2 Science ouverte à l’aune du contexte belge francophone et des recommandations européennes et internationales

Définition et principes

L’état de l’art des pratiques éditoriales dans les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles a révélé une relative incompréhension autour de la science ouverte. Dans le but de clarifier ce flou, et de contextualiser la dimension ouverte de ce projet démontrant la faisabilité d’une plateforme d’édition universitaire, une partie sur la science ouverte a été ajoutée dans le présent rapport. Cette partie ne saurait être exhaustive et n’a pas la prétention de l’être. Elle introduit le contexte, les concepts, les enjeux, les activités, en lien avec la science ouverte, en plus de répondre à une série de problèmes liés au projet AcOBE. La compréhension de la science ouverte se resserre donc autour du contexte universitaire de la Fédération Wallonie-Bruxelles. La redite pour certain·e·s lecteur·trice·s ne prend dès lors pas le risque que d’être partielle126.

Quelques années après le Budapest Open Access Initiative (2002)127, la Commission européenne manifeste, à travers son Espace européen de la recherche (ERR) et dans la continuité du BOAI, « une préoccupation de plus en plus marquée pour les technologies de l’information et de la communication et pour la contribution de ces dernières à la mise en place d’un système plus ouvert et “en ligne” de production et de dissémination de l’“information scientifique” »128. Le libre accès aux publications scientifiques est placé au cœur de ce nouveau système, avant d’appliquer cette logique d’ouverture à l’ensemble des champs scientifiques, au point de rendre obligatoires certains aspects (la publication, et les données, entre autres) pour tout projet financé par le programme Horizon Europe depuis 2020129. En Fédération Wallonie-Bruxelles, ce sont les Administrations de la recherche des universités qui veillent au respect de ces exigences étant donné que les chercheurs doivent les prendre en compte dès la proposition d’un projet de recherche susceptible d’être financé par l’Union européenne.

Cette ouverture de la science européenne, dans ses pratiques comme dans sa communication, a été augmentée d’une dimension importante, celle d’une « Science avec et pour la société »130. La science ouverte est dès lors liée à la science citoyenne. C’est ce qui explique pourquoi dans certaines institutions, la science citoyenne est connexe à la science ouverte, alors que dans d’autres, c’est une dimension intrinsèque. Cet état de fait n’est pas sans rappeler la réintroduction de la question du plus grand nombre dans le moment post-publication du processus éditorial d’ouvrages universitaires, que nous discutions dans la première partie.

Au-delà des enjeux éthiques évidents, des raisons pratiques soutiennent l’ouverture de la science : éviter qu’une recherche scientifique soit dupliquée, accélérer les découvertes scientifiques, réduire le coût d’accès aux publications scientifiques, permettre aux citoyens d’acquérir des compétences en sciences, réaliser les objectifs de développement durable de l’Organisation des Nations unies131

En 2021, une Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte est publiée132. L’année suivante, un récapitulatif de six pages a été communiqué, afin de Comprendre ce qu’est la science ouverte133. Ces deux documents serviront de cadre fondamental pour le reste de cette partie sur la science ouverte ainsi que pour l’ensemble du projet AcOBE.

L’UNESCO souligne en préambule de sa Recommandation que la question de l’ouverture des pratiques scientifiques est liée au souci d’efficacité et de confiance envers la science pour répondre aux défis mondiaux que connaît notre époque134. Puis, en point II, la définition en bonne et due forme de la science ouverte est explicitée, que nous transcrivons intégralement infra :

« Aux fins de la présente Recommandation, la science ouverte s’entend comme un concept inclusif qui englobe différents mouvements et pratiques visant à rendre les connaissances scientifiques multilingues, librement accessibles à tous et réutilisables par tous, à renforcer la collaboration scientifique et le partage des informations au profit de la science et de la société, ainsi qu’à ouvrir les processus de création, d’évaluation et de diffusion des connaissances scientifiques aux acteurs de la société au-delà de la communauté scientifique traditionnelle. Elle inclut toutes les disciplines scientifiques et tous les aspects des pratiques savantes, y compris les sciences fondamentales et appliquées, les sciences naturelles et les sciences sociales et humaines, et repose sur les piliers essentiels suivants : les connaissances scientifiques ouvertes ; les infrastructures de la science ouverte ; la communication scientifique ; la participation ouverte des acteurs de la société ; et le dialogue ouvert avec les autres systèmes de connaissances. »135

Au cœur de la science ouverte, se rencontrent la diversité des points de vue et des pratiques scientifiques, le partage de l’information scientifique et la collaboration, ainsi que l’ouverture du processus de publication de la connaissance scientifique, autant à la communauté universitaire qu’à la communauté humaine.

Cette définition témoigne par la même occasion d’un basculement de logique : d’une logique traditionnelle136, définie par son cloisonnement, la Recommandation de l’UNESCO prône le passage à une logique d’ouverture des pratiques scientifiques et des connaissances qui en découlent. En dernière instance, une unité de la communauté européenne dans l’ouverture des connaissances est prônée, unité qui repose sur la pluralité des perspectives, des pratiques et des diverses disciplines scientifiques.

Concrètement, la science ouverte repose sur les connaissances scientifiques ouvertes137, c’est-à-dire l’ouverture aux :

  • publications scientifiques ;
  • données de recherche ;
  • métadonnées ;
  • ressources éducatives libres ;
  • logiciels ;
  • codes sources ;
  • matériels ;
  • méthodologies de recherche ;
  • processus d’évaluations.

Cette ouverture suppose des infrastructures qui soutiennent la science ouverte, quelles qu’elles soient, qui ne poursuivent aucun but lucratif et qui garantissent un accès permanent et illimité de tous leurs contenus scientifiques à tous les publics138.

Durant l’état de l’art des pratiques éditoriales dans les universités de la FWB, nous avions relevé le fait que le nombre d’infrastructures ouvertes dans le domaine du livre universitaire était réduit. L’intérêt des infrastructures ouvertes actuelles orientées vers l’ouverture du livre, vise surtout les modèles collaboratifs, les modèles économiques, les guides des bonnes pratiques, et le catalogage des outils ouverts. Ces différentes initiatives montrent une prise en considération de plusieurs enjeux liés au livre universitaire sans pour autant envisager une solution exhaustive et systématique au processus de publication. Ce manquement a justifié que nous nous arrêtions sur l’écosystème des périodiques scientifiques.

En définitive, il faut globalement noter une absence de directives et de recommandations pratiques de la part des organismes internationaux pour la publication de livres universitaires basée sur les principes de la science ouverte. La Recommandation de l’UNESCO offre un cadre global et volontairement général de la science ouverte afin d’intégrer l’ensemble de l’écosystème scientifique et ses différents types de publications et d’outils, sans pour autant avancer des éléments de réponse contextualisés en fonction du type de publication scientifique.

Enfin, cette Recommandation réfléchit jusqu’à l’encouragement de la participation ouverte des acteurs de la société ainsi que le dialogue ouvert avec les autres systèmes de connaissance. Il ne s’agit dès lors pas d’un discours prétendument ouvert qui serait cloisonné dans une vision singulière de ce que signifie l’ouverture de la science, mais bien d’un principe au départ de toute réflexion et de toute action inscrites dans le contexte scientifique, et ce, en vue d’ouvrir la discussion avec d’autres formes de rationalité (ou « autres systèmes de connaissance »).

