com/atlapress/catalog/view/33/24/160.

Enfin, en plus de la documentation proposée par l’équipe de paged.js sur le site officiel, quelques initiatives permet de nous introduire à cette technologie306. Il est également possible de tester paged.js pour un fichier ePub via le site mis à disposition par Coko307. Des présentations ont été effectuées par d’autres membres de l’équipe paged.js : Julie Blanc308 ou encore Fred Chasen309. Le code source est disponible sur le Gitlab310, et il est possible de poser directement ses questions aux membres de l’équipe via leur canal de communication Mattermost (comme pour Ketida) : https://mattermost.coko.foundation/coko/channels/pagedjs.

Quelles sont les différences notables entre PrinceXML et paged.js ?

PrinceXML

paged.js

Fermé et payant

Libre et ouvert

Intégré dans Pressbooks

N’est pas intégré dans Pressbooks

Pas de prévisualisation en direct

Prévisualisation en direct

Ne tient pas compte des standards W3C

Respecte les standards W3C

pdf de qualité professionnelle

pdf de qualité professionnelle

Comme PrinceXML, paged.js est une solution permettant aux éditeurs de publier des livres nativement numériques susceptibles d’être imprimés. Tous les deux reposent sur une logique similaire, celle de fournir une solution pour la mise en page basée sur des fichiers sources indépendants. Si des corrections de type ortho-typographiques sont à fournir, elles sont effectuées dans le fichier source html où le contenu est rédigé. En revanche, si des modifications visuelles sont à apporter, alors ce sont les règles du fichier source css qui seront concernées. PrinceXML et paged.js ne s’occupent quant à eux que de convertir ces fichiers sources en un document unique au format pdf. Ils distinguent donc davantage les étapes d’édition et de publication, là où un logiciel comme Adobe InDesign les confondent totalement.

Toutefois, la grande différence entre ces deux outils de publication, est en plus d’être antagoniste par rapport à leur ouverture, est la prévisualisation des modifications apportées. Nous l’avons dit, avec PrinceXML, une fois les modifications effectuées dans les fichiers sources, il faut exporter le fichier. Avec paged.js, cette logique d’exportation disparaît : il suffit, une fois les modifications effectuées et enregistrées, de rafraichir311 la page de notre navigateur (Chromium ou Chrome). La différence est majeure. Le degré d’efficacité est augmenté.

Par ailleurs, avec paged.js, si l’étape d’édition du contenu du livre est terminée, le fichier source du contenu ne sera plus modifié, il ne restera a priori que le travail dans la feuille de style css avant la publication du livre au format pdf ou ePub. Ainsi, c’est par la css que le jeu entre le fond et la forme a lieu avant d’être figé dans un format dédié, le pdf, en vue de l’étape de publication et post-publication. Néanmoins, avec PrinceXML intégré dans Pressbooks, des sauts de page sont susceptibles d’être ajoutées dans le processus de conversion lorsque des figures sont présentes, obligeant l’éditeur à déplacer des parties du texte ou à retravailler la forme en dehors de la plateforme. Avec paged.js, une utilisation fine des règles css permet d’avoir une main mise complète sur la mise en page finale du document. Contrairement à PrinceXML, pagedjs permet de placer du code à n’importe quel moment sans avoir à modifier le contenu. Il permet également de lier autant de fichiers css et de bibliothèques Javascript que nécessaires.

C’est sur la base de ces différences que le Comité de pilotage d’AcOBE a accepté de poursuivre le projet par la voie ouverte. Paged.js sera dès lors testé via la publication d’une monographie proposée par les Presses de l’Université Saint-Louis Bruxelles. Pressbooks sera utilisé pour la distribution web de deux autres monographies, l’une proposée par les ÉUB, l’autre par les PUL (Louvain).

Conclusion de l’étape 2

23 technologies ont été trouvées. 20 d’entre elles ont été mises de côté. 3 ont été testées et analysées de fond en comble et une suite logicielle a été choisie : Pressbooks et hypothes.is, en combinaison avec paged.js.