AcOBE s’inscrit pleinement dans ce paradigme de la science ouverte élaboré par la Commission européenne et par l’UNESCO, et plus spécifiquement dans le domaine d’action promouvant « des approches novatrices de la science ouverte aux différents stades du processus scientifique »139. Avec AcOBE, ces approches novatrices s’appliquent à l’édition numérique ouverte universitaire.

Édition numérique ouverte universitaire

Maintenant que le périmètre de la science ouverte a été introduit et défini, venons-en au domaine d’activité qui caractérise AcOBE, à savoir l’édition numérique ouverte universitaire. Cette forme d’édition est par définition numérique, elle se pratique dans le contexte universitaire, et selon le principe d’ouverture. Commençons par définir ce qu’est l’édition numérique, puis concentrons-nous sur la dimension d’ouverture à l’aune du contexte universitaire.

Dans le contexte du numérique, Marin Dacos et Pierre Mounier, deux figures essentielles de la science ouverte en France, donnent une définition de ce qu’est et n’est pas l’édition numérique. L’édition numérique n’est pas la numérisation, « c’est-à-dire le portage du texte imprimé sur support numérique » (produisant un fac-similé), mais plutôt un ensemble « de pratiques d’édition qui ne passent pas immédiatement par un support analogique imprimé mais exploitent nativement les possibilités qu’offre le texte numérique »140. Il n’est par conséquent plus question de produire des fac-similés numériques de documents imprimés avec des outils traditionnels (traitement de texte ou logiciels de mise en page). À présent, la publication numérique traite de documents nativement numériques, profitant donc de tous les avantages que le numérique procure.

Par la même occasion, l’ensemble du processus de publication141, de la rédaction à la conservation, sera numérique, et dans le cadre d’AcOBE, intégralement ouvert. Un renversement de logique s’opère donc sur le livre universitaire : le fichier numérique est à la base de toutes les déclinaisons possibles du livre, dont la déclinaison au format papier. Nous parlons à ce moment-là de publication à source unique.

Derrière ce changement de paradigme, il y a l’avènement du web et à son accès par le plus grand nombre. Cette nouveauté a engendré un bouleversement majeur, au-delà du champ éditorial, en permettant l’accès à un espace a priori accessible universellement, du moins par toute personne disposant d’un terminal et d’une connexion en réseau142.

Ce bouleversement du web a par ailleurs contribué à l’émergence de l’édition en réseau143. Cette forme d’édition se « nourrit des pratiques de communication réciproques et horizontales propres à Internet pour enrichir la lecture (pratiques de lecture partagée), mais aussi en allant jusqu’à la production même de contenus (pratiques d’écriture collective) »144. Cette assertion anticipait déjà la Recommandation de l’UNESCO. Car la dimension réseau de l’édition numérique s’applique à d’autres étapes du processus de publication. AcOBE en apporte la preuve. Ce n’est plus seulement la rédaction ou la lecture qui sont concernées, mais c’est l’ensemble du processus de publication qui est à présent nativement numérique et qui est basé sur une logique de réseau.

L’édition en réseau est alors envisageable, grâce aux possibilités du web, et aussi parce qu’au préalable, le livre naît de l’implication de plusieurs rôles et de multiples points de vue. En effet,

« Le livre est bien toujours cet objet issu du partage entre plusieurs rôles, entre plusieurs spécialisations professionnelles, mais les différents acteurs, au lieu de se coordonner sur une chaîne de production unidirectionnelle, travaillent désormais en réseau, en obéissant à des modèles de coopération inédits. »145

L’édition en réseau est bel et bien la façon de qualifier les tenants et les aboutissants du projet AcOBE. Cet élément permet de redéfinir plus précisément notre étude : AcOBE est la démonstration de faisabilité d’un modèle de coopération opérationnel de l’édition et la publication de livres numériques universitaires basé sur le principe d’ouverture. Ainsi, l’édition numérique universitaire ouverte, c’est l’édition nativement numérique, qui s’empare des possibilités du numérique, les exploite, les met à profit pour l’ensemble du processus éditorial et de ses co-acteurs, en vue de produire un livre multiformat et multisupport, sur la base d’une source unique.

De cette façon, et dans le cadre d’AcOBE, l’ouvrage universitaire, qu’il soit imprimé ou électronique, est le fruit d’une collaboration continue durant toutes les étapes du processus de publication, et ce, dans une logique d’ouverture et sur la base d’une suite logicielle efficace et durable au service de la science et des universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais aussi du plus grand nombre.

Cette rationalisation de l’édition numérique a donné lieu à un concept affiné, celui d’une « éditorialisation ». Deux professeurs francophones de l’Université de Montréal, Michael Sinatra et Marcello Vitali-Rosati en partagent la définition :

« Éditer un contenu ne signifie pas seulement le choisir, le légitimer et le diffuser, mais aussi lui donner son sens propre en l’insérant dans un contexte technique précis, en le reliant à d’autres contenus, en le rendant visible grâce à son indexation, à son référencement, etc. (…) L’édition numérique, en tant qu’éditorialisation, regroupe toutes les actions destinées à structurer, rendre accessible et visible un contenu sur le web. »146

À l’aune du numérique et de ses technologies, l’édition n’est plus seulement un travail du contenu aboutissant à une publication figée. Ce contenu édité numériquement est aujourd’hui inséré dans un contexte particulier, celui de la technique et du web. Ce nouveau contexte de l’édition permet à la publication d’être disponible selon des formes variables, d’être mis en rapport avec d’autres contenus, et ultimement, d’être visible par le plus grand nombre et au moyen de multiples terminaux. L’éditorialisation, c’est donc une forme d’édition numérique par nature protéiforme, dynamique et modulable147.

Ce changement technique et technologique de l’édition n’est pas sans conséquence. En effet, ce nouveau contexte de l’édition universitaire contribue au bouleversement des pratiques scientifiques et éditoriales, malgré les résistances de part et d’autre. L’un des seuls à s’être penché de façon systématique sur la question de la science ouverte au travers du « système de publication » est Bernard Rentier, ancien recteur de l’Université de Liège.

Dans Science ouverte, le défi de la transparence148, Rentier relève une série de freins et d’obstacles à la science ouverte149 :

  • « Rigidité : le conservatisme dans le style et le format de la publication scientifique ainsi que le caractère immuable et définitif » de cette dernière, sont considérés « par beaucoup comme une sécurité quant à sa qualité » ;
  • « Cupidité financière des grandes maisons d’édition, devenues aujourd’hui des entreprises de finance internationale. Les implications financières sont devenues tellement considérables qu’aucun pas en avant ne peut être attendu de leur part s’il réduit leur marge bénéficiaire » ;
  • « Ignorance des ressorts du système de publication » ;
  • Les processus d’évaluation, les peer reviewers et les jurys divers utilisent des critères d’évaluation quantifiant la qualité d’une publication ;
  • Les autorités universitaires ne connaissent pas la production scientifique produite au sein de leur institution. Même si les dépôts institutionnels existent, cela ne signifie pas que les chercheurs y déposent leur publication systématiquement, et encore moins en libre accès ;
  • Nombreux sont les chercheurs qui s’imaginent qu’ils encourent un risque sur le plan juridique en déposant leurs travaux dans l’archive de leur institution150.

Pour une part, les obstacles mentionnés sont tributaires d’une vision cloisonnée (couronnée d’une tendance mercantiliste) du processus de publication, et ce, pour plusieurs acteurs du monde universitaire. Pourtant cette vision cloisonnée n’est pas intrinsèque au monde universitaire. Les réalités disciplinaires diffèrent d’un domaine à un autre. Deux exemples paradigmatiques : là où la domaine du droit apparaît fermé151, le domaine de la physique se montre quant à lui ouvert152. Cette différence, parfois extrême, est tributaire de personnes-ressources, de développements technologiques, d’investissements institutionnels, etc., qui contribuent à l’ouverture, comme à la fermeture, de la science.

Par conséquent, l’ouverture des pratiques et des publications scientifiques n’est véritablement possible que par le biais d’initiatives d’ordre universitaire ou interuniversitaire. C’est ce qui justifie, en Belgique francophone, des projets comme les dépôts institutionnels (2004-2008)153. En effet, si le libre accès aux publications scientifiques est une possibilité effective dans les universités et hautes écoles de la Fédération Wallonie-Bruxelles, par le biais des répertoires institutionnels et du décret Open Access de 2018, c’est grâce à l’engagement dans la voie ouverte des membres de la BICfB et des institutions que ceux-ci représentent.

Ces initiatives interinstitutionnelles contribuent au dépassement de la logique de fermeture de certains domaines scientifiques, tout en permettant aux acteurs et actrices de ces domaines de partager leurs travaux avec leur communauté et au plus grand nombre, sans risque de poursuite judiciaire. Du point de vue du processus de publication, cela participe à l’ouverture de plusieurs étapes post-publication, car la diffusion et la distribution deviennent, grâce aux archives institutionnelles, entre autres, accessibles librement. Ce n’est évidemment qu’un début, étant donné que d’autres étapes du processus de publication nécessitent d’être ouvertes elles-aussi, conformément à la Recommandation de l’UNESCO et aux exigences européennes.

Malgré cet appel à l’ouverture des pratiques et des publications scientifiques de la part d’organismes nationaux et internationaux, une méfiance persiste dans le monde universitaire par rapport à la science et à l’édition ouvertes. Rentier énumère une série d’éléments contextuels particuliers154, que nous précisons plus bas. Il part du constat que la production scientifique est emportée dans une « spirale vicieuse » et centrée sur les intérêts des maisons d’édition.

  • Publier chez un éditeur prestigieux est un motif de fierté, et non un indicateur de qualité ;
  • Les limites imposées par l’édition imprimée et par sa distribution a rendu la publication chez un éditeur particulier de plus en plus compétitive ;
  • Le coût de la revue (et du livre) a augmenté, au point de rendre le métier d’éditeur lucratif et de permettre à certains groupes d’être puissants et d’acheter d’autres groupes ;
  • Les moyens générés par ce commerce ont permis aux grands éditeurs de contrôler progressivement tout le marché ainsi que ses balises ;
  • Une pratique consistant à inciter les chercheurs à publier beaucoup, sur la base de facteurs aberrants (facteur d’impact, h-index, etc.)155 ;
  • Enfin, les éditeurs ont pris l’habitude d’exiger des auteurs l’abandon complet de leurs droits (exploitation, rémunération).

Ces différents éléments contextuels contribuent à cette logique de fermeture et favorisent le mercantilisme au détriment des intérêts du plus grand nombre. Deux conséquences importantes doivent être soulignées. D’une part, la publication n’est accessible que via une « porte à péage » (par exemple via des abonnements de plus en plus coûteux pour les institutions) ; d’autre part, la publication est lue tardivement, a contrario de celles immédiatement disponibles156. La dissémination des résultats scientifiques est donc en jeu, ce qui ne peut être négligé, à plus forte raison quand les résultats publiés sont susceptibles d’engager le devenir de la santé publique. De façon analogue, ce n’est pas sans rappeler que la connaissance est une « ressource vitale »157 et que cela participe à la « justice cognitive »158, à une science ouverte juste.

Ces considérations et conséquences nécessitent que nous nous interrogions sur la place qu’occupent les grands éditeurs privés dans l’écosystème de la publication scientifique. Qu’implique la privatisation de la connaissance publique ? La question se pose dans la mesure où c’est effectivement la communauté universitaire qui s’organise pour élaborer la scientificité de la connaissance issue du travail des auteurs et des autrices (à l’exception de la recherche des experts pour l’étape de vérification), a contrario des éditeurs privés qui s’occupent essentiellement de la disséminer, de la distribuer, voire de l’imprimer159, selon des conditions parfois très restrictives, et à un prix qui ne cesse d’augmenter.

Cette attitude cloisonnée et cloisonnante de certain·e·s chercheur·euse·s universitaires couplée à un contexte éditorial mercantiliste contribue à la fermeture de la science ainsi qu’à l’appauvrissement des pouvoirs publics qui la financent, pour une grande part. Précisément, parce que l’université (a fortiori la Fédération qui la subside) est susceptible de payer jusqu’à quatre fois une publication scientifique :

  • Le salaire du chercheur·euse permet la recherche et l’écriture de sa publication ;
  • Le travail de révision par les pairs est réalisé par un chercheur·euse ou un professeur·e lui-même financé·e par le public ;
  • Les prix et les bourses que reçoivent certains chercheur·euse·s financent leurs projets éditoriaux ;
  • Les bibliothèques achètent les livres publiés par les presses.

Inutile de dire que l’édition et la publication universitaire peut rapidement devenir un gouffre financier pour les fonds publics. Ce qui pénalise ultimement l’ensemble de la communauté, intra et extrauniversitaire. L’ouverture des pratiques éditoriales et scientifiques, c’est dès lors aussi une façon pour les pouvoirs publics d’avoir un regard sur les procédés, les investissements, les dépenses, etc., effectuées dans le cadre de projets qu’ils ont subsidiés, mais d’abord et surtout de se réapproprier les moyens de production, d’édition et de publication de la science élaborée dans un contexte public. Par la même occasion, c’est aussi une façon pour les chercheurs et chercheuses de prendre conscience de la dimension économiques liée à leurs recherches et à leurs publications160.

Cette ouverture de l’édition et de la publication universitaires, sur le plan technique, offre la possibilité pour les presses universitaires, en plus de se réapproprier le travail d’édition, d’essayer de nouvelles pratiques, de nouveaux outils, de mettre en place de nouvelles dynamiques, de nouveaux projets, voire de nouvelles communautés d’échanges. Sinon, le risque est que la production scientifique produite par les chercheurs et chercheuses du service public soit réappropriée par les éditeurs privés ; production scientifique qui, ensuite, sera mise à la disposition des institutions universitaires moyennant une rétribution financière, de plus en plus conséquente.