Pressbooks, comme solution technologique d’édition et de publication, répond presque intégralement à l’ensemble des étapes de production d’un livre universitaire. Il a néanmoins une faiblesse, nous l’avons vu, au niveau de la distribution. Pour produire un document pdf, en vue de l’impression ou de la distribution électronique, un plugiciel ou un outil externe a dû être envisagé. La logique d’intégration a permis la considération de plusieurs solutions alternatives face au manque d’outils de distribution ouverts de la plateforme choisie. L’équipe AcOBE a trouvé et testé deux plugiciels sous licence libre susceptibles de combler cette lacune :

Le plugiciel paged.js (licence MIT) de WordPress existe, mais ne fonctionne que pour les pages web du site lui-même et non pour un livre édité dans Pressbooks312 ;

Le plugiciel mPDF (licence GPL 2.0) était auparavant proposé par Pressbooks comme alternative à PrinceXML. Son manque de maintenance l’a rendu inutilisable. L’équipe AcOBE a jugé sa maintenance trop conséquente que pour être envisageable dans le cadre du projet.

Avec le plugiciel mPDF, la logique d’intégration trouve là l’une de ses limites : elle empêche l’horizon d’un développement, du moins d’un développement de plusieurs mois313. Cet aspect a contraint l’équipe AcOBE de proposer deux voies au CoPil (hybride et ouverte) afin que l’ensemble des étapes de publication soient prises en charge par la suite logicielle.

La voie hybride offre une solution de facilité : celle de payer une licence permettant l’utilisation commerciale de PrinceXML à partir de Pressbooks. A contrario, la voie ouverte permet d’utiliser librement paged.js en dehors de Pressbooks. Dans les deux cas, ces deux voies reposent sur la déclaration de règles dans des feuilles de style css permettant de mettre en forme le contenu des livres structuré dans un document html. Cette solution permet de répondre à l’enjeu esthétique des presses universitaires. En associant paged.js avec Pressbooks, le CoPil choisit la voie intégralement ouverte et s’engage donc dans une édition universitaire numérique 100% ouverte.

Enfin, l’usage de la CSS ouvre la voie aux possibilités stylistiques des technologies ouvertes du web, sans pour autant contredire l’apport des logiciels propriétaires de mise en page graphique dans le processus de publication. Dans la perspective de l’édition universitaire ouverte proposée par AcOBE, et en comparaison de la méthode traditionnelle, cet apport est notablement réduit. Là où Adobe InDesign apparait essentiel dans la méthode traditionnelle, dans la méthode ouverte, sa nécessité est relativisée, au point de demeurer, dans le meilleur cas, comme une solution complémentaire314.

Finalement, cette ouverture des outils dans le processus éditorial, grâce aux technologies du web, permet d’envisager la publication de livres universitaires sous un autre point de vue, excédant celui de la logique propriétaire et fermée. Ainsi, en utilisant les avantages du numérique pour publier des livres universitaires, il devient possible de contribuer à une plus grande ouverture de la science, de participer à une science ouverte, et de proposer des livres universitaires multiformats (html, pdf et ePub), partageables, durables et surtout davantage visibles.