Ainsi, il y a lieu d’envisager les problématiques liées à l’édition ouverte d’ouvrages universitaires dans des structures éditoriales capables de les soutenir et de contribuer à leur évolution, pour la simple et bonne raison que le livre est au centre de la culture scientifique161, mais aussi parce que certains domaines éditoriaux sont aujourd’hui menacés162.

Libre accès aux publications scientifiques

Cette réappropriation des moyens de production et de publication de l’édition universitaire, qui rappelons-le, est de nature publique en Belgique, repose sur l’idée que la connaissance est un bien publique. Cela présuppose a priori que les outils et les infrastructures qui soutiennent et contribuent à cette dimension publique du processus de publication des presses universitaires soient dans une logique publique, dans l’objectif de garantir le critère de transparence163. L’idée de base est en réalité simple : une publication scientifique produite par un agent financé par les pouvoirs publics, de quelque façon que ce soit, doit être portée à la connaissance du public, sans aucune entrave. Cette idée s’est concrétisée pour les articles de revue, à travers le décret Open Access de la Fédération Wallonie-Bruxelles entré en vigueur depuis septembre 2018. Comme annoncé précédemment, la question du libre accès au livre universitaire demeure encore en suspens.

Quoi qu’il en soit, cette logique d’une publication scientifique financée par le public accessible par tout un chacun n’est pas sans rappeler la Recommandation de l’UNESCO définissant la science ouverte comme étant un bien commun164. Cependant, pour Rentier, considérer les publications scientifiques comme étant de l’ordre du bien commun est problématique.

Caractéristiques des biens165

Exclusif

Non-exclusif

Compétitif

Bien privé

Bien commun

Non-compétitif

Bien tarifé

Bien public

La responsabilité d’un bien public est collective et doit être reconnue et assumée par l’ensemble des utilisateurs (ou du moins par des représentants mandatés par l’ensemble de ces utilisateurs). Dans ces conditions, le savoir ne peut pas être un bien commun dans la mesure où il n’est pas et ne doit en aucun cas être compétitif. La terminologie de bien public sera donc privilégiée dans notre étude.

Entrons à présent dans la question du libre accès aux publications scientifiques, sur la base de la considération que la connaissance est définie comme bien public. Cela a été souligné à maintes reprises au cours de ce rapport : la dissémination des connaissances scientifiques connaît des situations ambigües. Cette ambiguïté émerge principalement lors du moment charnière du processus éditorial, celui de la publication, c’est-à-dire l’instant où la publication éditée est publiée et devient un objet de connaissance et de savoir susceptible d’être porté à la connaissance du public (publication diffusée, distribuée, consultée et conservée). Cette portée de la connaissance au public est le point culminant de la publication, mais aussi le moment de toutes les convoitises.

La mise à disposition des connaissances produites par le corps scientifique a suscité bon nombre de débats et de critiques. L’accès payant (ou restreint) aux publications scientifiques par les éditeurs privés a engendré la création d’une série d’outils ouverts depuis les années nonante, à commencer par le développement d’archives disciplinaires ouvertes, dont la première fût le dépôt preprint166 arXiv en 1991167. D’autres archives disciplinaires ouvertes apparaîtront successivement, avec, par exemple, en 1997, RePEc pour l’économie et Cogprints pour les sciences cognitives168. Clairement, la possibilité pour que l’information scientifique soit partagée, nécessite de s’attarder sur la question de l’infrastructure susceptible de supporter le problème de la dissémination, mais également de nous pencher sur la question des modèles économiques (partie 5).

En Belgique francophone, les répertoires institutionnels voient le jour à partir de 2008, suite au projet de la BICfB169. Chaque université de la Fédération Wallonie-Bruxelles en possède un. Au niveau européen, il faudra attendre 2013, avec la plateforme interdisciplinaire Zenodo, créée dans le cadre du programme Horizon Europe 2020170. À la différence des exemples précédents, ce dépôt permet d’archiver des travaux de recherche, mais aussi des logiciels et des données de recherche. Cette nouveauté permet d’envisager la dissémination de différents types de publications. Ce qui n’est pas sans rappeler la Déclaration de Den Hagen de 2015 préconisant l’ouverture et la dissémination des données de la recherche171 ou le Plan d’action d’Amsterdam (2020) qui prône l’accès libre et total, et rend systématique la possibilité de partage et de réutilisation des données produites dans le cadre de recherches financées par des fonds publics172. En FWB, cela a donné lieu au projet HRS4R173 ainsi qu’au portefeuille de données de recherche174. Cet enjeu des données concerne aussi les bibliothèques175.

D’autres développements technologiques favorisant le libre accès aux publications scientifiques sont attestés en Belgique francophone, comme les pépinières de revues (PoPuPS, OJS-UCLouvain…), les dépôts d’objets numérisés176, et plus récemment, les dataverses177. Les plateformes universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles permettant la dissémination des publications scientifiques, au sens large, continuent de se multiplier, et AcOBE est en la preuve. Des initiatives connexes, comme les pages et rapports de statistiques sur l’impact de la politique du libre accès ont également émergé récemment178.

Quoi qu’il en soit, historiquement, cette ouverture de la science naît avec le libre accès aux publications scientifiques. Ce n’est que dans un second temps que l’enjeu autour de la science ouverte s’est constitué, faisant de la logique du libre accès une condition nécessaire, mais aujourd’hui non suffisante. À titre d’exemple, à partir de 2014, la Commission européenne est passée d’un point de vue local (le libre accès) de la science ouverte à une logique globale, c’est-à-dire à la science ouverte comme domaine propre179.

Accordons-nous en ce sens un instant sur la notion de libre accès. Dans le livre Qu’est-ce que l’accès ouvert? de Peter Suber, l’un des principaux rédacteurs du BOAI, Marin Dacos définit dans la préface ce qu’est l’accès libre, en vis-à-vis de l’accès ouvert180.

« Le terme open signifie “ouvert” et non “libre”. Il implique donc que le texte d’un article en “open access” est ouvert en lecture, sans barrière juridique, technique ou commerciale. Mais il ne dit rien des possibilités de réutilisation du document. Par conséquent, stricto sensu, l’open access lève les barrières à l’accès et maintient toutes les protections du droit d’auteur sur les textes, ce qui signifie qu’ils ne peuvent être reproduits ou modifiés qu’après une autorisation explicite, dans le cadre d’un contrat de cession de droit. La principale exception à cette protection est le droit de courte citation, qui autoriser les lecteurs à citer l’œuvre tant que l’extrait cité reste bref. L’accès libre va beaucoup plus loin : c’est un open access qui accorde aussi des droits supplémentaires au lecteur, c’est-à-dire des libertés. Parmi elles, le droit de partage, donc de diffusion publique, est le plus important. Certaines versions de l’accès libre accordent même un droit de modification de l’œuvre originale, mais il en est rarement question dans le cadre de la publication académique, pour d’évidentes raisons d’intégrité documentaire. »

Cet extrait est limpide et anticipe déjà les parties suivantes sur le cadre juridique de la publication scientifique en Fédération Wallonie-Bruxelles. Dacos nous avertit de la confusion entre open access et accès libre. L’usage francophone a traduit le terme anglais open par libre en français, ce qui au départ, ne posait aucun problème. Toutefois, les défendeurs d’une « circulation maximale du patrimoine scientifique ont fini par rapidement insister sur les libertés à ajouter à l’ouverture ». Cela a donné lieu à une typologie de l’ouverture des publications scientifiques, bien connue des universités belges, qu’elles soient francophones ou néerlandophones par ailleurs181. Voyons ces ramifications de plus près.

La voie verte naît avec arXiv (1991). Le point de départ est l’auteur qui dépose sa publication en ligne en accès ouvert sur une archive ouverte ;

La voie dorée concerne au départ les revues. Cette voie repose sur une logique d’édition électronique ouverte ainsi que sur une distribution en accès libre des articles, sans péage. Cette solution a rendu possible le fameux « gold rush » des grands éditeurs privés, puisque le péage a été déplacé du lecteur vers l’auteur. C’est à ce moment-là que les Article Processing Charges (APC) sont arrivées. Vu la prégnance et le poids de cette logique mercantiliste dans l’édition publique, une confusion est advenue entre la voie dorée et la voie dorée-avec-APC182. Or, ce sont-là deux logiques distinctes ;

Cette confusion entre ces deux logiques a engendré l’avènement d’une troisième voie, la voie diamant (parfois c’est le terme de voie platine qui est utilisé). Dans ce cas-ci, il apparaît sans équivoque que ni le lecteur ni l’auteur ne payent pour accéder à la publication, mais l’infrastructure ou l’institution ;

Il existe, par ailleurs, la voie hybride, fortement déconseillée par les pouvoirs publics français183 car, elle consiste à ouvrir l’accès d’un ou de plusieurs chapitres dans une publication en accès fermé.

La voie la plus en phase avec la Recommandation de l’UNESCO est évidemment la voie diamant. C’est aussi ce que préconise l’Action Plan for Diamond Open Access (2022)184 et plus récemment encore, DIAMAS185. Cette voie suppose un soutien fort des institutions pour financer les infrastructures susceptibles de proposer cette voie. Dans le contexte de la Fédération Wallonie-Bruxelles, envisager cette voie paraît difficile, si pas intenable. Cette voie servira donc de norme à atteindre dans le futur186. À l’heure actuelle, un modèle économique viable pour les presses universitaires et pour les universités doit être proposé au terme du projet AcOBE.

Par ailleurs, la question du libre accès, jusqu’ici volontairement traitée à l’aune de l’ensemble des formes que prend une publication scientifique, concerne aussi les monographies et ouvrages universitaires. Plusieurs initiatives le soulignent. Toutefois, les plans d’actions ou recommandations stipulant clairement et explicitement l’ouverture des ouvrages universitaires restent mineurs, voire anecdotiques. Par exemple, le plan S de la coalition S ne mentionnait au départ pas une seule fois la question du livre dans ses principes187. Ce n’est qu’en 2021, qu’une annonce officielle stipulant une série de recommandations pour le libre accès aux livres universitaires a été formulée188. Des propositions existent189, mais le positionnement de la part des institutions européennes et internationales demeure encore lacunaire.

Dans le contexte de la Fédération Wallonie-Bruxelles, c’est le décret Open Access de 2018 qui doit être resouligné. Ce décret stipule que tout article doit être déposé en libre accès sur le dépôt institutionnel de son université, moyennant au maximum une période d’embargo de 6 mois pour les STM ou de 12 pour les SHS. Cette différence de durée se justifie par les différences liées aux connaissances produites par ces deux ensembles de disciplines. Les STM produisent des connaissances dont la temporalité est susceptible d’être plus courte, a contrario de celles produites dans les domaines liées aux SHS. Prolonger la période d’embargo de connaissances STM, c’est en un certain sens, les ouvrir alors qu’elles sont déjà caduques. Il est évident qu’une période d’embargo est un obstacle à l’accès à la connaissance, mais reste quand bien même un moindre mal face à la privatisation pure et simple de la connaissance par les éditeurs privés.

Ces nouveautés, ces nouvelles façons de partager l’information scientifique, les conditions qui y sont rattachées, par les éditeurs ou par les auteurs, ont évidemment mis les bibliothèques universitaires à contribution. En Belgique francophone, des formations sont proposées par les bibliothèques afin d’aider la communauté à s’informer sur les différentes modalités du libre accès, et dans certains cas, de la science ouverte en tant que telle. Le ministère français l’a encore souligné il y a quelques années, la place des bibliothèques universitaires dans le développement de la science ouverte est indéniable190. Le libre accès a donc rapproché les métiers de la documentation et de l’édition. Cet état de fait se vérifie avec AcOBE, puisque ce sont en partie les bibliothèques universitaires, avec les administrations de recherche, qui ont rendu ce projet et la collaboration avec les presses universitaires possibles. Ce sont donc bien des facilitateurs de la connaissance, comme dit Lankes191, mais nous rajouterons qu’elles sont aussi des facilitatrices de la science ouverte.

Cadre juridique des publications scientifiques en Fédération Wallonie-Bruxelles

Pour terminer cette partie concernant la science ouverte, c’est le cadre juridique régissant les différents types de publications scientifiques produites au sein de la Fédération Wallonie-Bruxelles qui sera présenté. Revenons un instant sur la question des droits d’auteurs en Belgique192, avant d’en venir aux licences Creative Commons et open source.

Lorsque qu’un auteur·trice universitaire publie ses recherches scientifiques, il partage une création intellectuelle que le droit belge qualifie d’« œuvre ». Pour que les droits d’auteur protègent une œuvre, donc toute forme de publication scientifique, il est nécessaire qu’elle soit, premièrement, mise en forme193 et, deuxièmement, être originale194.

Si ces deux conditions sont remplies, l’œuvre de l’auteur·trice est alors protégée par les droits d’auteur195. Ceux-ci se ramifient en deux volets : d’une part, les droits patrimoniaux, ce qui comprend le droit de reproduction, le droit de communication au public, le droit de distribution et le droit d’autoriser l’adaptation ou la traduction de son œuvre, et, d’autre part, les droits moraux, composés du droit de divulgation, du droit de paternité et du droit à l’intégration de l’œuvre. Lorsque l’un de ces droits est violé, il est question de « contrefaçon », donc de poursuites pénales196.

Afin d’éviter d’entrer dans le registre de la contrefaçon, il faut s’assurer, en tant qu’auteur·trice, que pour toute œuvre trouvée, qu’elle soit numérique ou papier, que les conditions d’utilisation soient respectées. En d’autres termes, l’auteur·trice doit :

  • soit, disposer des droits nécessaires (cf. supra), soit demander une autorisation au détenteur des droits de l’œuvre, soit respecter la licence directement attachée ;
  • soit, faire valoir une exception légale prévue par le code de droit économique (par exemple les exceptions en faveur de l’enseignement et/ou la recherche scientifique).