212 Sinatra & Vitali-Rosati (dir.), « Introduction » dans Pratiques de l’édition numérique, Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2014, édition augmentée, version 1, http://www.parcoursnumeriques-pum.ca/1-pratiques/introduction.html.
213 Alessi & Vitali-Rosati (dir.), Les éditions critiques numériques, p. 11.
214 Idem.
215 Pour les intéressé·e·s, une ligne du temps de l’évolution des technologies de l’édition numérique a été réalisée par Julie Blanc et Lucie Haute. Cf. « Technologies de l’édition numérique », Sciences du Design, 8, 11-17, 2018, https://doi.org/10.3917/sdd.008.0011.
216 B. Epron et M. Vitali-Rosati, L’édition à l’ère numérique, Paris, La Découverte, coll. « Repères », 2018, p. 33, https://papyrus.bib.umontreal.ca/xmlui/handle/1866/20642 (preprint).
217 Un fichier informatique est, au sens strict, un ensemble de données numériques enregistrées au sein d’une même entité. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Fichier_informatique.
218 Nous parlons alors de standard.
219 https://fr.wikipedia.org/wiki/Format_de_données
220 Epron & Vitali-Rosati, L’édition à l’ère numérique, p. 35.
221 https://theconversation.com/les-chercheurs-en-shs-savent-ils-ecrire-93024
222 E. Broudoux, « Écrilecture : la littératie informationnelle à la croisée de l’offre et des services des intermédiaires », Revue française des sciences de l’information et de la communication, 15, 2018, https://doi.org/10.4000/rfsic.4738. La présence incontestable du logiciel Microsoft Word dans le processus éditorial s’est confirmée lors de l’état de l’art. Certains acteurs prônent toutefois l’arrêt de son utilisation. Par exemple : J. Dehut, « En finir avec Word ! Pour une analyse des enjeux relatifs aux traitements de texte et à leur utilisation », L’Atelier des Savoirs, 23 janvier 2018, https://eriac.hypotheses.org/80.
223 Frommer, La pensée PowerPoint. Enquête sur ce logiciel qui rend stupide, Pocket, « Cahiers libres », 2012, https://doi.org/10.3917/dec.fromm.2010.01.
224 https://eriac.hypotheses.org/80
225 DORANum, Liste indicative de formats ouverts et fermés, 2017, https://doranum.fr/wp-content/uploads/FS2_liste_indicative_formats_V1.pdf. Toutefois, comme le format pdf, le format docx est un format complexe.
226 A. Fauchié & T. Parisot, « Repenser les chaînes de publication par l’intégration des pratiques du développement logiciel », Sciences du Design, 8, 45-56, 2018, https://doi.org/10.3917/sdd.008.0045.
227 https://ssp.digitaltextualities.ca/
228 B. Legendre, Ce que le numérique fait aux livres, Presses universitaires de Grenoble, coll. « Communication médias, société », 2019, https://doi.org/10.3917/pug.legen.2019.01, p. 66.
229 Dacos & Mounier, L’édition numérique, p. 112.
230 La recherche de technologies a été effectuée durant l’étape 1, tandis que l’installation, les analyses et les tests ont été effectués durant l’étape 2.
231 Technologie non-maintenue ou communauté très faible.
232 À titre d’exemple : html, css, R Markdown, Racket, SILE ou encore LaTeX, pour ne citer que ceux-là.
233 Nous considérons ici l’interface en ligne de commande comme un langage informatique. Car, pour un éditeur, ça l’est.
234 De nombreuses initiatives ont déjà été réalisées par différent·e·s confrères et consœurs : https://repository.publisso.de/resource/frl:6421231/data ; https://mindthegap.pubpub.org/ ; https://hcommons.org/deposits/objects/hc:59232/datastreams/CONTENT/content ; https://operas-eu.org/special-interest-group-living-book/operas-tools-research-and-development-white-paper-june-2021/ ; https://radicaloa.disruptivemedia.org.uk/resources/publishing-tools/ ; ou encore https://compendium.copim.ac.uk/tools.
235 https://fr.wikipedia.org/wiki/GitHub
236 https://www.fulcrum.org/
237 Bookdown, Electric Books, Pollen, SILE, ou encore Magicbook, par exemple.
238 https://fr.wikipedia.org/wiki/Bouton_(informatique)
239 https://fr.wikipedia.org/wiki/WordPress
240 https://fr.wikipedia.org/wiki/Drupal
241 L’UNESCO souligne que cette solution nécessite de grandes quantités d’électricité pour assurer le fonctionnement des clouds. Cf. UNESCO, Guide du personnel pour une UNESCO éco-responsable, 2021, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000375334_fre, p. 13.
242 Ce système de vérification est le plus poussé qui existe actuellement dans le domaine des technologies ouvertes destinées à l’édition. Même l’éditeur est tenu de respecter la logique imposée par le logiciel. Par exemple, si l’éditeur décide de mettre à disposition le livre dans un autre format de fichier, ce fichier devra être réintroduit dans le processus de vérification. Pour contourner les règles appliquées, il faut modifier la technologie elle-même.
243 https://forum.pkp.sfu.ca/c/community-showcase/7
244 Le partenariat avec Érudit contribue à la longévité de PKP. Le regret est qu’il concerne de prime abord la plateforme OJS. Cf. http://partnership.erudit.org/accueil.
245 Press editor, series editor, funding coordinator, author, volume editor et translator.
246 https://pkp.sfu.ca/2023/08/31/pkp-development-news-webinar-recording/
247 Dans le cas des revues, le CRKN (Canadian Research Knowledge Network) et PKP ont étendu leur partenariat. Notons accessoiremment le renforcement du partenariat entre la Coalition Publica et Érudit. Cf. https://www.coalition-publi.ca/le-projet.
248 https://www.youtube.com/watch?v=LxyBNdQ4XLU
249 HYPERLINK « https://en.wikipedia.org/wiki/Public_Knowledge_Project » \l « Open_Monograph_Press »https://en.wikipedia.org/wiki/Public_Knowledge_Project#Open_Monograph_Press
250 https://coko.foundation/products.html
251 Mellon Foundation est une fondation privée qui finance des initiatives dans le domaine de l’art, des bibliothèques et de la communication scientifique. Elle est notamment à l’origine de JSTOR et elle a contribué au financement d’Open Library of Humanities et d’hypothes.is.
252 Phase 2 : https://www.mellon.org/grant-details/editoria-a-web-based-monograph-publishing-platform:-phase-two-20444125, phase 3 : https://www.mellon.org/grant-details/editoria-phase-3-20444960 et phase 4 : https://www.mellon.org/grant-details/editoria:-phase-iv-20446636.
253 https://coko.foundation/manifesto/
254 Par exemple, Ketida permet d’exporter le fichier mis en page au format indd, le format propriétaire du logiciel de mise en page Adobe InDesign.
255 https://coko.foundation/articles/single-source-publishing.html
256 https://coko.foundation/articles/single-source-publishing-case-study-ketida-books.html
257 B. Ducos, Antoon Van Dyck. Catalogue raisonné des tableaux du musée du Louvre, musée du Louvre éditions, Paris, 2023, https://doi.org/10.57232/NNXJ7755.
258 Par exemple, xSweet pour la conversion du fichier au format docx en fichier html, ou paged.js pour la pagination du contenu rédigé en html.
259 La démo de Wax est disponible à cette adresse : http://wax-demo.coko.foundation/. Wax a été conçu pour être intégré dans d’autres solutions technologiques, externes à Coko.
260 Par exemple, l’intégration du module d’impression à la demande prévu dans Ketida est issu du partenariat avec Lulu.com, la plateforme commerciale d’auto-édition.
261 https://coko.foundation/blog/flax-arrives.html
262 https://livres.louvre.fr/vandyck/colophon/
263 Par exemple : C. Dean, « New advances in open source infrastructure support: accelerated book digitization with Editoria », Insights, 31: 43, 1–5, 2018, https://doi.org/10.1629/uksg.442 ; Masure, « Ouvrir le livre. HEAD – Publishing, une cellule éditoriale engagée dans la dissémination des savoirs », Viral – Biennale internationale de design graphique de Chaumont, 2021, https://hal.science/hal-04106519.
264 Enjeu qui est actuellement pris en charge par l’équipe de Ketida, suite aux échanges entres ses membres et l’équipe AcOBE.
265 La collaboration entre les deux organismes a été rendue publique en avril 2023 : https://coko.foundation/blog/nvcleus-by-amnet-harnessing-coko-s-kotahi-for-a-cost-effective-journal-solution.html.
266 Le Twitter d’Editoria est inactif depuis début 2020. Cf. https://twitter.com/editoriapub.
267 Le LinkedIn d’Editoria est inactif. Cf. https://www.linkedin.com/products/coko-editoria/.
268 https://www.mellon.org/grant-details/rebuilding-ketida-community-20452993
269 La plateforme française de distribution de livres en libre accès Un@ l’édition est aussi basée sur WordPress.
270 https://www.news.uliege.be/cms/c_13496692/fr/e-publish-un-nouvel-outil-d-edition-et-de-publication
271 https://pressbooks.uclouvain.be
272 https://pressbooks.directory/. En date du 30 novembre 2023.
273 https://pressbooks.com/webinars/
274 Les critères d’accessibilité et de durabilité sont donc d’application.