Dans le cadre de la recherche scientifique, la place des références documentaires est essentielle. Les références scientifiques concernent une multiplicité de supports (livres, revues, colloques, films, images…). Par conséquent, chercher après les autorisations nécessaires pour chaque référence mobilisée, à plus forte raison dans le contexte du livre, est complexe. Les exceptions légales prévoient ce cas de figure. Nous parlons alors d’« exceptions au droit d’auteur »197. Celles qui nous concernent dans le cadre d’AcOBE sont les exceptions en faveur de l’enseignement et/ou la recherche scientifique. Ce cadre exceptionnel propre à la recherche scientifique repose sur le droit à la citation, c’est-à-dire la permission de reproduire un extrait d’une œuvre à l’appui d’un discours.

Dans l’édition d’ouvrages universitaires, la responsabilité engagée est autant celle de l’auteur que de l’éditeur. De l’auteur, d’abord, car celui-ci doit s’assurer qu’il dispose du droit nécessaire pour l’œuvre qu’il réexploite, c’est-à-dire d’une œuvre dont il n’est pas l’auteur. Ensuite, l’éditeur doit s’assurer que l’auteur qu’il édite et publie dispose de tous les droits nécessaires pour la réexploitation de documents dont il n’est pas l’auteur. Pour ce faire, l’éditeur doit prévoir une clause de garantie dans le contrat d’édition, clause permettant de garantir que l’auteur est titulaire des droits. Dans le cadre d’AcOBE, il est évident que le gestionnaire de la plateforme doit s’assurer que l’éditeur a bien vérifié que l’auteur détenait les droits nécessaires.

De surcroît, l’autorisation de l’auteur pour citer l’œuvre nécessite également que la référence de l’œuvre réexploitée soit explicitement et clairement mentionnée. Elle veillera donc à respecter les normes bibliographiques en vigueur198. Savoir-faire que les universités possèdent et enseignent aux étudiant·e·s, soit directement par le biais de leurs professeure.s., soit par l’intermédiaire des ressources mises à la disposition des bibliothèques.

En parallèle à ces droits et exceptions, il existe des autorisations, données par l’auteur de l’œuvre à d’autres personnes, afin qu’une série de libertés dans l’utilisation et l’exploitation de son œuvre soit possible. Ces autorisations existent sous forme de licences. Comme l’indique le guide du CRef, « Stricto sensu, ces autorisations doivent être accordées de manière formelle, et se concrétisent par la signature d’un contrat appelé contrat de licence »199.

Dans le contexte de la science ouverte, les licences la plus en accord (et accessoirement la plus connue200) avec le principe du libre accès sont celles proposées par l’association américaine Creative Commons201. Elles s’appliquent à de nombreuses ressources documentaires, comme les livres, les articles, les images… Publiées fin 2002, ces licences régissent les conditions de réutilisation et de distribution d’une œuvre. Elles sont reconnues par le SPF Économie202, utilisées par certaines institutions, dont le Service Public Fédéral Belge203 et leur applicabilité en droit belge est attestée depuis 2010204. Elles permettent à l’auteur de donner son accord pour une certaine utilisation de son œuvre. Comme nous l’avons spécifié plus haut, une licence CC, quelle qu’elle soit, est un contrat juridique que les utilisateurs sont tenus de respecter. Il existe quatre conditions dans les licences CC disponibles :

  • Attribution (BY) : attribution à l’auteur. Hormis pour la licence Public Domain (CC 0)205, cette condition s’applique à toutes les licences Creative Commons ;
  • Pas d’utilisation commerciale (NC, Noncommercial) : reproduire, diffuser et modifier l’œuvre est possible, mais à des fins qui ne sont pas commerciales ;
  • Pas de modification (ND, NoDerivatives) : l’œuvre réutilisée ne peut pas être modifiée ;
  • Partage dans les mêmes conditions (SA, ShareAlike) : la personne qui réutilise l’œuvre ne peut le faire qu’en appliquant les mêmes conditions pour sa création.

En résumé, six licences CC sont possibles, en plus de la licence 0 (domaine public) :

Licence

Condition

CC BY

Attribution

CC BY ND

Attribution, pas de modification

CC BY ND NC

Attribution, pas de modification, pas d’utilisation commerciale

CC BY NC

Attribution, pas d’utilisation commerciale

CC BY NC SA

Attribution pas d’utilisation commerciale, partage dans les mêmes conditions

CC BY SA

Attribution, partage dans les mêmes conditions

Les œuvres sous licence CC doivent intégrer les icônes correspondantes. Elles sont disponibles sur le site officiel206.

En prenant le critère d’ouverture, nous obtenons ce tableau  :

FIGURE 2 – Les familles de licences Creative Commons — Simon Villeneuve (CC-BY-SA 4.0)

Pour terminer, il existe également des licences pour les productions logicielles. L’application de licences à des logiciels ou codes sources est historiquement antérieur aux licences de Creative Commons. En effet, la naissance du logiciel libre et de licences qui y sont rattachées date de 1985 avec la fondation Free Software de Richard Stallman, initiateur du mouvement du logiciel libre207. L’objectif est clair dès le départ, il s’agit d’établir les conditions d’exploitation d’un logiciel208.

Puisqu’AcOBE se focalise essentiellement sur la question d’édition et de publication de livres universitaires, s’attarder sur la question des licences de logiciels nous écarterait de notre objet. Toutefois, lorsque nous analyserons les trois solutions technologiques ouvertes retenues lors de l’étape 2 du projet, nous ne manquerons pas de souligner la licence qui y est attaché et les conditions que celles-ci supposent209. Notons toutefois que sur le plan historique, c’est la notion de logiciel libre qui était préconisée. Aujourd’hui, il est considéré que le libre est un mouvement, une vision du monde, qui soutient des valeurs, des politiques, des engagements. A contrario, des logiciels open source, qui reposent sur une terminologie plus récente, qui s’inscrit dans la logique de la science ouverte210, et dont l’objectif est de mettre en avant une « méthodologie de développement et de diffusion du logiciel »211.

En dernière instance, cette partie présentant rapidement le cadre juridique des publications scientifiques en contexte belge francophone n’est qu’introductif. Cela ne saurait remplacer l’apport des bibliothèques et des administrations pour le moment de post-publication des œuvres scientifiques. Toutefois, l’objectif était de montrer la prégnance de ce cadre à l’heure actuelle, et surtout l’importance que le libre accès a autant au niveau régional, que national et international. Ce sont les jalons essentiels à l’élaboration de la science ouverte légale.

126 Un nombre important de références seront partagées dans cette partie, afin de susciter la curiosité de nos lecteur·trice·s. Elles servent par la même occasion à asseoir toute une série de notions qui apparaîtraient, aux yeux de certain·e·s, intangibles.
127 Pour rappel, le BOAI est un engagement en faveur du libre accès des publications scientifiques qui favorise le dépôt de celles-ci dans des archives ouvertes. Cf. n. 82, p. 26.
128 M. Vanholsbeeck, « La notion de Science Ouverte dans l’Espace européen de la recherche », Revue française des sciences de l’information et de la communication, 11, 2017, https://doi.org/10.4000/rfsic.3241, §7.
129 Ibid., §8.
130 Ibid., §10.
131 https://www.undp.org/fr/sustainable-development-goals
132 UNESCO, Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte, 2021, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000379949_fre.
133 UNESCO, Comprendre ce qu’est la science ouverte, 2022, https://unesdoc.unesco.org/ark:/48223/pf0000383323_fre.
134 « Considérant que des pratiques scientifiques plus ouvertes, transparentes, collaboratives et inclusives, associées à des connaissances scientifiques plus accessibles et vérifiables et soumises à l’examen et à la critique, améliorent l’efficacité, la qualité, la reproductibilité et l’impact de l’entreprise scientifique et, par conséquent, la fiabilité des preuves nécessaires pour prendre des décisions et élaborer des politiques solides et accroître la confiance dans la science (…) ». Recommandation de l’UNESCO pour une science ouverte, p. 1.
135 Ibid., p. 7.
136 De toute évidence, parler d’une « logique traditionnelle » renvoie, dans le contexte d’AcOBE, aux pratiques éditoriales basées sur une logique de fermeture. Cette expression est volontairement large, elle permet de mettre l’emphase sur la logique d’ouverture de la science ouverte, et plus particulièrement, sur les pratiques éditoriales à l’université. Cette dimension « traditionnelle » de la production scientifique ne saurait rendre compte de ses complexités historiques et n’a pas l’objectif d’entrer dans une querelle, avec d’un côté les « Anciens traditionnels », de l’autre, les « Modernes ouverts ». En revanche, même si la volonté d’ouvrir la science a déjà plusieurs siècles, la portée internationale que la science ouverte connaît aujourd’hui est sans précédent. Ce principe d’ouverture de la science au niveau mondial engendre bel et bien une rupture dans les pratiques.
137 Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte, pp. 9-10.
138 Ibid., p. 12. Cela concerne aussi les publics empêchés. Cf. https://www.consilium.europa.eu/fr/policies/accessibility-goods-services/.
139 Ibid., p. 32
140 Dacos & Mounier, L’édition électronique, p. 5.
141 Pour rappel, nous avons défini huit étapes du processus de publication lors de l’étape 1. La rédaction, la vérification, l’édition et la publication constituent le moment de pré-publication du livre, tandis que la diffusion, la distribution, la consultation et la conservation équivalent au moment post-publication.
142 C’est d’ailleurs sur la base de ce fait que l’UNESCO a développé le concept de l’universalité de l’Internet https://fr.unesco.org/internetuniversality/about.
143 Pour Dacos et Mounier, la numérisation, l’édition numérique et l’édition en réseau forment l’édition électronique, titre de leur ouvrage éponyme.
144 Dacos & Mounier, L’édition électronique, p. 88.
145 Idem.
146 Sinatra & Vitali-Rosati (dir.), « Histoire des humanités numériques » dans Pratiques de l’édition numérique, Presses de l’Université de Montréal, Montréal, 2014, édition augmentée, version 1, http://www.parcoursnumeriques-pum.ca/1-pratiques/chapitre3.html. Cette définition de l’édition numérique recontextualise davantage celle proposée quatre ans plus tôt par Dacos et Mounier dans L’édition électronique, p. 5, « les choisir, les rassembler, les corriger, les préparer puis les diffuser et en faire la publicité ». Cf. n. 45, p. 16.
147 A. Fauchié, « Les technologies d’édition numérique sont-elles des documents comme les autres ? », Balisages, 1, 2020, https://doi.org/10.35562/balisages.321, p. 1.
148 B. Rentier, Science ouverte. Le défi de la transparence, Académie Royale de Belgique, coll. « L’académie en poche », 2018. La version postprint auteur est disponible sur le dépôt institutionnel d’ULiège : https://hdl.handle.net/2268/230014.
149 Ibid., pp. 57-64.
150 Fait étonnant dans la mesure où la plupart des institutions universitaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles communiquent là-dessus, soit à travers des pages spécifiquement dédiées au libre accès des publications scientifiques, https://bib.ulb.be/fr/editions/politique-open-access-des-editions-de-l-universite-de-bruxelles (ULB) ; https://lib.uliege.be/fr/open-science/open-access/luliege-et-lopen-access (ULiège) ; https://web.umons.ac.be/bibliotheques/ressources/ (UMons) ; https://www.unamur.be/bump/assets/pdf/OADoctorants (UNamur) ; https://uclouvain.be/fr/bibliotheques/l-open-access-0.html (UCLouvain), soit par le biais de formations au sein de leur université.
151 F. Desseilles & L. Thys, « L’Open Access en Belgique francophone du côté du droit et des juristes. Bientôt une réalité ? », Cahiers de la documentation, 2017/4, https://www.abd-bvd.be/wp-content/uploads/2017-4-Desseilles-Thys.pdf.
152 https://www.frs-fnrs.be/Analyses/PublicationsenOA.html. En moyenne, 93% des publications issues du domaine de la physique sont en libre accès. Le domaine du droit n’est pas repris dans les domaines d’activité concernés.
153 https://www.bicfb.be/projets/projets-realises/depots-institutionnels
154 Rentier, op. cit., pp. 18-22.
155 La question de mesurer la science ouverte se pose. Par exemple : F. Bordignon, « Comment ouvrir et mesurer la science vont de pair ? », Arabesques, 103, 2021, https://dx.doi.org/10.35562/arabesques.2714.
156 Rentier, op. cit., p. 34 et suiv.
157 Ibid., p. 83.
158 F. Piron (dir.) et al., Justice cognitive, libre accès et savoirs locaux, Éditions Science et bien commun, 2016, https://scienceetbiencommun.pressbooks.pub/justicecognitive1/.
159 Rentier, op. cit., p. 36.
160 C. Magis & F. Granjon, « Numérique et libération de la production scientifique », Variations, 19, 2016, https://doi.org/10.4000/variations.733.
161 M. Girod, « Mettre le livre au cœur de la culture scientifique », dans Ancelin (dir.), Médiatiser la science en bibliothèque, Presses de l’ENSSIB, 2016, https://books.openedition.org/pressesenssib/4966.
162 G. Sapiro & H. Seiler-Juilleret, « Éditer les sciences humaines et sociales à l’heure de la globalisation et du numérique », Biens Symboliques / Symbolic Goods, 12, 2023, https://doi.org/10.4000/bssg.3044, §17.
163 Recommandation de l’UNESCO sur une science ouverte, p. 1.
164 Ibid., p. 3.
165 Rentier, op. cit., p. 31.