275 Le plugiciel Mathjax n’a pas été installé, car il n’est plus maintenu à jour. De plus, son installation nécessite l’installation additionnelle de node v10, qui n’est, lui aussi, plus maintenu. Cela exposerait donc la plateforme à des risques de sécurité.
276 https://networkmanagerguide.pressbooks.com/chapter/third-party-plugins/
277 https://fr.wikipedia.org/wiki/WordPress
278 Ce type de licence ne contredit pas la vente du livre.
279 https://fr.wikipedia.org/wiki/Robot_d’indexation
280 De nombreuses métadonnées peuvent être indiquées. À titre non-exhaustif, l’auteur, le co-auteur, l’éditeur, le traducteur, l’illustrateur, la licence Creative Commons associée, la date de publication, le DOI (Digital Object Identifier), l’ISBN (papier, numérique, web), pour ne citer que ceux-ci.
281 Cinq rôles peuvent être attribués : administrateur, éditeur, auteur, contributeur et abonné. Cf. https://jwu.pressbooks.pub/userguide/chapter/users/.
282 https://pressesuniversitairesdeliege.be/publications/agronomie-gembloux/soumettre-un-projet/
283 https://www.arthurperret.fr/blog/2022-11-16-du-versionnage-des-publications-scientifiques.html
284 B. Pochet & J. Dufrasne, La plateforme e-publish et le projet AcOBE, Journée d’étude OPUS, 19 septembre 2023, Paris-Cité (France), https://hdl.handle.net/2268/306684, p. 8.
285 Exemple : https://integrations.pressbooks.network/demobook/chapter/chapter-1/.
286 L’orientation pédagogique de Pressbooks est explicite puisque c’est un critère de recherche dans le répertoire de Pressbooks. Cf. https://pressbooks.directory/.
287 https://pressbooks.org/blog/
288 https://pressbooks.com/plans-pricing/
289 Acronyme du Canadian Research Knowledge Network.
290 Nous en discuterons plus amplement au point suivant.
291 1900$ pour le monde académique. Cf. https://www.princexml.com/purchase/.
292 A contrario de l’Université de Liège qui utilise déjà Pressbooks.
293 https://fr.wiktionary.org/wiki/brique_logicielle
294 https://www.princexml.com/samples/
295 https://fr.wikipedia.org/wiki/Gabarit_(mise_en_page). Parfois ce sont les termes de « template », de « layout » ou de « grille » qui sont utilisés pour désigner le gabarit.
296 https://github.com/BCcampus/pressbooks-mpdf
297 https://pressbooks.org/user-docs/installation/
298 Le même format de fichier est nécessaire dans les deux cas : le pdf. La différence repose sur l’interactivité possible entre ces deux versions. La version destinée au numérique est interactive, c’est-à-dire que les liens hypertextes peuvent être consultés.
299 Un fichier html pour structurer le contenu du document et un fichier css pour le mettre en forme.
300 https://twitter.com/pubpub/status/1204189619253923840
301 https://peritext.github.io/fr/sections/875e4b36-dd85-42a5-8559-3cce0eede326-3/
302 https://www.e-editiones.org/posts/tei-publisher-8/
303 https://typemill.net/publishers/develop-twig-template
304 https://github.com/electricbookworks/paged-wp/
305 Plusieurs retours d’expérience ont été publiés par Nicolas Taffin, cofondateur de C&F Éditions : https://inacheve-dimprimer.net/articles/2021-03-18-nicolas-taffin.html ; https://polylogue.org/apres-la-page-la-double-page/.
306 D’abord par le fondateur de Coko lui-même https://www.adamhyde.net/some-pagedjs-info/ ; ensuite, par Julien Taquet (membre de l’équipe paged.js) https://ateliers.esad-pyrenees.fr/web/pages/ressources/ctrl-alt-print/pagedjs/.
307 https://s3.amazonaws.com/pagedmedia/pagedjs/examples/epub.html
308 https://slides.julie-blanc.fr/images/pagedjs/video-pagedjs/video-pagedjs.mp4
309 http://fchasen.com/videos/pagedjs.mp4
310 https://gitlab.coko.foundation/pagedjs
311 Il existe un raccourci clavier pour effectuer cette action : CTRL+R pour les utilisateurs Windows ou Linux, et \cmd + R pour les utilisateurs de Mac.
312 Aucun développement en ce sens n’est prévu par les membres de la fondation Coko.
313 De surcroît, ce travail de développement aurait dû être couplé d’un travail de maintenance. À chaque nouvelle mise à jour Pressbooks ou WordPress, le plugiciel doit être maintenu, afin de s’assurer de la compatibilité du plugiciel avec la nouvelle version de la plateforme.
314 Pour la création d’une page de couverture, par exemple.

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Rapport final du projet Droit d'auteur © 2023 par Jason Dufrasne est sous licence Licence Creative Commons Attribution 4.0 International, sauf indication contraire.

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