166 La version preprint d’une publication correspond à la version que l’auteur·trice soumet au comité de rédaction d’une revue scientifique. Cf. https://doc.archives-ouvertes.fr/ufaqs/qu-est-ce-qu-un-preprint/.
167 Des dépôts clandestins ont également vu le jour et ont été la cible de poursuites judiciaires par les éditeurs privés, dont la dernière en date est celle à l’encontre de la librairie Z-Library. Cf. https://fr.wikipedia.org/wiki/Z-Library.
168 Les archives ouvertes disponibles sur le web sont répertoriées sur OpenDOAR : http://v2.sherpa.ac.uk/opendoar/.
169 https://www.bicfb.be/projets/projets-realises/depots-institutionnels
170 https://fr.wikipedia.org/wiki/Zenodo
171 https://thehaguedeclaration.com/
172 https://www.ouvrirlascience.fr/amsterdam-call-for-action-on-open-science/
173 J. Biernaux, I. Halleux & A. Grard, Projet « HRS4R – Research Data Management » Faciliter la gestion ouverte et responsable des données de la recherche, 2022, https://hdl.handle.net/2268/292039.
174 https://www.bicfb.be/projets/projets-realises/portefeuille-de-donnees-de-recherche-pour-les-chercheurs
175 V. Mesguich, Les bibliothèques face au monde des données, Presses de l’ENSSIB, coll. « Papiers », Villeurbanne, 2023, https://doi.org/10.4000/books.pressesenssib.17655.
176 https://www.bicfb.be/projets/projets-realises/donum-depots-dobjets-numerises-2008-2015
177 https://dataverse.uclouvain.be/ (2017) ; https://dataverse.uliege.be (2023), par exemple.
178 Par exemple : https://mosa-research.be ; https://www.ares-ac.be/fr/actualites/937-decret-open-access-rapport-2022 ; https://www.frs-fnrs.be/Analyses/PublicationsenOA.html.
179 C. Kosmopoulos, « From Open Access Publishing to Open Science: An Overview of the Last Developments in Europe and in France », dans D. G. Alemneh, Handbook of Research on the Global View of Open Access and Scholarly Communications, IGI Global, 2022, https://doi.org/10.4018/978-1-7998-9805-4.ch001, p. 4.
180 Dacos, « Préface à l’édition française » dans P. Suber, Qu’est-ce que l’accès ouvert ?, tr. fr. M. Lebert, OpenEdition Press, 2016, https://doi.org/10.4000/books.oep.1686, pp. 7-18.
181 L’Université de Gand parle de couleurs liées à l’open access : https://onderzoektips.ugent.be/en/tips/00000461/. Le FNRS en fait également état dans une étude récente : https://www.frs-fnrs.be/Analyses/PublicationsenOA.html. On retrouve cette typologie aussi dans les universités de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Mentionnons par exemple DIAL de l’UCLouvain : https://dial.uclouvain.be/pr/boreal/fr/node/553 ou la documentation de la bibliothèque d’ULiège : https://lib.uliege.be/fr/open-science/open-access.
182 Cette confusion existe par exemple dans le rapport 2020 de l’ARES sur les effets du décret “Open Access” de la FWB : https://www.ares-ac.be/images/publications/ARES-Rapport-Open-Access-2020.pdf.
183 Ouvrir la science !, Recommandations pour la diffusion en accès ouvert des ouvrages de recherche, 2023, https://www.ouvrirlascience.fr/wp-content/uploads/2023/06/2023_06_02_Recommandations_AO_Ouvrages-recherche.pdf, p. 5.
184 https://www.scienceeurope.org/our-resources/action-plan-for-diamond-open-access/
185 DIAMAS, D3.1 IPSP Best Practices Quality evaluation criteria, best practices, and assessment systems for Institutional Publishing Service Providers (IPSPs), 2023, https://zenodo.org/records/7859172.
186 Nous aurons l’occasion d’y revenir lors des recommandations en fin de document.
187 https://www.coalition-s.org/plan-s-principes-et-mise-en-oeuvre/
188 https://www.coalition-s.org/coalition-s-statement-on-open-access-for-academic-books/
189 https://ospolicyobservatory.uvic.ca/les-monographies-en-libre-acces/
190 C. Letrouit et al., op. cit.
191 Cf. n. 51, p. 18.
192 « Le droit d’auteur est un droit de propriété intellectuelle régit, en Belgique, par la loi du 30 juin 1994 relative au droit d’auteur et aux droits voisins ». Voir L. Thys, Aspects juridiques de la publication scientifique. Guide pratique à l’attention des membres de la communauté universitaire, CIUF, coll. « Repères en Sciences bibliothéconomiques », Bruxelles, 2009, https://hdl.handle.net/2268/4277, p. 11.
193 Une œuvre mise en forme, c’est une œuvre « à laquelle a été donnée une certaine structure qui la destine à être communiquée ». Voir ibid., p. 13. Il est important de souligner cette condition. Une idée, même si elle est par la suite plagiée, n’est pas protégée. Ce n’est qu’une idée mise en forme qui profite d’une protection juridique, à condition qu’elle soit originale. Autrement, vous entrez dans un régime de contrefaçon.
194 CRef, Guide de partage de contenus pédagogiques en ligne par les étudiant·e·s, 2023, http://www.cref.be/communication/20230915_Guide_partage_contenus_pédagogiques_CRef.pdf.
195 B. Pochet, Comprendre et maîtriser la littérature scientifique, Presses agronomiques de Gembloux, 2018, https://hdl.handle.net/2268/186181, pp. 145-150.
196 https://finances.belgium.be/fr/particuliers/international/voyager/contrefacon ; https://economie.fgov.be/fr/themes/protection-des-consommateurs/arnaques-la-consommation/formes-darnaques/vous-soupconnez-un-commercant.
197 https://economie.fgov.be/fr/themes/propriete-intellectuelle/droits-de-pi/droits-dauteur-et-droits/droits-dauteur/utilisation-dune-oeuvre/exceptions-au-droit-dauteur
198 Pochet, Comprendre et maîtriser la littérature scientifique, pp. 143-144, https://hdl.handle.net/2268/186181.
199 CRef, Guide de partage de contenus pédagogiques en ligne par les étudiant·e·s, p. 5.
200 https://paris-sorbonne.libguides.com/open-access/creative-commons
201 https://fr.wikipedia.org/wiki/Licence_Creative_Commons
202 https://economie.fgov.be/fr/themes/propriete-intellectuelle/droits-de-pi/droits-dauteur-et-droits/droits-dauteur/protection-des-oeuvres/le-libre-acces-l-open-source et connues de certaines sociétés de gestion des droits d’auteurs en Belgique, dont Assucopie, Reprobel et SCAM, par exemple.
203 https://www.belgium.be/fr/conditions_d_utilisation ; https://creativecommons.org/public-domain/cc0/ ; https://data.gov.be/fr/faq/quelle-licence-sapplique.
204 M. Lambrecht, « Première décision Creative Commons : contrats de licence et modèles économiques du libre accès : Note sous Nivelles (11e ch.), 26/10/2010 », Revue du Droit des Technologies de l’Information, 42, 1, 2011, http://hdl.handle.net/2078.1/73133.
205 La licence zéro traduit la renonciation des droits patrimoniaux de l’auteur. Elle est autorisée en Belgique, mais interdite en France, par exemple. À la différence des six autres licences libres, la licence CC zéro est une licence ouverte.
206 https://creativecommons.org/mission/downloads/
207 https://fr.wikipedia.org/wiki/Richard_Stallman
208 Louvet, op. cit., p. 6.
209 Il existe des guides pour éviter certaines licences. Par exemple : https://brainhub.eu/library/open-source-licenses-to-avoid.
210 Recommandation de l’UNESCO vers une science ouverte, p. 3.
211 Louvet, op. cit., p. 8.

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